Vassil se réfugia derrière le banc, se roulant en boule et tremblant de peur et de solitude.

Cher journal,

Je me suis réfugié dans les buissons derrière le banc du Luxembourg, je me suis enroulé en boule et jai tremblé. Les larmes coulaient, non seulement par peur, mais aussi par solitude.

La neige tombait sans relâche depuis trois jours, épaisse et lourde comme si elle nen finirait jamais. Je nai jamais oublié que, jadis, javais un nom, le goût du lait chaud et les mains douces de Mamie Claudine.

Quand jétais tout petit, Mamie Claudine ma trouvé dans une boîte en carton devant la boutique du coin. En haletant, elle a escaladé le petit grillage, sest faufilée entre les taillis et a soulevé la boîte doù séchappait un mince cri plaintif.

«Quel drame, mon petit!», sest lamenté le grand-père en ouvrant le couvercle. «Qui ta laissé ici, mon garçon? Quaije fait pour tabîmer?»

Retirant son vieux foulard de soie du cou, Mamie Claudine a enveloppé le minuscule chaton sans nom. Au départ, elle a cru voir une petite chatte tricolore, mais une fois à la maison, elle a découvert que cétait un chaton, petit mais déjà plein de vie.

«Très bien, tu seras Gaston,» a-t-elle déclaré avant daller chauffer du lait.

Ainsi, Gaston est devenu un chat de maison, toujours aux côtés de sa maîtresse. Il la suivait partout, veillait comme un chien et sémouvait quand son odeur rappelait les gouttes du cœur.

Après un an et demi, le drame sest produit: la «voiture blanche» a emporté Mamie Claudine, qui nest jamais revenue. La voisine a continué à le nourrir un temps, puis de nouveaux parents sont arrivés. Ils nont guère apprécié la présence dun félin.

«Tant pis!», ont-ils dit, et ils ont laissé Gaston dehors, sous le froid.

Le froid et la peur lont submergé. Jamais il navait connu la rue; le bruissement des feuilles, le craquement sous ses pattes le terrifiaient. Il a couru sans regarder où il mettait les pattes.

Un parfum alléchant la stoppé. Devant lui se dressait un stand de croquettes. Son ventre gargouillait, il sest approché timidement.

«Tu as faim, mon petit?», a souri la vendeuse. «Viens, je toffre un morceau.»

Ainsi viva-t-il: il grignotait les restes de croquettes, buvait du lait dans un gobelet en plastique et se réfugiait dans une boîte de ailes de poulet.

Puis le stand a disparu, emporté par un camion. Gaston tournoyait, cherchant désespérément la femme qui le nourrissait chaque jour.

Il sest à nouveau glissé dans les buissons derrière le banc, sest fait une petite boule tremblante et a pleurésilencieusement, à cause du froid, de la solitude, de lincompréhension de son avenir.

Il sest endormi sans le savoir. Dans son rêve, il était de nouveau un grand chat majestueux perché sur une haute branche, à côté dun énorme oiseau blanc, micolombe, mihomme.

«Comment te trouvestu ici, Gaston?», a demandé lOiseau en déployant ses immenses ailes.

Dans le songe, le chat a tout raconté: Mamie Claudine, le stand, la faim. LOiseau la écouté jusquau bout, puis a disparu.

À son réveil, une plume blanche reposait sur son museau. Il a dabord cru que cétait une plume de lOiseau, mais cétait une petite neige, froide, et la neige samplifiait autour de lui.

Il a grelotté, a miaulé, mais personne na répondu. Seule la neige tournoyait, indifférente.

Il survivait ainsi: dormant dans une boîte, mangeant la neige, grignotant le pain que les passants jetaient aux oiseaux, fuyant les chiens, et samincissant de jour en jour.

La neige continuait de tomber, le troisième jour déjà, et les souvenirs de la chaleur de la maison de Mamie Claudine sestompaient.

Soudain, un aboiement a retenti derrière lui. Il a bondi de toutes ses forces, a grimpé à un arbre et sest arrêté sur une branche élevée, où il sest endormi de nouveau.

Le même Oiseau lui a apparu en songe.

«Cest dur, mon petit?»

«Oui, très dur le froid, la faim les chiens»

«Que désirestu le plus?»

«Voir Mamie Claudine au moins une fois», a chuchoté le chat.

«Alors regarde,», a répondu lOiseau.

Et il la vue, vivante, juste à côté.

«Ma chère!», a miaulé le chat, le cœur brisé. «Comme il me manque sans toi»

«Mon petit rayon de soleil,», a répondu Mamie Claudine. «Je tai tellement manqué! Viens à moi, mon cher»

Elle a tendu les bras, et à cet instant lOiseau la doucement poussé sur lépaule. Il est tombé.

Sous larbre, deux jeunes femmes se tenaient. Lune portait une poussette, lautre était vive et éclatante.

«Sophie, attention!», sest exclamée la femme avec lenfant quand le chat a atterri dans les bras de lamie.

«Regarde!», a ri Clara. «Mon horoscope dit «bonheur céleste» aujourdhui! Je ne pensais pas que cétait littéral!»

Le chat a ouvert les yeux lentement et a murmuré :

«Miaou»

«Bonjour, ma petite joie,», a souri Clara. «Comment tappellestu?»

«Miaou,», a confirmé le chat.

«Javais un chat nommé Gaston», a réfléchi Sophie.

«Alors appelonsle ainsi,», a décidé Clara.

Et Gaston a pensé: «Cest bien moi, Gaston», avant de miauler une fois de plus.

Elles sont ensuite parties ensemble, Sophie pour nourrir son fils, Clara pour accueillir son nouveau compagnon poilu.

Et je comprends maintenant: quelquun mattend à nouveau, on maime encore, on ma retrouvé.

Avec espoir,
Gaston.

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Vassil se réfugia derrière le banc, se roulant en boule et tremblant de peur et de solitude.
Il est parti dès qu’il a appris le diagnostic de notre fils. Et je suis restée—parce que je ne pouvais pas abandonner mon enfant.