Bon, si cest ainsi, je pars chez ma mère! déclare Bastien.
Et toi, reste là, toute seule!
Élodie na plus rien autour du «seau brisé»: plus de compagnon, plus de travail, plus davenir. Et comment vatelle fêter le Nouvel An?
Quelle foutue nervosité! sexclame sa mère en entendant les dernières nouvelles. Tout est de ta faute, ton petit: il ta même trompée! Tu penses que cest à cause de quelquun?
Et alors? sourit Bastien. Commence à faire la paix je tattends!
Dans la vie dÉlodie Durand, deux malheurs se côtoient: pas de mari idéal et pas de route même si le premier point laisse planer quelques doutes.
Les deux fléaux sont son mari et sa «précieuse» patronne, comme il arrive souvent chez les autres.
Ils ne trompent personne; ils empoisonnent la vie dÉlodie chacun à leur façon.
Bastien est brillant, spirituel, un vrai don de conversation, un romantique invétéré. Mais ce ne sont que des mots.
Quand il sagit de «travailler», il se révèle malade, épuisé, débordé, ou simplement pas dhumeur. Et il adore manger bon.
Tout cela ressemble à une fameuse fable française:
«Soupe, va manger!»
«Où est ma grande cuillère?»
Avant le mariage, tout se limitait à de brèves rencontres: dîner rapide avec une pizza commandée, un petit intime, une discussion animée ponctuée de blagues. Lidéal pour un couple!
Élodie, folle amoureuse, ne remarque pas que son fiancé erre dans une quête permanente demploi:
«Je trouve; je te le dirai! Tu seras la première à le savoir!» plaisante-til.
Tous deux rient: cest drôle à leurs yeux.
Lesprit de Bastion dépasse les compliments: il lappelle affectueusement «Petit elfe» et «Elfelette». Elle le surnomme «Basti».
Ce surnom nest pas méchant; il y a un petit jeu de mots, comme «poisson», «poissonette».
Le surnom de «Basti» sonne plus élégant, plus sérieux, et Élodie ne veut pas blesser son amant.
Le mariage sonne, Bastien emménage chez Élodie: il na pas de logement à trente ans, même sil est joyeux.
Les blagues ne paient pas, mais elles font gagner du temps! conclut la mère dÉlodie, qui napprécie pas le gendre.
Mais qui larrête? Il nest ni un humoriste célèbre ni un comédien.
Le premier malentendu apparaît quand il faut payer le loyer. Élodie na plus dargent et, comme chaque bonne épouse, demande à son mari.
Il savère que «Basti» reste à la maison: il cherche son emploi et, surtout, se repose sur le canapé, persuadé que cest plus facile pour réfléchir.
Paye avec tes sous! propose Bastien, lœil malicieux.
Mes sous sont épuisés: aujourdhui jai tout dépensé en courses! répond la jeune femme, qui nimaginait pas sa vie conjugale ainsi.
Alors prends sur les cadeaux, je rembourserai plus tard!
Quand? demande-telle.
Quand on pourra préparer le pot-au-feu avec le chat! plaisante le mari, qui éclate de rire.
Pour leur mariage, ils reçoivent deux cent mille euros une somme généreuse, mais leurs parents cessent de les aider dès quils sont mariés: «Que ce soit le mari à nourrir!»
Bastien, qui a toujours vécu chez ses parents, ne reçoit plus dallocation: «Tu es parti? Parti!»
Le salaire dÉlodie sépuise. Elle puise dans leurs économies, puis encore, et les fonds destinés à «un jour noir» fondent comme neige au soleil.
Quand elle ouvre la boîte mystérieuse, elle trouve le vide. Elle pensait quil resterait encore quelque chose.
La boîte est vide: Bastien a pris les restes pour sacheter de nouveaux écouteurs.
Bastien ne comprend pas pourquoi il ne pouvait pas recycler les anciens: «Les vieux ne font plus de bruit!» rigoletil.
Questce que tu vas faire, Basti? lance Élodie, exaspérée.
Inventez quelque chose, tu es ma créative!
Elle invente, se gonfle dorgueil, puis se tait: cest trop. Le lendemain, elle emprunte «jusquau salaire» à sa mère.
