J’ai mis mon fils et sa compagne à la porte et repris leurs clés. Il est temps qu’ils apprennent à vivre de manière autonome.

Tu sais, jen ai marre de jouer les hôtesses. Il y a trois ans, mon fils, Pierre Lefèvre, ma demandé sils pouvaient rester «juste un moment» chez moi pendant quil cherchait du travail. Sa femme, Sophie Martin, ma assuré que cétait seulement un mois, le temps de trouver quelque chose de mieux. Jai accepté sans hésiter: le mari était décédé depuis longtemps, la maison était trop silencieuse, alors un peu danimation me faisait plaisir.

Au début, cétait vraiment chouette. Le petit studio de ma grandtante à Paris sest rempli de rires, de discussions autour du café, de lodeur du pain frais que Sophie ramenait du marché. Je me disais que cétait bon de les aider, que cétait ma famille. Mais ce «un mois» sest transformé en trois longues années.

Mon appartement de cinquante mètres carrés, avec trois pièces quon appelait autrefois le salon, la chambre et le bureau, est devenu leur royaume. Le bureau de mon mari, où je gardais mon lit, quelques bouquins et la photo de nous deux sur la table de chevet, est resté mon petit coin. Le reste, cest devenu le leur: la cuisine envahie de tasses et dassiettes de leurs amis qui passaient «pour un verre», le couloir plein de leurs chaussures, la salle de bain occupée pendant des heures parce que Sophie voulait un maquillage impeccable et Pierre prenait des douches qui duraient une éternité.

Jessayais dêtre patiente, de ne pas trop réagir. Les jeunes ont besoin de séclater, pensaisje, alors je cuisinais pour tout le monde, je nettoyais après eux, même quand cétait épuisant. Jattendais quils trouvent un boulot, quils économisent et quils partent. Ils lavaient promis.

Un an a passé, puis un autre. Pierre prétendait chercher un emploi, mais il y avait toujours quelque chose qui clochait. Sophie répétait sans cesse que ce nétait pas la peine de se presser: «Maman est encore là pour nous aider». Jai commencé à sentir que je métouffais dans ma propre maison. Le soir, je masseyais dans mon petit coin et jentendais la fête qui résonnait dans le salon, leurs rires, la musique je me sentais comme une intruse, comme si ma vie avait disparu pour laisser place à la leur.

Un matin, je me suis réveillée et jai trouvé des inconnus qui dorsaient sur le canapé, enlacés dans ma couverture. Personne na même demandé si cétait correct. À ce moment, quelque chose a craqué en moi.

Jai appelé Pierre. «Pierre, on doit parler. Je taime, mais cest trop. Jai vécu ici toute ma vie et maintenant jai limpression dêtre une invitée. Ce nest pas un hôtel, ce nest pas une location, cest mon chezmoi.» Il a commencé à dire que je exagère, quils ne me laisseront pas toute seule. Mais je nen pouvais plus. Pour la première fois depuis longtemps, jai senti que je devais me défendre.

«Vous avez un mois. Après, vous devez partir. Jai besoin de calme, de sentir que cest encore mon espace.» Ils ont fait la tête, Sophie a lancé un air contrarié, Pierre a tenté de me convaincre que ça pouvait attendre un peu plus. Mais je suis restée ferme. Jai récupéré toutes les copies de clés que je leur avais données «au cas où» et je les ai rangées dans le tiroir de ma chambre.

Aujourdhui, ça fait un mois depuis cette discussion. Ils sont partis, laissant derrière eux le bazar, le bruit et le silence qui, au début, me semblait insupportable. Ce matin, je me suis assise à la table de la cuisine, une tasse de thé bien chaude à la main, et jai ressenti une paix que je navais plus connue depuis longtemps.

Parfois, la tristesse revient. Cest mon fils, ma famille. Mais je sais que jai bien fait. Lamour ne veut pas que lon se sacrifie jusquà se perdre. Il faut savoir dire «ça suffit» quand on ne trouve plus de place pour la vie des autres.

Maintenant, ma maison est calme, vide, mais cest la mienne. Et moi, enfin, je suis de nouveau moimême.

Et Pierre? Il a fini par se reprendre en main. Il a trouvé un meilleur boulot, il et Sophie ont loué un petit appartement à Lyon. Il vient me rendre visite une fois par semaine, avec des courses, le sourire et surtout du respect. Même si je vois parfois une pointe de regret dans ses yeux, je sais que cétait la meilleure décision. Il a compris que la maturité, ce nest pas seulement prendre, mais aussi savoir rendre.

Quant à moi, jai appris quaprès soixanteans, on peut encore dire «stop» et enfin commencer à vivre pour soi.

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J’ai mis mon fils et sa compagne à la porte et repris leurs clés. Il est temps qu’ils apprennent à vivre de manière autonome.
Прозрачные двери: Загадки подземного мира