Gardons cela entre nous
Jétais profondément contrariée chaque fois que ma belle-mère nous offrait de vieux objets. Je croyais quelle le faisait exprès, pour se moquer de nous. Mais la vérité ma frappée plus tard.
Quand Paul et moi avons enfin acheté notre appartement à Lyon, je nen revenais pas de notre bonheur. Lumineux, spacieux, avec une terrasse baignée par la douce lumière du matin. Nous avions mis tout notre cœur dans la rénovation : des murs aux tons chaleureux, des meubles minimalistes, une cuisine élégante tout semblait sorti dun magazine. Je déambulais dans les pièces, me disant : voilà notre foyer, notre nouveau départ.
Le seul élément qui rompait cette harmonie parfaite, cétaient les cadeaux de ma belle-mère. Françoise Dubois une femme simple de la campagne, généreuse, attentionnée mais au goût très particulier. Tous les mois, elle débarquait avec des sacs remplis de trésors.
Un jour, des verres en cristal des années 80 :
Cest du vrai cristal de Bohême ! Regarde comme il scintille ! disait-elle, les tenant à la lumière.
Un autre jour, une nappe un peu passée :
Tu vois la broderie ? Cest fait de mes mains, quand Paul était petit
Je la remerciais poliment, mais au fond de moi, tout se crispait. Ces objets semblaient étrangers dans notre intérieur moderne. Je les rangeais dans le placard, me demandant : quest-ce que je vais en faire ?
Cette année, pour la Saint-Nicolas, Françoise est arrivée avec une grande boîte en carton.
Cest pour vous. Un service en porcelaine de Bohême, ancien. Prenez-en soin
Jai ouvert la boîte des tasses et des assiettes au liseré doré, un peu usées mais intactes. Une vague dagacement ma envahie. Encore du vieux alors que tout est neuf chez nous pourquoi ? Mais jai souri :
Merci, Françoise. Nous apprécions beaucoup.
Son regard si chaleureux ma mise mal à laise.
Une semaine plus tard, jai surpris sa conversation avec la voisine dans la cour. Je sortais les poubelles et jai entendu sa voix familière.
Je ne sais pas si ça leur sert Mais cest du fond du cœur. Ce sont mes plus beaux souvenirs. Je veux quelle maccepte. Ma belle-fille est citadine, raffinée Et moi ? Je veux juste être proche deux.
Françoise, tu leur donnes tout ce que tu as de plus précieux ? demanda la voisine.
Mais oui Quils en profitent. Cest la famille
Je suis restée figée. Mon cœur sest retourné. Elle ne nous apportait pas des vieilleries. Françoise nous offrait une part de sa vie. Une part delle-même.
Jai eu honte de toutes mes pensées.
Quelques jours plus tard, nous avons invité Françoise à dîner. Jai sorti sa nappe du placard, lai repassée, étalée sur la table. Elle a aussitôt réchauffé la pièce. Puis jai disposé le fameux service en porcelaine. Lambiance est devenue si douce, si familiale.
Quand Françoise est entrée, elle na pas compris tout de suite puis ses yeux se sont illuminés.
Oh vous avez mis ma nappe ?
Elle est magnifique, Françoise, ai-je dit sincèrement. Et le service aussi. Sans vous, notre table naurait pas cette chaleur.
Ma fille je voulais juste vous offrir du bonheur
Je le sais, ai-je répondu en la serrant dans mes bras.
Ce soir-là, nous avons ri, partagé des souvenirs de son village et de notre enfance, bu du thé dans ce vieux service. Et pour la première fois, jai ressenti que dans notre appartement moderne, la vraie chaleur familiale venait darriver.
Et vous, quelles relations avez-vous avec vos belles-mères ?







