Les Cheveux Enchantés

Tout va bien, Marine. Et Mélisande se comporte bien. On a juste coupé un peu les cheveux. Alors, ma petite ?
Maman vous êtes quoi ? sest crispée Marine, serrant le téléphone.
On a rafraîchi la coupe, viens voir a répondu gaiement Valérie Roman, et Marine a entendu le bip bref de la ligne.

Sentant que quelque chose clochait, Marine a attrapé les clés de la voiture et a foncé chez sa mère.

Mélisande était une enfant hors du commun. Dès sa naissance, il était clair quelle était un petit ange. Des mèches blondes encadraient son visage parfait aux yeux bleus immenses. Elle était déjà née avec des boucles ; même léchographie les montrait. Marine riait, ne croisant pas les doigts que la petite ait des boucles. Mais lorsquon lui a montré le bébé dans la salle daccouchement, les boucles étaient non seulement là, elles étaient déjà doucement coiffées.

Mélisande grandissait sans caprices, offrant à sa mère des nuits complètes de sommeil. Elle dormait profondément la nuit, sans besoin dallaitement. Marine était surprise quand son amie lui racontait quelle était épuisée avec son nouveau-né qui ne distinguait plus le jour de la nuit et ne dormait presque jamais, à moins dêtre bercé dans les bras, tourné dun bout à lautre de la chambre. Un simple moment assis réveillait le bébé qui pleurait, obligeant les parents à le bercer à nouveau, toute la journée.

Avec Mélisande, Marine récupérait elle aussi ses nuits, et son mari, Anatole, partait travailler reposé. Grâce à ce calme, Marine produisait beaucoup de lait, et Mélisande avait un appétit dogre. Ainsi, pendant la première année, elles ne faisaient que dormir et manger.

Quand Mélisande a commencé à marcher, les choses se sont compliquées, mais aussi devenues plus amusantes. Tous les placards ont dû être fermés à clé, les poignées sécurisées, les coins des meubles protégés pour que la petite ne se blesse pas. Marine a tout géré seule pendant cette période, sans aide extérieure. Les grandsmères des deux côtés rendaient visite, jouaient avec Mélisande, apportaient des cadeaux, mais Marine na accepté demmener la petite chez sa grandmère, comme celleci le demandait souvent, que lorsque Mélisande a eu un an et demi.

Valérie Roman, mère de Marine, était retraitée. Toute sa vie, elle avait travaillé dans les crèches, dabord comme assistante, puis comme cuisinière. Elle savait tout sur les enfants, mais Marine était très inquiète et ne faisait confiance à personne dautre pour soccuper de sa fille.

Tu ne me fais pas confiance, cest ça ? Je ne suis pas une étrangère, questce qui pourrait arriver ? Mélisande est une petite en pleine santé, aucune allergie, aucune maladie, (pff, ne voulons pas porter malheur) rien du tout. Pourquoi ne pas la confier une demijournée ? Tu pourrais faire tes courses tranquillement. sest plainte Valérie.

Maman, je ne suis pas fatiguée. Je peux pousser la poussette dans les magasins sans problème. a répliqué Marine.

Cest au supermarché, pour les courses. Et la veste que tu voulais acheter? Tu ne la prendras pas si tu dois la mettre en essayant avec la poussette. Laissemoi la garder, et tu iras faire tes courses.

Valérie a finalement présenté largument décisif : la veste. Marine voulait vraiment lessayer en magasin, mais sans Mélisande ce serait plus aisé, surtout que la voiture était attendue.

Après avoir emballé une pile de trucs quelle jugeait utiles pour la petite pendant une demijournée, Marine a remis à Valérie une petite feuille détaillant lheure du sommeil, le type de purée à donner, même la cuillère à offrir à la petite comme à son petit cheval en peluche, pour quelle sache que tout est normal.

