En se réveillant la nuit pour prendre un verre d’eau, Zhanna surprend une conversation entre les parents de son mari — et au matin, elle a déposé une demande de divorce.

28mai2025

Je me suis levée au milieu de la nuit pour boire un verre deau et, en traversant le couloir, jai entendu les parents de Maxime discuter. Ce que jai entendu ma suffi à prendre la décision ce matin même : je vais demander le divorce.

Je repasse le regard sur la façade en pierre du manoir de mes beauxparents, une bâtisse à deux étages qui a toujours semblé trop grande pour deux personnes âgées. Maxime chargeait les valises dans le coffre, comme à son habitude.

«Prêt?» me demandetil.

«Oui, bien sûr,» répondsje en souriant. Quinze ans de mariage mont appris à masquer le malaise.

La porte souvre sur MarieLouise Lefebvre, coiffée dune nouvelle robe de maison.

«Ah, te voilà, mon fils!» membrassetelle, puis me lance un bref regard. «Bonjour, Béatrice.»

«Bonjour,» je tends une boîte de chocolats. «Tu ne devrais pas, ton père a encore du diabète.»

Maxime reste muet, comme dhabitude. Dans le salon, Pierre Lefebvre regarde le journal, hoche la tête puis se replonge dans les nouvelles.

«Dîner dans une heure,» annonce la bellemère. «Maxime, aidemoi en cuisine. Béatrice, reposetoi.»

Repos, comme si jétais invalide.

Je minstalle dans la chambre damis, range mes affaires dans le placard et massois sur le lit. Au travers du mur, les voix de Maxime et de sa mère résonnent : travail, voisins, santé. Pourquoi viennentils chaque mois? Pour la façade? Ou Maxime leur manquetil vraiment?

«Béatrice, viens manger!» crie MarieLouise. Sur la table, poulet, pommes de terre, salade la même routine.

«Maxime a encore passé ses vacances en Grèce,» commence la mèreinlaw. «À notre âge, on partait à la campagne, on aidait le pays.»

«Les temps ont changé,» rétorqueje.

«Oui, aujourdhui le divertissement prime sur la famille,» insistetelle. Je serre les poings. Maxime mâche son poulet, silencieux.

«Et les enfants?» demande Pierre, levant les yeux de son plat. «Les années passent.»

«Papa, on en a déjà parlé,» murmure Maxime.

«Parlé, oui, mais rien na changé.»

Je me lève, prétexte un mal de tête et méclipse.

Dans ma chambre, je ferme la porte, mes mains tremblent. Les mêmes insinuations, les reproches, les regards désapprobateurs. Maxime revient après une demiheure.

«Questce qui ne va pas?»

«Rien, juste fatiguée.»

«Ils ne veulent que notre bienêtre.»

Je me glisse contre le mur, la tête contre le plafond.

«Bonne nuit.» Maxime se déshabille, sallonge à côté de moi et sendort en ronflant.

Je pense à la prochaine matinée, aux remarques acerbes au petitdéjeuner, à Maxime qui fera comme si de rien nétait. Quinze ans estce ainsi que tout doit rester?

À trois heures du matin, ma bouche est sèche, la tête bourdonnante. Maxime ronfle toujours. Je me lève, enfile une robe de chambre et me dirige vers la cuisine pour de leau. Un veillecierge éclaire le couloir, le parquet grince sous mes pas.

Jentends les voix de mes beauxparents dans la cuisine.

«Cette vache infertile, quinze ans sans enfants, quelle perte,» siffle MarieLouise. «Silence, on se fera entendre.»

«Quoi?» gronde Pierre.

«Quelle entende!Peutêtre quelle aura enfin honte. Maxime pourrait avoir nimporte quelle femme, il est beau, riche.»

Mon cœur bat à tout rompre, comme si toute la maison lentendait.

«Alors, que proposestu?»

«Parlelui demain, une vraie conversation. À quarantetrois ans, on peut encore fonder une famille.»

«Et lappartement, la voiture?»

«Lappartement est au nom de Maxime, on a financé lapport. La voiture aussi. Elle ne recevra que ce quelle a gagné.»

MarieLouise ricane, «Une bibliothécaire»

«Il acceptera,» assuretelle. «Je suis sa mère, je sais comment le toucher.»

«Et sil refuse?»

«Il nrefusera pas. Maxime mécoute toujours.»

Des bruits de sacs, de vaisselle résonnent. «Il est temps daller dormir, grosse journée demain.»

Je me précipite aux toilettes, ferme la porte, massois sur le rebord, le visage enfoui dans mes mains. Le poids mort, la vache stérile. Quinze ans à essayer, à cuisiner pour les fêtes, à encaisser les piques. Ils me traitent comme un meuble usé.

