Oly arrive dans son village natal après ses études. À peine la jeune femme a-t-elle franchi le seuil de la maison que l’on frappe à la porte. Sur le pas, se tient la tante d’Oly.

Cher journal,

Aujourdhui, je suis revenue dans le petit village de SaintLoup, là où jai grandi, après deux années détudes à la fac. Dès que jai franchi le portail de la maison familiale, on a frappé à la porte. Cétait ma tante, la sœur de mon père. Elle se tenait là, le visage un peu fatigué, mais le sourire toujours présent.

Camille et moi, on sest rencontrées à lécole primaire, on était même censées être cousines mon père et le père de Camille sont, selon la famille, des cousins éloignés. Au final, on ne sest jamais vraiment liée damitié, même si nos familles se croisaient souvent au village.

Après le bac, nous sommes toutes deux parties à luniversité de Caen. Mes parents étaient fiers : moi, future économiste, jallais minscrire à la licence déconomie, et Camille, future avocate, à la faculté de droit. Nayant aucun proche dans la ville, je comptais loger en résidence universitaire. Mais à la fin du mois daoût, les parents de Camille ont proposé de partager un appartement unepièce à deux.

«Nous avons trouvé un joli studio près du campus, meublé, avec réfrigérateur et machine à laver. Le reste, on lamènera nousmêmes», ma annoncé Nathalie, la mère de Camille. «Cest bien mieux que la dortoire.»

Mes parents ont accepté, et nous aussi. Nous nous sommes organisées pour garder lappartement propre, chacune alternait les corvées et la cuisine sans jamais se disputer. Une fois par mois, les parents de Camille venaient nous rendre visite, apportant légumes, fromage et pain frais du marché.

Le premier semestre sest passé sans accroc. Nous avons brillamment réussi les examens, et avons même bénéficié dune prime de résultat. Après les vacances dété, Camille est tombée amoureuse dun étudiant en droit, Mathieu, qui habitait encore à la résidance.

Lautomne a apporté le froid, les feuilles dorées du parc et les longues soirées où Camille et Mathieu se retrouvaient de plus en plus souvent dans notre studio. Cette cohabitation mempêchait de dormir. Jai demandé à Camille dêtre discrète:

«Amandine, sil te plaît, reste calme et ne parle pas aux parents.»

Je ne pensais pas dire quoi que ce soit, mais jai prévenu Camille que Mathieu devait rentrer avant vingtetune heures, car je me couchais tôt. Elle a respecté le règlement, sauf un soir où, après que jaie sombré dans le sommeil, elle la laissé revenir. Au matin, jai trouvé le couple endormi sur le canapé. Ce fut le point de rupture.

«Je ne paierais pas le loyer pour que mon fils dorme ici», aije lancé. «Si cela continue, je retourne à la résidence,» aije ajouté, le ton ferme.

Camille a répliqué, vexée: «Tu nas jamais été amoureuse, tu ne comprends pas ce que ça fait de vouloir être constamment près de la personne quon aime.»

Je lui ai proposé de négocier avec les parents de Mathieu afin quils prennent en charge la moitié du loyer. Elle ma expliqué que la mère de Mathieu était déjà très dépensée pour soutenir son fils. Jai rétorqué que je voulais simplement vivre dans mon espace, sans la présence permanente de son petit ami, qui me mettait mal à laise.

Après quelques allersretours, nous sommes convenues que Mathieu viendrait seulement deux fois par semaine et ne resterait que le weekend, puisque je rentrais chez moi le dimanche soir. Camille a insisté, rappelant que je ne parlais jamais à mes parents, et que cela pourrait les fâcher.

En décembre, jai passé mes partiels et suis partie chez mes parents avec mes livres, prête à réviser pour les examens de fin dannée. Camille, elle, est restée en ville, prétextant un emploi du temps chargé au droit. Sa mère, Nathalie, ma croisé au supermarché et ma demandé pourquoi je pouvais rentrer à la maison pendant les fêtes alors que Camille ny allait pas.

«Ce nest pas la même chose, les deux filières sont différentes», a-t-elle répondu, sous les yeux de son mari, Pierre. «Le droit est plus exigeant, alors que léconomie est plus flexible.»

Jai gardé le silence, rappelant la promesse faite à Camille de ne rien dire. «Pourquoi mimmiscer dans la vie des autres?», me suisje demandée.

