28février2025
Aujourdhui jai rentré du travail le cœur léger. Mon chef ma laissé partir tôt pour le projet que jai bouclé la veille et ma promis une prime. En sautillant, je me suis dirigée vers lentrée de mon immeuble du 12ᵉ arrondissement, prête à composer le code habituel sur linterphone. Un petit cri de bébé ma tout de suite arrêtée. Jai froncé les sourcils: pourquoi ce chagrin au milieu dune journée si radieuse? Je me suis retournée, mais je nai rien vu. Jai de nouveau tendu la poignée, et le sanglot sest fait plus fort.
«Où estu, petit?» aije lancé, à bout de patience.
«Ici», a répondu une voix aiguë.
Je suis sortie sur le trottoir pavé et jai vu un garçon denviron cinq ans assis devant la porte du hall. Il portait une fine veste trouée, un jean usé, des baskets sales. Des larmes sombres coulaient sur ses joues. Mon cœur sest serré.
«Qui estu? Pourquoi pleurestu?»
«Je suis Léon,» sanglotait le petit, «je veux rentrer chez moi.»
«Tu habites ici?» aije cherché qui pouvait être son proche.
«Je ne sais pas. Je me perds, je ne retrouve pas mon appartement,» a-t-il balbutié, dune prononciation impeccablement claire.
Je me suis rendue compte quil fallait le mettre à labri avant de réfléchir davantage. Jai tendu la main et dit:
«Viens avec moi. Je te préparerai une tasse de thé»
Il a saisi ma paume, le nez frémissant, et ma suivi. À ce moment, je ne savais pas encore où je me dirigeais, mais une vague de tendresse maternelle ma submergée: le garder au chaud, le nourrir, le protéger
En arrivant dans mon petit appartement, jai proposé:
«Tu veux un bol de soupe?»
Il a hoché la tête avec enthousiasme. En dégustant le bouillon, jai réalisé que le gamin ne refusait rien. Jai pensé à ma nièce gâtée, la petite fille dInès, et jai soupiré: Léon ne connaît sûrement pas les plats que ma sœur prépare chaque soir pour ses enfants.
Je me suis demandé qui pouvait le chercher quand il a sonné. Mon téléphone a sonné, cétait Armand, le jeune homme qui me courtise depuis quelques mois.
«Salut, je te dérange?»
«Je nourris Léon!»
«Quel Léon?»
«Le petit garçon que jai trouvé devant lentrée.»
«Doù vientil?»
«Je lai trouvé ici.»
«Pourquoi le ramènestu chez toi?»
«Il faisait froid, il était tout seul.»
«Quel âge atil?»
«Il na pas plus de cinq ans.»
Lenfant, qui avait tout de même quatre ans, a entendu la conversation et, de ses doigts, a indiqué: quatre.
«Retournele à sa famille,» a insisté Armand.
«Je ne sais pas où elle se trouve,» aije répliqué.
«Appelle la police,» ma conseillé il. «Tu nas pas le droit de le garder.»
Je suis sortie, le cœur lourd, et je me suis rendue au commissariat du 13ᵉ. Le vigile, un jeune officier proche de mon âge, ma accueillie avec un sourire attendri. Il semblait plus doux que les policiers plus âgés, comme sil navait pas encore été endurci par le métier.
Je lui ai expliqué rapidement la rencontre. Il a appelé un collègue et ma demandé dattendre.
Quelques minutes plus tard, une agente en uniforme est arrivée, ma invitée dans son bureau et ma interrogée sur les détails. Après avoir noté mon récit, elle ma dit:
«Vous êtes libre de repartir.»
«Et Léon?»
«Léon restera ici. Nous avons besoin de son témoignage.»
Le soulagement ma envahi en constatant que le petit était entre de bonnes mains. Jai quitté le poste, le sourire forcé, pour rejoindre Armand qui mattendait devant le café du coin.
