Demain, on viendra chez moi dis-je en embrassant Océane sur la joue.
Génial. Elles partent quelque part, vos parents? sexclama la fille, ravie.
Jen ai marre daller au cinéma et aux cafés à la chaîne. Et à la résidence, on ne peut jamais rester tranquille, on se fait toujours espionner.
Je la serrai plus fort, un sourire aux lèvres :
Tu as froid? Laisse-moi te réchauffer. Tu as mal compris. Demain, on se rend chez mes parents pour que je te présente à eux.
Océane recula, étonnée :
Tu deviens fou? Regarde-nous. Tu te comportes comme un garçon respectable, et moi? Ils ne me laisseront même pas franchir le seuil.
Je ricanais :
Tu nas plus de courage? Ma petite intrépide a peur de quoi? De mes parents? Et pourquoi pensestu que nous ne formons pas un couple? Je taime, jespère que tu ressens la même chose. Mes parents veulent simplement voir la femme quils appellent «ma future épouse», celle qui justifie mes retours tardifs à la maison. Voilà.
Je lai vue pour la première fois perchée sur le rebord du troisième étage, en train de laver la vitre. Jallais rejoindre un ami à la cité universitaire quand, à un mètre derrière moi, un bruit sourd retentit: un seau de savon tomba du haut.
Oh! sécria la voix au-dessus et je levai les yeux. Cétait un accident, jespère que ça ne vous a pas mouillé.
Océane se laissa tomber du rebord, et je fus presque pris de panique.
Fais attention, sinon le seau va dévaler! criaije.
Naie pas peur, je ne tomberai pas, rétorquatelle, et la petite écharpe qui tenait ses cheveux senvola. Je restai bouche bée : elle était complètement chauve.
Ça, ça ta fait peur? Allez, sois gentille, remets ton voile et apportele à la chambre 403. Daccord? me demandat-elle avant de disparaître de ma vue.
Au début, sa tête nue me décontençait, mais je my habituai rapidement. Océane était toujours joyeuse, même lorsquelle avait rasé ses cheveux sur un coup de tête. Son style décalé lui allait étonnamment bien.
En panique dans le dortoir, elle cria :
Les filles, aidezmoi! Donnezmoi une robe décente et un postiche! Tout le monde sactivait, mais le postiche était trop grand et glissait toujours dun côté. Malgré tout, Océane apparut modestement élégante.
Papa, maman, je vous présente Océane lannonceje à mes parents.
Océane, tremblante, balbutia :
Enchantée.
Madame Leblanc invita tout le monde à table. Océane scruta la nappe avec horreur: des couverts quelle ne connaissait pas, même des pinces. Elle décida de ne prendre que la salade, quelle pourrait manger avec une fourchette.
Le repas commença. Alors quelle poussait une feuille de salade, la voix de Madame Dupont, la mère dOcéane, retentit :
Océane, tu ne manges rien? Ce nest pas à ton goût? ricanatelle avec un sourire acerbe.
Je nai pas faim, je viens de manger des frites avec les filles, répondit Océane, rougissant.
Madame Leblanc murmura à mon père, puis reprit : «Tu sais, les Français mangent toujours avec élégance.»
Quand le dessert fut servi, mon père et moi allâmes chercher une part de tarte aux pommes. Océane bondit :
Laissezmoi débarrasser la table, ditelle à Madame Dupont, mais elle trébucha sur le bord de la nappe. En tombant, elle vit les yeux ronds de ma mère.
Le postiche glissa sur le côté. Madame Dupont, les larmes aux yeux, sexclama et sortit en sanglotant.
Océane, inconsolable, senfuit dehors, la veste déboutonnée, le postiche à la main, les larmes en rafales.
Comment se sont passées les fêtes? demandèrent les filles qui la rattrapèrent.
Jai tout gâché, sanglotatelle.
Toute la nuit, elle revivait ce moment embarrassant, désactivant même son téléphone de peur dentendre de ma part : «Désolé, tu ne me convenais pas, on se sépare.»
Les colocataires partaient en cours. Océane, le visage gonflé de pleurs, se lamentait en pensant que je ne la regarderais plus jamais.
Un coup à la porte la fit sursauter. Elle ouvrit, et je me tenais là, boîte de tarte aux pommes à la main.
Pourquoi tu ne répondais pas au téléphone? Et pourquoi tu as fui hier? Jai couru jusquà la cité pour te rattraper, mais tu tes envolée comme sur un balai, demandaije dun ton détaché, entrant dans la chambre.
Que faistu ici? Comment astu pu passer la garde? sécriatelle.
Je tai apporté un bout de tarte. Tu ne las pas goûtée hier. Jai refusé au début, mais maman a insisté. Elle trouve que tu ne manges jamais assez, que tu dois prendre du poids, déclaraije en découpant la tarte.
Tu te moques de moi? Quelle tarte? Quelle mère? Jai brisé toute la vaisselle, ta mère a pleuré. Tu veux vraiment me quitter? Disle et pars, ses lèvres tremblaient.
Je la pris dans mes bras :
Tu nen crois pas tes oreilles? Tes parents taiment, et même ma mère a éclaté de rire quand elle a brisé le robinet de la cuisine en arrivant chez nous pour la première fois. Elle sest empressée de «laver les assiettes». Elle a même déclaré que le service de table ne lui plaisait pas, mais que cétait loccasion den acheter un nouveau. Alors, Océane, tu es invitée au déjeuner familial ce samedi.
Et, en prime, jajoutai que tu serais mieux sans postiche. Même mon père a été convaincu.
Depuis, Océane et Madame Dupont sont devenues amies, elles arpentent les boutiques, préparent les repas ensemble. Quant à moi, jai déjà acheté une bague. Son anniversaire approche, et jen profite pour préparer ma demande.