Marine! Tu exagères! Bien sûr que je sais comment moccuper dun bébé! Tout ira bien, ne ten fais pas. Ce nest plus un nouveauné, elle a déjà un an et demi. la rassurée Valérie, prenant Mélisande dans ses bras, linstallant sur le canapé et chantonnant : «Allez, on senvole, on sen va!»

Mélisande a aimé le jeu, a souri en montrant ses petites dents comme des grains de riz.

Marine a alors réalisé à quel point il était agréable de se détacher des soucis, de prendre le volant et daller où il fallait. Elle a flâné dans le centre commercial, presque comme une petite escapade oubliée, a acheté quelques vêtements, sest arrêtée dans un café, a savouré un expresso avec une part de gâteau, puis a repris la route pour enfin acheter la veste quelle convoitait.

Tout le temps, elle envoyait des messages à sa mère pour savoir comment allait la petite, et Valérie répondait avec des photos de Mélisande qui jouait ou mangeait, rassurant sa fille.

Le jour sest terminé ainsi : le mari, Anatole, a approuvé la petite pause de Marine.
Parfait! Ta mère nest pas une étrangère, elle sait comment soccuper des enfants. Laisselui profiter de sa petiteenfant, elle nen a quune. Chez ma mère il y en a déjà cinq, alors une de plus ou une de moins, ça ne change rien. a plaisanté Anatole.

Avant de partir chercher Mélisande, Marine a appelé Valérie pour savoir comment ça se passait. La grandmère avait décidé de couper les cheveux de la petite.

Il fallait déjà faire la première coupe, ça les gênait. Regarde, le petit col se voit, même le petit bout de peau ! Après la coupe, les cheveux seront plus beaux. a insisté Valérie.

Maman! Ils étaient déjà beaux, pourquoi? a supplié Marine, presque en larmes.

Les sages disent quaprès un an, il faut couper les cheveux des toutpetits. Regarde Léonide qui a rasé son petit Egor! Cest ce quon faisait dans mon village. a rétorqué Valérie.

Mais Egor était un garçon! Et Mélisande Dieu, au moins elle na pas été rasée à blanc! Tu aurais pu demander! a répliqué Marine.

Valérie a haussé les épaules.
Quy atil à se plaindre? Jai simplement coupé les cheveux.

Soudain, Mélisande a commencé à pleurer. Marine la prise dans ses bras, la habillée en silence, évitant de regarder la petite coupe qui lui faisait presque couler les larmes. Elle la installée dans le siège auto, a pris son sac et a quitté la maison sans un mot.

Anatole, un peu déconcerté, a remarqué que la petite nétait plus lange des cartes de Noël, mais ressemblait plus à un enfant dun foyer. Il a haussé les épaules, sest gratté la nuque, puis a dit à sa femme :
Marine, tu ne te fais pas du souci pour un rien. Les cheveux repousseront.

Marine, les bras croisés, fixait un point lointain.
Vous vous êtes disputées? a demandé doucement Anatole.
Tu crois? Au moins elle aurait pu demander! Les vieilles superstitions commencent à me hanter: lune croissante, jour clair Je ne pensais pas être si sombre et superstitieuse

Valérie, chez elle, appelait ses amies, leur racontant à quel point Marine était ingrate. «Oh, Marine, je tai mal élevée» marmonnaitelle en composant le numéro dune amie avocate, qui lui conseilla de saisir le tribunal pour «déni de droit de visite», citant le Code civil français, article 3712, qui garantit le droit de chaque grandparent à voir son petitenfant.

«Nous sommes famille, ce nest pas si grave», rétorquait Valérie, tandis que son amie lui conseillait de supporter la situation.

Finalement, le petit incident de la coupe de cheveux a rappelé à tous que les changements dapparence sont temporaires, que lamour et la compréhension sont plus durables que nimporte quel mèches tombées. En acceptant les petites transformations avec patience, on préserve lharmonie familiale et on apprend que la vraie beauté réside dans la capacité à sadapter et à soutenir ceux quon aime.

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Les Cheveux Enchantés
Внутреннее богатство важнее материальных благ