Il a poussé un soupir dirritation en me voyant arriver en retard.
«Tu sais, la policière était très aimable,» aije tenté de le rassurer.
«Si tu lavais amené tout de suite, on aurait pu aller voir un film,» a-til répliqué, mais sans amertume.
Je lui ai répondu que je ne pouvais pas laisser un enfant si vulnérable aux hommes en uniforme, car ils sont rarement empathiques, et il a haussé les épaules.
Ainsi se clôturait lépisode de Léon pour la soirée, mais je nai pu mempêcher de repenser à ce petit visage, à ses yeux remplis de peur, et à la question qui me hantait: doisje vraiment le laisser à son sort? Le reste de la soirée sest déroulé agréablement, pourtant un sentiment désagréable persistait en moi.
Vendredi soir, en rentrant, jai de nouveau trouvé Léon devant mon hall.
«Tu reviens?» aije demandé, surprise.
«Je suis venu te voir. Tu as de la soupe?» a-til demandé.
«Je nai pas de soupe, mais je peux te préparer autre chose. Des pâtes?»
«Oui!» a-til crié, affamé.
Je lai nourri, essayant den savoir davantage sur ses parents. Il ma raconté quune fois, vendredi soir, sa mère était venue au commissariat pour déclarer sa disparition. Après lavoir relâché, elle la sévèrement grondé, le frappé et la interdit de sortir. Ce matin, elle était partie, ne laissant que son oncle Sacha, le mari de la mère, qui dormait profondément. Léon, terrifié, avait décidé de venir à ma porte.
«Je vais rentrer chez moi, sinon ma mère me punira encore,» a-til dit, les larmes aux yeux, ajoutant quil devait bientôt chercher une nouvelle maman.
«Daccord, je taccompagnerai,» aije proposé, voulant connaître son adresse. Son domicile était à deux rues de chez moi. En arrivant, une femme est sortie et sest adressée à Léon:
«Bonjour, on ne ta pas vu dans la cour aujourdhui. Tu nas pas sorti jouer?»
«Ma mère ma puni, je suis sorti en douce.»
«Tu as faim?»
«Non, jai déjà mangé chez Claudine.»
«Alors dépêchetoi, ta mère se rendra compte.»
Il a couru, ma salué et a disparu derrière la porte.
Je me suis approchée de la femme et lui ai demandé: «Sa mère boitelle?»
«Pire,» a-telle soupiré. «Elle est toxicomane. En un an, elle est passée dune belle jeune femme à une ombre.»
«Il ne faut pas la laisser avec elle!»
«Je ne peux pas appeler les services de protection, ma conscience me linterdit. Vika était une bonne amie, mais elle est morte avant que Léon ne naisse. Son mari et elle se sont séparés, puis elle a fréquenté ce type»
Elle a expliqué que Vika aimait Léon et le nourrissait, mais que loncle Sacha était un monstre. Jai compris sans mot dire pourquoi elle nappelait pas les services. Jai tout de même demandé son numéro de téléphone.
Le soir, Armand ma appelée, sentant ma voix triste. Il a demandé ce qui se passait. Jai confessé que Vika soccupait de nouveau de Léon.
«Tu aurais dû le confier à la protection,» mail reproché.
«Je ne sais plus quoi faire,» aije répondu.
«Alors ne timmisce plus dans cette famille,» a-til insisté.
Jai gardé le silence, mais dans ma tête se dessinait déjà une procédure dadoption. «Cest insensé,» me suisje dite, mais limage de Léon heureux dans ma maison ne me quittait pas.
«On se rappelle demain,» aije proposé à Armand.
«Tu es blessée?» atil demandé.
«Jai mal à la tête, je vais me coucher,» aije menti.
Après avoir raccroché, jai appelé ma sœur Inès. Nous sommes très proches, je lui raconte toujours tout. Elle a entendu mon récit et a dit:
«Ce petit garçon me plaît déjà, même à distance. Jadore les enfants, je le rencontrerais volontirement.»
