Alors, imagine la scène : dans un supermarché du centre de Lyon, une femme de quatre-vingtdix ans, Madame Dupont, pénètre lentement, appuyée sur son vieux bâton de bois. Chaque pas lui coûte, le dos lui fait mal, les jambes tremblent, mais elle avance obstinément, parce quelle a toujours fait tout toute seule, sans jamais demander daide.
Elle sarrête devant les rayons, regarde les baguettes, en prend une, puis la repose le prix trop élevé. Elle jette un œil à une boîte dhuile dolive, tourne létiquette et pousse un profond soupir. Tout autour semble distant, indifférent. Les clients filent, leurs téléphones sonnent, les chariots grincent, et elle reste là, seule parmi des dizaines de regards qui ne la voient même pas.
À peine atelle atteint la fin du rayon quune douleur aiguë transperce sa jambe. Elle chute sur le carrelage froid, son bâton glisse de ses mains.
« Oh mon Dieu » murmuretelle, en essayant de se relever.
Quelques personnes se retournent. Lun fronce les sourcils, un autre hausse les épaules, un troisième fait semblant de ne pas avoir vu. Une dame près du rayon continue de choisir des yaourts, un homme à la caisse jette un coup dœil puis séloigne.
Madame Dupont tente de se relever, mais ses jambes ne la suivent pas. Elle sappuie sur son bâton, glisse à nouveau, les larmes remplissent ses yeux. Elle tend la main, espérant quun passant vienne laider, mais personne ne bouge. Un jeune homme, plutôt branché, sort son téléphone pour filmer.
Alors, elle rampe. Lentement, laborieusement, ses mains sagrippent aux carreaux. Le bâton frappe le sol à côté delle, tandis que les clients sécartent en silence. Aucun secours narrive.
Soudain, un petit miracle : une fillette denviron cinq ans, Clémentine, tenant son ours en peluche, sapproche. Elle sassied à genoux à côté de la vieille dame, la regarde et chuchote doucement :
Mamie, vous avez mal? Où sont vos enfants?
Madame Dupont baisse les yeux, des larmes nouvelles, non plus de douleur mais de gratitude, coulent. Clémentine tend sa petite main et essaye de la soutenir.
Sa mère, voyant cela, se précipite. Elle soulève Madame Dupont, la pose sur un banc près de la sortie, et appelle une ambulance. Pendant ce temps, la fillette tient la main de la vieille dame et souffle :
Nayez pas peur, tout va bien.
Quand lambulance arrive, le supermarché est devenu un silence lourd. Ceux qui, il y a une minute, détournaient le regard, scrutent maintenant le sol.
Parfois, il suffit dun seul cœur généreux pour rappeler aux autres quils restent humains.
Et ce jourlà, lhumanité na pas été montrée par la foule pressée, mais par une petite fille avec son ours en peluche.