De retour dans la chambre, Maxime ronfle encore. Je me couvre, jattends laube.

À sept heures, je me lève, mhabille, emballe mes affaires. Maxime se réveille au bruit.

«Béa, pourquoi si tôt?»

«Je rentre chez moi.»

«Chez qui?On devait rester jusquau soir.»

«Je veux rentrer.»

Il se frotte les yeux.

«Questce qui se passe?»

«Rien. Je veux simplement rentrer.»

«Et mes parents?Ils seront fâchés.»

Je prends mon sac, lui dis :

«Passe leur le bonjour, disleur que jai eu mal à la tête.»

«Jy vais avec toi.»

«Non, reste avec eux.»

Je sors, mets ma veste, sors mon téléphone et appelle un taxi.

«Béatrice, où vastu?» lance MarieLouise depuis la cuisine. «Le petitdéjeuner est prêt.»

«Je rentre chez moi, merci pour lhospitalité.»

«Pourquoi si tôt?»

Je remarque ses lèvres peintes, ses yeux surpris, son ton doux.

«Jai des choses à régler chez moi.»

Le taxi arrive, je monte, ferme les yeux. Le poids mort se dissout petit à petit.

Chez moi, je prépare un thé fort et massois à la table de la cuisine. Lappartement est étrangement silencieux. Dhabitude ils rentrent le soir, épuisés, dînent, puis vont se coucher. Mais cest samedi, onze heures, et je suis seule.

Le téléphone sonne, cest Maxime.

«Béa, tu es bien rentrée?»

«Oui.»

«Quoi de neuf?Ta mère dit que tu agis bizarrement.»

Je souris.

«Tout va bien. Et tes parents?»

«Ça va Écoute, je viendrai ce soir, on parlera.»

Je raccroche, regarde autour de moi. Lappartement que nous avions choisi ensemble, les rideaux, les meubles. Lapport venait des parents de Maxime, donc, à leurs yeux, cet endroit nest pas vraiment le mien.

Je sors un dossier du placard : acte de mariage, titres de propriété, tout est à nos deux noms.

Lundi, je prends un jour de congé et je vais voir une avocate, une femme de trente ans, en jean et pull.

«Vous voulez déposer une demande de divorce?»

«Oui.»

«Des enfants?»

«Non.»

«Des disputes sur les biens?»

Je réfléchis. «Peutêtre.»

«Cela ira devant le tribunal. Nous déposerons la requête, vous serez convoquée. Si votre mari accepte, la procédure sera plus rapide, un à deux mois.»

Je remplis les formulaires, paie les frais dÉtat. Un étrange soulagement, comme si je déposais un sac à dos lourd.

Ce soir, Maxime arrive à huit heures, épuisé, irrité.

«Quelle journée Ma mère narrête pas de me harceler. Elle dit que je lai criez.»

«Je nai pas crié.»

«Alors pourquoi testu barrée comme ça?»

Je pose un bol de soupe devant lui.

«Maxime, maimestu?»

Il se mouche.

«Pourquoi ces questions?»

«Je suis curieuse. Tu maimes?»

«Bien sûr, quinze ans ensemble.»

«Ce nest pas une réponse. Vous pouvez vivre quinze ans par habitude.»

Il pose sa cuillère.

«Béa, questce qui se passe?Depuis deux jours tu es différente.»

«Réponds à la question.»

«Eh bien je taime. Et alors?»

«Que diraistu si tes parents suggéraient le divorce?»

Il baisse les yeux.

«Cest absurde. Pourquoi feraientils ça?»

«Et sils le font?»

«Ils ne le feront pas.»

«Maxime, je te demande que diraistu?»

Un long silence. Il froisse la serviette.

«Pourquoi parler comme ça?Nous sommes bien.»

««Bien» nest pas une réponse.»

«Je ne sais pas!» il se lève. «Je suis fatigué de ces questions. Tout allait bien il y a deux jours, et maintenant que sestil passé?»

Je reste debout.

«Rien nest arrivé. Jai juste réalisé quelque chose.»

«Quelque chose?»

«Que jai été une idiote pendant quinze ans.»

Je sors le dossier du placard, le pose sur la table et le montre à Maxime.

Il le lit, pâlit.

«Vous avez perdu la tête?»

«Au contraire. Pour la première fois depuis longtemps, je vois clair.»

«À cause de quoi?De ma mère?Elle ne voulait rien dire!»

«Je sais. Elle ne voulait rien dire. Elle pense juste que je suis un poids mort.»

Il reste figé.

«Comment»

«Jai entendu votre réunion de famille, tard dans la nuit, dans la cuisine.»

«Ce nest pas ce que je crois»

«Questce que cest alors?»