«Il est adorable!»
«Fais ce que tu estimes,» a-telle ajouté, soulignant que mon compagnon Armand ne méritait plus mon temps.
Ce soir-là, jai passé des heures à réfléchir. Inès avait raison: laisser le garçon dans ces conditions était inacceptable. Le lendemain, jai demandé à mon responsable un jour de congé et je suis retournée voir la voisine de Léon.
Elle ma appelée dès le matin avec une mauvaise nouvelle:
«Léon est à lhôpital, il a une commotion cérébrale!»
Sa mère nétait toujours pas rentrée, la police la recherchait. Loncle Sacha, ivre et drogué, réclamait des comptes, mais le petit na pas pu séchapper. Heureusement, la voisine a entendu ses cris, a appelé les forces de lordre, et les secours lont emmené à lhôpital.
«Je ne laisserai plus jamais cela se reproduire,» me suisje jurée.
Le même soir, je suis allée le voir. Le même officier de garde qui mavait accueillie le jour où je lavais trouvé était là, ainsi quune collègue de la protection judiciaire. Ils ont reconnu mon visage, mont expliqué les démarches. Quand jai compris que Léon serait retiré à sa mère, jai demandé sil pouvait être adopté.
«Ladoption est possible uniquement si les droits parentaux sont retirés,» a expliqué le jeune policier, «cest compliqué.»
«Y atil dautres solutions?» aije interrogé.
«Oui, il existe dautres formes de prise en charge,» a-til répondu avec douceur, le regard plein de sollicitude.
Géraud, le policier qui avait aidé Léon, a remarqué mon intérêt. Il ma proposé de me raccompagner chez moi. En chemin, je lui ai proposé:
«Voulezvous prendre le thé?»
Il a accepté. Autour dun verre, il a écouté mes inquiétudes, soutenant mon désir de protéger le garçon.
«Il est vraiment charmant,» atil confié. «Je le prendrais moimême si je le pouvais.»
Avant de partir, il a noté mon numéro et ma promis davertir dès quil y aurait du nouveau sur la mère de Léon. Le matin même, le téléphone a sonné: «Bonjour, Claudine!Nous avons retrouvé Vika, elle est décédée dune overdose hier soir.»
«Comment annoncer cela à Léon?» aije demandé, désemparée.
«Attendez un peu, il ne sait pas encore,» matil conseillé. «Il ressent déjà quelque chose.»
Armand na plus appelé depuis, et ce soir, jai reçu un message de Géraud: «Claudine, voulezvous visiter Léon avec moi aujourdhui?»
«Avec plaisir, à condition quon se tutoie,» aije répondu.
Le rapport avec Géraud sest rapidement renforcé, tandis quArmand attendait toujours ma réponse, pensant que jétais distante. Une semaine plus tard, je lai rappelé, le ton calme et détaché.
«Je préfère discuter de tout cela en face à face,» aije déclaré. «Il faut que nous nous séparions. Je ne taime plus.»
Il est resté sans voix. Jai quitté la conversation sans attendre son retour, mettant ainsi fin à notre relation de deux ans.
Un mois plus tard, jai finalement obtenu la garde de Léon.
«Félicitations,» ma félicité Géraud.
«Merci, sans toi je ny serais jamais arrivée,» aije répondu.
«Cest une vraie prouesse, prendre un enfant à une toxicomane», atil répliqué, les yeux brillants.
«Je suis tombée amoureuse de Léon dès le premier regard,» atil avoué, un peu gêné, tandis que je souriais, émue.
Quelques mois plus tard, Léon, tout fier, a annoncé à Géraud quil voulait nous faire des fiancés.
«Cest formidable!» atil crié. «Nous aurons une nouvelle maman et un nouveau papa!»
Un an plus tard, le souhait de Léon sest réalisé. Tout sest terminé heureux.







