LE GOÛT DE LA VIE…

28mai2025 Cher journal,

Aujourdhui, à mon cabinet du 8Rue de la Paix, une vieille dame aux cheveux azurés sest installée sur la chaise devant moi, les jambes qui tambourinaient comme si elle voulait déjà sortir.
«Pour quelle affaire?» lui aije demandé.
«Je viens rédiger mon testament,» a-t-elle rétorqué dun ton ferme.
Je lai invité à sinstaller confortablement et elle a commencé à dicter.

«Après mon décès, je souhaite que mon cerveau soit envoyé au CNRS pour étude. Si le CNRS refuse, quon indique que cela vient de Claudine Bernard. Tous mes chats, ceux qui seront encore en vie à mon dernier souffle, je les lègue à mes amis. Sil ny a plus damis, les félins reviendront à mon fils, Luc. Tous les livres qui ne trouvent pas preneur devront être déposés à la bibliothèque municipale, mais je recommande vivement quon les feuillette au moins une fois. Il y a trois ans, jai perdu le carnet où javais caché quelques billets de 20, je ne sais plus où ils se trouvent. Enfin, je veux que mes cendres soient dispersées sur la colline de la NouvelleCalédonie», a-t-elle déclaré.

Le notaire, moi, ai eu un moment dhésitation.
«En NouvelleCalédonie?» aije répété, surpris.
«Mais cest si loin! Pourquoi tant de complications?» a-t-elle rétorqué.
«Les complications, cest le travail de cinq heures par jour et une pause déjeuner dune heure. Mon fils ne sort jamais de son bureau à cause de ça. Il est toujours absorbé par ses dossiers, comme moi à mon époque. Je le regrette. Il a encore tout à faire. Les voyages donnent du relief à la vie, ils transforment les gens. Il ne reviendra plus jamais le même. Quil franchisse la moitié du globe ; je regarderai comment il reviendra à son bureau, sans quon le force. Il faut lui montrer quune autre existence existe, cest ce que je ferai après ma mort.»

«Et je ne veux pas pourrir sous terre. Mieux vaut senvoler vers la Calédonie», a-t-elle conclu en haussant les épaules. Le notaire a pincé ses lèvres, indécis.

Elle a poursuivi : «Je veux que mon chat préféré, Mirette, soit brûlé avec moi, comme dans les rites anciens je plaisante!Juste, votre regard était étrange, alors jai voulu vous taquiner.»
«Vous mavez effrayé?» aije demandé.
«Secoué,» a-t-elle souri. «Cest fait.»

Ensuite, elle a abordé les biens matériels. «Le logement et la moto, je les laisse à mon fils. Javoue ne pas posséder encore de moto, mais je suis inscrite à des cours et jen achèterai une bientôt, notezle. Le scooter, je le lègue à Stéphane Niquet, sil est encore en vie. Il le convoite depuis longtemps. Un jour, en roulant avec lui, il sest écrasé contre un arbre et la cassé.»

Après son départ, jai annoncé une pause. Son image aux cheveux bleus restait gravée dans ma tête. Jai relu le testament, vérifié chaque ligne, puis, en cherchant mon portable, jai appelé : «Marie, salut, ça te dirait de partir quelque part? Tu sais, jai toujours rêvé daller en Afrique»

Cette rencontre ma rappelé que le temps file et que les dernières volontés peuvent être aussi farfelues que sincères. Jai compris quil faut écouter, même les souhaits les plus improbables, car ils dévoilent le désir dune vie plus riche.
Leçon du jour: la vie ne se mesure pas en kilomètres parcourus, mais en audace à oser changer de cap.

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