Il reste muet, le dossier entre ses mains.

Je massois en face de lui.

«Ma mère parlait encore denfants, du temps qui passe.»

«Et de poids mort?»

«Elle est vieille, elle dit des sottises.»

«Quavezvous dit?»

Il se frotte le front.

«rien.»

«Exactement, comme dhabitude.»

Je me lève, prépare du thé. Mes mains ne tremblent plus. Au lieu de larmes, cest le calme qui menvahit.

«Pendant quinze ans jai attendu que vous mettiez les choses à leur place, que vous disiez à votre mère que je suis votre épouse, pas une locataire temporaire.»

«Ils sont habitués à commander»

«Et vous à obéir. Vous mavez fait obéir.»

Maxime se lève brusquement.

«Je nai forcé personne!Je déteste les conflits.»

«Conflits?Cest défendre sa femme. Tu as préféré que je supporte.»

«Alors, que faisonsnous maintenant?On ne peut pas changer le passé.»

«Rien à faire, cest déjà fait.»

Il saisit le dossier.

«Je ne signerai pas!»

«Ce nest pas nécessaire. Le tribunal prononcera le divorce.»

«Béa, réfléchis!Où irastu?Que ferastu?»

«Je ne sais pas. Mais je le ferai sans vous trois.»

Il tourne en rond, les bras en lair.

«Cest fou de détruire une famille à cause des mots dune vieille femme!»

«Famille?Quel genre de famille?»

«Nous vivons ensemble comme des colocataires dun immeuble. Tu travailles, je travaille, on se voit le soir devant la télé. Le weekend, on va chez tes parents, où je fais semblant dapprécier quils me tolèrent.»

«Et quoi de mal?Cest une vie normale.»

«Normale pour toi. Jen ai assez dêtre invisible.»

Le téléphone sonne, cest MarieLouise.

«Ne décrochez pas,» supplie Maxime.

Je réponds.

«Allô.»

«Béatrice, mon cher!Maksim estil chez vous?Je voulais savoir comment ça se passe.»

«Tout va bien. Je divorce de votre fils.»

Silence, puis :

«Quoi?Questce que vous dites?»

«Ce que vous vouliez entendre. Je me libère pour vous.»

«Béatrice, je ne comprends pas»

«Vous comprendrez. Passez le bonjour à Pierre.»

Je raccroche, Maxime me regarde, horrifié.

«Pourquoi lavezvous dit?»

«Pourquoi le cacher? Laissezla être heureuse.»

Une demiheure plus tard, MarieLouise fait irruption sans frapper.

«Questce qui se passe?Maksim, expliquetoi!»

«Maman, pas maintenant»

«Béatrice!Quavezvous fait?Vous avez perdu la tête?»

Je reste calme, assise à la table.

«Au contraire, jai repris mes esprits.»

«Après quoi?Maksim tatil maltraitée?»

«Maksim mignore. Vous vouliez vous débarrasser de moi.»

«Qui vous a dit cela?»

«Vous, la nuit dernière, dans la cuisine.»

«Vous avez espionné?»

«Je voulais juste de leau et jai entendu que vous mappeliez poids mort.»

Elle regarde entre nous, confuse.

«Béatrice, vous avez mal compris. Je crains pour Maksim, il est malheureux»

«Maman, cest assez,» intervient Maxime soudain.

«Quentendezvous par assez?»

«Assez de mensonges. Oui, vous vouliez le divorce, et oui, jai entendu et je suis restée muette, comme dhabitude.»

«Maksim!»

«Et maintenant Béatrice a décidé ellemême, et elle a raison.»

Maxime regarde sa mère, surpris, pour la première fois il dit la vérité.

«Mais cest trop tard,» ajoute-til.

MarieLouise sagit

«Vous êtes tous fous!Béatrice, désolé si jai dit quelque chose de mauvais!»

«Merci, mais la décision est prise.»

Un mois plus tard, le tribunal prononce le divorce. Lappartement est partagé, je vends ma part à Maxime. Largent me suffit pour un studio lumineux dans le 11ᵉ arrondissement.

Je dépose des fleurs sur le rebord, accroche mes photos. Pour la première fois depuis longtemps, je fais ce que je veux. Je regarde les films qui me plaisent, je mange quand jai faim, plus personne ne juge mes choix.

Maxime mappelle les premières semaines, me supplie de revenir, promet de parler à ses parents. Je réponds poliment, puis les appels cessent.

Mes amies sont stupéfaites: comment quitter un mari aisé? Ma réponseJe regarde lavenir avec confiance, enfin libérée de mon fardeau.

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Tu n’es pas sa femme – déclara ma belle-mère en retirant la photo du mur