Après le décès de mon mari, je découvre dans le tiroir du bureau une enveloppe portant mon prénom. Ce que je lis à lintérieur renverse ma vie.
Lenterrement se déroule aujourdhui, discret, sans discours imposés ni foule. Seules les personnes les plus proches sont présentes. François Dupont na jamais aimé le tumulte autour de lui, même de son vivant. Depuis quil est parti, la maison résonne dun silence lourd, comme un manteau humide qui pèse sur mes épaules.
Je ne parviens ni à dormir, ni à manger, ni à penser. Je vais de pièce en pièce, touchant les objets quil a laissés: son pull préféré posé sur le dossier de la chaise, le parfum deau de Cologne qui imprègne le col de sa chemise, le livre inachevé sur la table de chevet.
Deux jours après la cérémonie, je décide de ranger le tiroir où il conservait ses papiers. Je le connais bien: factures, notices dappareils, vieilles garanties. Mais sous la pile de documents, je déniche quelque chose que je navais jamais vu. Une enveloppe blanche, ordinaire, sur laquelle, à la main, apparaît un seul mot: «Claire».
Mon cœur sarrête un instant. Je massois, les mains tremblantes, et ouvre lenveloppe. À lintérieur se trouve une lettre, longue et soigneusement rédigée, chaque mot pesé, chaque lettre dessinée avec la calligraphie de mon époux, plus familière que la mienne.
«Si tu lis ces lignes, cest que je ne suis plus. Je suis désolé de ne pas tavoir tout dit. Jai voulu le faire, mais je nai pas pu. Javais peur de tes larmes et de te priver de la paix qui tappartient.»
Je poursuis la lecture, les yeux se remplissant de larmes à chaque phrase. François savait quil était malade depuis plus dun an. Le diagnostic était implacable: un cancer du pancréas. Le médecin lui avait accordé quelques mois.
Il avait choisi de ne rien me dire. Il se soignait en secret, se rendait seul aux examens, supportait la douleur sans que je le remarque. Il feignait que tout allait bien, que ce nétait que fatigue, stress ou un simple rhume, et je le croyais.
Dans la lettre, il mexplique quil voulait mépargner la souffrance, quil ne pouvait supporter lidée que je le regarde dépérir. Il voulait que je garde, le plus longtemps possible, limage dun mari «normal». Il ajoute quil ne regrette rien de sa vie, que le plus grand bonheur était dêtre à mes côtés. «Je navais pas tout, mais je tavais, et cela valait plus que tout ce que je pensais mériter.»
Il me demande de ne pas menfermer dans le deuil, de vivre. Daller où jai toujours rêvé daller, même si le courage me manquait. De me permettre de sourire, même si les larmes accompagnent les premiers rires. «Parce que si tu continues à vivre, cest comme si je demeurais encore un peu parmi vous.»
Je reste là, la lettre serrée dans les mains, comme si elle contenait tout notre temps partagé. Un nœud démotion serre ma gorge: le regret de ne pas avoir pu lui dire adieu, de ne pas avoir été à ses côtés jusquau bout. Mais en même temps, je ressens une profonde tendresse, une immense affection qui survit à la mort.
Les semaines passent. Je reviens souvent à cette lettre, que je garde dans une petite boîte à côté du lit. Parfois, je lis à voix haute des passages, comme sil était encore là.
Je commence aussi à sortir, à retrouver des gens, à minscrire à des ateliers de dessin, chose que je nosais jamais faire. Je passe un weekend à Deauville, où nous marchions autrefois main dans la main sur le sable.
Je sais quil aurait voulu cela: que je continue à vivre, non pas malgré sa mort, mais grâce à lamour quil ma donné.