À mon retour à Caen, le studio avait changé: le canapé de Camille était poussé contre le mur du fond, séparé du reste par une grande armoire, et mon lit était déplacé près de la fenêtre. Deux zones distinctes, lune plus petite pour Camille, lautre plus grande pour moi.

«Tu as demandé à la propriétaire avant de tout bouger?», aije interrogée.

«Elle a accepté, à condition que tout revienne à sa place après les fêtes,» ma répondu Camille, un sourire énigmatique aux lèvres.

Je comprenais le pourquoi du réaménagement: Mathieu et Camille prévoyaient de passer tout le temps ensemble, même pendant les vacances. Javais deux choix: alerter nos parents, ce qui provoquerait une grosse dispute, ou attendre. Jai essayé de demander un logement en résidence dès que possible, mais on ne pouvait massurer une place que lan prochain.

Jai donc patienté jusquà lété, rappelant de temps en temps à Camille que Mathieu ne devait pas emménager avec nous.

Au mois de mars, Camille ma annoncé quelle et Mathieu allaient se marier, et quelle était enceinte.

«Tu vas enfin parler à tes parents de Mathieu?», lui aije demandé.

«Pas encore. Nous allons dabord aller chez la mère de Mathieu, tout lui expliquer, choisir la date du mariage, puis», a-t-elle répondu.

«Comment vastu continuer tes études avec un bébé?», lui aije demandé.

«Ma mère pourra maider, ou je prendrai un congé académique. Nous voulons aussi, dans un an, partir à Paris, où les opportunités sont plus nombreuses.»

En mai, Mathieu est rentré seul: «Ma mère est malade, je dois laider dabord, puis on reviendra tous les deux,» mat-il dit à Camille. Deux semaines plus tard, il nest toujours pas revenu. Camille a essayé de le joindre, mais il ne répondait que brièvement, évoquant la santé de sa mère.

Le 20 mai, il a enfin donné de ses nouvelles: «Je ne peux pas me marier maintenant, ma mère a besoin de moi. Je dois passer les partiels avant de partir à Paris.»

Quand lété est arrivé, nous avons fini nos examens. Au moment où je partais rejoindre mes parents, Mathieu a surgi dans le studio, demandant à parler. Camille, en larmes, ma expliqué que sa mère sopposait à leur mariage, à lenfant, et quil devait rentrer à Paris pour son master, sans revenus. Elle était désespérée, croyant que même des pensions alimentaires ne la sauveraient pas.

«Quel enfoiré!», aije crié, en essuyant les larmes de Camille. «Allonsnous en.»

Nous avons pris un taxi jusquà la gare, puis le bus vers le village. En chemin, les parents de Camille nous ont attendus à larrêt. Je suis rentrée chez moi avec mon père, ma mère et ma petite sœur, Lise.

Nous navions même pas eu le temps de déjeuner quand la mère de Camille, Nathalie, a fait irruption dans le studio, furieuse:

«Comment avezvous pu laisser ça arriver? Nous vous avons mis ensemble pour éviter ce type de drame! Vous avez tout vu et vous êtes restées muettes!»

Le père de Camille, Pierre, a demandé pourquoi elle était accusée. Nathalie a riposté: «Demandez à votre fille sans scrupules!»

Après un échange houleux, jai expliqué la situation. Sa mère a été surprise: «Camille est majeure, elle sait ce quelle fait. Pourquoi moi?»

Pierre a demandé si tout était ma faute. Jai admis que je navais pas tout raconté aux parents, mais que Camille men avait priée de garder le silence.

«Questce quelle va faire maintenant?», a demandé la mère de Camille.

«Elle na plus doptions. Je ne sais pas comment elle continuera ses études.»

Camille, quant à elle, a accouché dune petite fille début novembre. Elle a pris un congé maternité, puis, un an plus tard, son père est décédé. Elle a dû placer lenfant en crèche et accepter un travail de caissière dans un supermarché de chaîne, faute de diplôme.

Sa mère a cessé de parler à mes parents, et quand elle croise Camille dans la rue, elle la regarde avec amertume.

Quant à moi, jai terminé mon master, épousé mon camarade de promotion, et nous travaillons tous deux dans le centre administratif de la région, tout en rendant souvent visite à mes parents à SaintLoup.

Ce journal me rappelle à quel point la vie peut prendre des tournants imprévus, et combien il est important de garder ses limites, même lorsquon veut aider.

Amitiés,
Amandine.

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– Ты уже слишком взрослая для моего сына – произнесла его мама, когда мне исполнилось 40 лет