Capucine Dupont a toujours senti quelle nappartient pas à cet endroit. Dès son enfance, elle voit des souvenirs étranges: une vieille maison qui sent le tabac et les pommes, une femme aux cheveux noirs qui lui chante, un homme qui la jette contre le plafond et rit jusquà ce que les vitres tremblent. Sa mère Véronique assure que ce ne sont que des fantasmes, mais les réminiscences se précisent.
Des doutes surgissent: les cheveux roux et les yeux bleus de Véronique ne correspondent en rien à ceux de Capucine, aux cheveux noirs et aux yeux noisette. On ne parle jamais du père.
Lorsque le cancer emporte Véronique, à son chevet la femme souffle à peine audible: «Je tai volée». En tant que touriste, Capucine vit un séisme. Dans les ruines, elle découvre une petite fille en robe à pois, la seule survivante parmi les morts. Nayant pas denfant, elle lemmène et lélève. «Jai pris ton passé, mais je tai laissé ton nom. Ta mère sappelait Élise, ton père Jean.»
Capucine ne croit pas jusquà ce quelle trouve une photo jaunie dun couple dont les traits lui sont horriblement familiers. Un vide la pousse à chercher.
Loin de là, le vieux Jean Timothée lutte contre la maladie. Il cache du sang dans un mouchoir pour son protecteur Armand. Il avait promis à sa femme Léna dattendre le retour de leur fille disparue, Ondine. Léna, qui croyait aux cartes et aux signes, meurt convaincue que la fille vit. Jean porte le poids du péché et de lespoir.
Armand le presse de se soigner, mais Jean refuse. Il le pousse plutôt à chercher une compagne et à oublier la fiancée perdue. Tous deux partagent la douleur: Armand a perdu son père lors du même séisme qui a arraché lenfant à Jean.
Capucine décide. Elle achète un billet davion et part pour la ville natale, Marseille. Dans sa poche ne reste quune adresse et la photo. Dans le taxi qui la conduit, le chauffeur pâlit en voyant limage et frôle la collision.
«Quel est votre prénom?» demandetil, tremblant.
«Capucine,» répondelle.
«Non,» souffletil. «Votre vrai nom est Ondine.»
Capucine se fige. Hasard ou destin?
Jean, mourant, sent que cest sa dernière nuit. Il espère sendormir paisiblement comme Léna. Mais il se réveille, faible, brisé, mais encore en attente. Le bruit dune voiture et des pas dans le couloir le surprend.
«Tonton Vano, cest moi!» crie Armand, ajoutant: «Je ne suis pas seul!» Jean croit que le médecin arrive.
Une jeune femme entre alors. Ce nest pas Léna bien que le premier instant le laisse croire le contraire. Cest sa fille. Son Ondine, adulte, aux mêmes yeux sombres.
Capucine Ondine sassoit au chevet, touche sa main avec hésitation. Jean, les larmes de joie, caresse son visage.
«Ma fille,» murmuretil. «Enfin tu es rentrée à la maison.»
Le temps semble suspendre un instant. La promesse faite à la femme saccomplit. Il retrouve enfin la paix.







