Fiston, il faut bien que tu ailles de lavant. Tu es encore jeune, il y a assez de souffrance pour aujourdhui.
Maman, je noublierai jamais Amélie. Elle restera ma seule et unique passion
Un mois sétait écoulé depuis le jour où Amélie, la petite amie de Sébastien, avait quitté ce monde. Ils allaient se marier, et deux semaines avant la cérémonie, un chauffeur ivre lavait percutée en traversant la chaussée. Elle sortait du magasin de robes de mariée, fière de son plus beau modèle. Elle navait plus quà le récupérer, avaitelle réussi à le dire à Sébastien au téléphone.
Ce fut leur dernier appel. On lenterra dans la robe même, si belle quelle semblait encore respirer, allongée dans le cercueil comme une vraie mariée.
Sébastien crut perdre la raison sous la peine. La mère dAmélie hurla à pleins poumons quand lon referma le cercueil, un bruit qui le déchirait le cœur.
Amélie le hantait en rêve. Toujours un sourire, toujours une invitation à un lac mystérieux.
« Mon amour, je tattends chaque nuit, mais tu ne viens jamais Ce lac, derrière la forêt où habite ta grandmère, nous réunira pour toujours. »
Sébastien se rendit chez la grandmère Marie, qui vivait dans un petit hameau non loin de la périphérie de Lyon.
Grandmère, il y a vraiment un lac près dici ?
Oui, mais ce nest pas un lac comme les autres. On raconte que les sorcières y faisaient des rituels, que quiconque sy baigne est entraîné par des forces obscures. Certains disent même y voir des fantômes, un véritable portail entre les vivants et les morts. Pourquoi cette curiosité ?
Oh, rien de spécial, jai juste entendu que cétait joli
Il ne mentionna pas les rêves, mais grava lhistoire du lac dans sa tête.
Une nouvelle nuit, Amélie apparut, les bras tendus, les larmes coulant, la taille immergée jusquaux hanches. Il voulait la serrer, mais quelque chose le retenait au bord. Lidée de la voir le tourmentait, son cerveau était en ébullition, jour et nuit.
Séb, ça va ? Tu as lair de deux jours sans sommeil, des cernes à faire pâlir un corbeau. Un petit congé, peutêtre ? lui lança le collègue Romain, inquiet.
Tout va bien, enfin je me mentais. Je narrive pas à accepter son départ, ça me ronge. Elle me revient sans cesse en rêve, parfois en pleurs, parfois en rire
Je comprends. Le temps aide. Tu as pensé à une messe pour elle ?
Ses parents nétaient pas croyants, ils nont pas fait de rite funéraire. Et moi, baptisé mais pas vraiment croyant, je ne sais pas trop
Sébastien navait jamais mis les pieds à léglise, mais il décida que peutêtre un peu de prière calmerait lâme dAmélie.
Je tattends, maintenant, mon amour Au lac, tout est paisible, cest là que nous pourrons nous rejoindre
Il se réveilla en sursaut, le cœur battant comme un tambour. Il avait encore limage dAmélie, les bras prêts à lembrasser.
Il jeta un œil à sa montre : onze heures. Dehors, la pluie martelait les pavés. Et si, cette fois, le lac lui permettait de la voir
Il shabilla en vitesse, prit les clés de la voiture et sortit. Dans sa tête, un brouillard se mêlait à la voix de son aimée : « Je tattends »
Jarrive, ma petite !
Après bien des détours, il parvint enfin au lac. La pluie sétait arrêtée, un silence pesant régnait, même les feuilles ne bougeaient pas. La lune, ronde et dorée, se reflétait sur leau noire, éclairant le paysage dune lueur surnaturelle.
Sébastien se posta au bord et cria à pleins poumons : « Amélie, je suis là ! Je suis venu ! »
Soudain, la surface se fissura et la tête dune jeune femme surgit, suivie du reste du corps : Amélie, drapée de sa robe de mariée, souriante, les bras grands ouverts.
Viens à moi, mon amour !
Sans réfléchir, il savança dans leau. Un instant plus tard, une main ferme agrippa sa chemise et le tira vers le rivage. Il se retourna, étonné, et découvrit un vieil homme vêtu de noir, un crucifix pendu à une corde au cou.
Arrête! Ne mets pas le pied dans leau!
Qui êtesvous ? Lâchezmoi, elle mattend!
Ce nest pas Amélie, cest une entité malveillante prenant sa forme! Ce lac est un piège à âmes!
Le choc le fit revenir à lui. Lobscurité se dissipa. « Amélie est morte », pensat-il, incrédule.
Prends la voiture, rentre chez toi et oublie ce lieu. Beaucoup dâmes y ont disparu Va à léglise, demande une bénédiction pour Amélie.
Il démarra, le vieil homme disparut comme un souffle. Sébastien finit par rentrer, seffondra dans son lit et dormit dun sommeil lourd.
Le lendemain, la tête lourde, il décida de ne pas aller travailler. Il téléphona, prétexta un malaise, puis prit la route vers la maison de GrandMère Marie.
Petit, questce qui tarrive? Raconte, je técoute.
Il navait que très peu de contacts avec ses parents, ces voisins bourrés qui réclamaient toujours de largent et criaient sans cesse. Leur aide était de courte durée. GrandMère Marie, en revanche, lavait élevé comme son propre fils.
GrandMère, jai failli tout gâcher! Jai jamais su ce qui ma pris
Il lui décrivit la nuit, le lac, le rêve, le vieil homme au crucifix.
Ah, mon petit, ça ressemble à lhistoire du père Jean, notre ancien curé. Il a refusé de collaborer avec des bandits dans les années quatrevingtdix, ils lont jeté dans ce même lac. On raconte que son esprit veille encore sur les lieux, aide les perdus.
Tu penses que cest lui qui ma arraché?
Oui, et surtout quAmélie a besoin dune prière. Sans cela, son âme erre, ce qui attire le malin. Tu dois aller à léglise, demander une messe et un rosary. Je peux même ty accompagner.
Sébastien, les yeux écarquillés, se sentit comme dans un film à la Dany Boon. Il navait jamais cru aux fantômes, mais la situation lobligeait à reconsidérer.
Daccord, GrandMère. Jirai au plus vite.
Il file à la paroisse la plus proche, commande une mess
e de requiem, achète un petit crucifix quil pendit autour du cou.
Depuis, Amélie ne le rend plus visite dans ses rêves. Sébastien sourit, convaincu que son âme a enfin trouvé la paix.







