Je suis Alexandre et je me souviens de ces cinq premiers jours après la naissance de notre petite Maëlys. Laccouchement sétait déroulé par césarienne programmée, et je voyais ma femme, Thérèse, se remettre doucement du choc. Maëlys était le premier enfant tant attendu. Thérèse et moi étions mariés depuis sept ans; pendant ces années, elle avait vu trois grossesses avorter dès le commencement. Quand nous avions fini par perdre lespoir davoir un bébé, elle était tombée enceinte à nouveau, comme un éclair dans lobscurité. Au troisième mois, elle fit un songe où sa défunte mère lattendait sur un terrain de jeu, caressant sa tête et murmurant dune voix douce:
Bientôt la petite Maëlys illuminera ta vie damour et despoir.
À son réveil, Thérèse était convaincue que le prénom de notre fille serait Maëlys, aucune autre idée ne traversait son esprit. Jai accepté, en précisant que, puisque le nom de famille et le patronyme reviendraient à moi, elle pouvait choisir le prénom en toute liberté.
Après lopération, Thérèse était trop faible pour soccuper des formalités, alors je pris les documents nécessaires et me rendis à la mairie de notre arrondissement pour enregistrer la naissance. Je ne me doutais pas du «coup de théâtre» qui nous attendait.
De retour à la maison, je suis revenu avec ma mère, Odette, avec qui les relations avec Thérèse étaient toujours tendues. Thérèse, encore sonnée, ne voulait pas voir ma mère, mais, malgré son irritabilité, elle la accueillie poliment. Quand elle a ouvert le livret de famille, son cœur a failli sarrêter: le prénom inscrit était «Ada», pas Maëlys. Ses jambes ont fléchi, ses mains ont tremblé.
Elle a pâli à la vue de ce nom et a dû le vérifier plusieurs fois, refusant dy croire. Mais le papier ne mentait pas: «Ada» était écrit noir sur blanc. Elle a dû reprendre ses esprits avant de me demander, les larmes au bord des yeux:
Ada? Questce que ça signifie? Questce que tu as fait? Qui est cette Ada?
Jai demandé à notre fille de me rapporter un verre deau, le disant à mon épouse de se calmer. Odette, dun ton imperturbable, a ajouté en me lançant un regard irrité:
Rien de grave, ne tinquiète pas.
Je suis allé chercher de leau, la suis revenu, le verre froid à la main, tandis que Thérèse, à bout de souffle, hurlait:
Cest de ta faute! Cest toi qui as fait changer le prénom de notre fille? Qui te donne le droit? Jai donné naissance à Maëlys, pas à Ada! Seul moi peux lui donner son nom! Tu comprends ce que tu as fait?
Jai tenté de la calmer: Il ne faut pas dramatiser. Jai simplement respecté la vieille tradition familiale qui veut que les filles portent le prénom de leurs grandsmères. Ma grandmère sappelait Ada, une femme noble et droite, dont la destinée était brillante. Tu devrais être heureuse que notre petite porte ce nom, elle deviendra forte et courageuse comme Ada.
Ma fille a son propre destin! Il ne faut pas que la défunte simmisce dans notre vie. Ce que vous avez fait est monstrueux! Qui ta donné ce pouvoir? Jai envoyé mon mari à la mairie, pas vous! Pourquoi ne peuxtu pas agir sans mon accord? Souvienstoi bien : cest Maëlys, pas Ada. Jirai immédiatement à la mairie pour corriger ça.
Thérèse a donc dû se rendre à la mairie, Maëlys au bras, refusant de la laisser aux soins de mon père et dOdette. Sous le regard tendu du juge des affaires familiales, elle a exposé la situation et a exigé la modification du prénom, qui ne pouvait se faire quavec le consentement des deux parents.
De retour, je lai trouvé désemparée, le visage empreint de culpabilité. Jai tenté de la prendre dans mes bras, mais elle ma repoussée violemment et a répliqué:
Pour changer le prénom, il faut laccord des deux parents. Je jure que je ne passerai plus un jour avec toi si tu refuses. Notre petite nest pas Ada, elle sappelle Maëlys. Le fait que tu cèdes à ta mère nuit à notre couple. Réfléchis à qui compte vraiment pour toi. Ma tante sappelait Ada, et elle pleurait parce quon la traitait de «Adavenant de lenfer». Ce nest pas la question. Je ne laisserai pas ta mère décider du destin de notre enfant. Ta pression me rend nerveux, et ça risque de compromettre lallaitement.
Pardonnemoi, ma chérie, jai été naïf, a-t-elle murmuré, en me serrant. Ma mère ma menacé de me priver de lhéritage si je nappellerais pas la petite Ada. Nous réglerons tout demain, déposerons une demande de rectification auprès du tribunal.
Finalement, le nom a été changé en Maëlys. Odette ne la plus jamais revue. Thérèse a fini par divorcer de moi un an plus tard. Elle a compris que je resterais toujours le fils à la maman gâtée, et quelle avait besoin dun protecteur solide, pas dun «petit panier» qui danse toute sa vie au son des exigences de sa mère.