Estce que cela suffit à arrêter le mari? Il ne se lance pas à la recherche dun emploi.
Il plaisante: «Je ne supporte pas lignorance, surtout dÉléonore!» puis sapproche delle:
«Ça suffit de chouiner, petite elfe! Tu mas manqué»
Ils se réconcilient: elle aussi, elle avait le mal du pays. Mais il reste des traces.
Emprunter «jusquau salaire» devient une habitude dÉlodie, qui nen est pas moins de bonne humeur.
Un jour, la bellemère en a assez:
Bastien, tu as gagné le moindre sou? Ou tu te contentes de profiter dÉlodie?
Bastien reste muet: il na aucune réplique.
La deuxième malédiction dÉlodie est sa patronne, la redoutée Madame Martine Bourgeois, qui la surnomme «la petite»: Élodie travaille comme analyste économique.
Martine est une vieille tyranne, comparée à Madame Prokofieva, qui parait douce mais est cruelle.
Cest une tante solitaire, détestant tout le monde simplement parce quils existent sans son autorité.
Martine méprise hommes et femmes: trois mariages ratés, où chaque époux la trahie.
À cinquante ans, elle dirige le service, na pas denfants, deux chats, et pratique le tango deux fois par semaine.
Les ordres de licenciement pleuvent.
Quand lemployé Pierre Roussel, qui a suivi un cours de tango, plaisante maladroitement, Martine réagit en six secondes :
«Vous ne travaillez plus pour nous!»
Élodie, effrayée, reste figée comme les autres.
La veille, elle se dispute à nouveau avec Bastien, chaque petite dispute alimentant un tas de griefs accumulés. Le mari évoque enfin le divorce.
Le lendemain, Élodie se rend au travail avec une mission: écrire un SMS à lhomme qui la blessée.
Elle décide de lappeler «petite marmotte» plutôt que «marteau», pour le blesser davantage.
Le texte final devient:
«Ne pense pas, petite marmotte, que je crains tes paroles! Je partirai tu mordras le coude! Arrête de frimer, sinon je te livre au zoo: ils tattendent déjà!»
Elle signe non plus «elfette», mais officiellement «Durand», pour montrer son sérieux.
Élodie sourit, sa lettre est prête, pleine dhumour, comme le voulait son mari, et elle a tout exprimé sans haine, évitant une rupture brutale.
Le Nouvel An approche: comment le fêter si lon se sépare? Ils nont même pas passé une année ensemble!
Soudain, la patronne surgit:
«Tout le monde samuse, Durand, mais votre rapport annuel est un désastre! Corrigezle rapidement, sinon le licenciement approche!»
Martine, pleine dadrénaline, sort, satisfaite; Élodie reste pétrifiée, car la présence dune «bosseuse» oblige à se lever immédiatement.
Elle examine le rapport, trouve lerreur et envoie un SMS à sa patronne, ne voulant pas sy rendre en personne: «Je corrige tout dici le déjeuner.»
Elle en profite pour envoyer un message à son mari.
Trois minutes plus tard, Martine lappelle:
«Qui donc est la petite marmotte parmi nous? Vous voulez me livrer au zoo, Durand?»
Le cœur dÉlodie se serre, elle a confondu les SMS.
La patronne, qui sappelle bien Martine, se sent offensée par le mot «marmotte».
Quelque chose de semblable a déjà été raconté dans un conte ou vu dans un film: le récit était comique, le film une comédie, mais aucune des deux dames ne rit.
Élodie reste muette, les yeux au sol: expliquer serait vain, tout paraît irréel et trop plausible: «Ne pense pas que je crains tes mots, je pars, je te livre au zoo!»
Martine pense que ses employés sont devenus insolents: «Comment osezvous répondre ainsi?»
Elle déclare:
«Vous vouliez partir? Votre souhait est exaucé: vous nêtes plus employée!»
Puis, en plaisantant:
«Pas besoin de travailler! Vous aurez le temps daller au zoo!»
Et ajoute, après un instant de silence:
«Les leurs sont sûrement déjà attendus!»
Élodie, abasourdie, quitte le bureau, se préparecela lui prend une heure et demie.
Avec largent reçu, elle paie immédiatement: le compte est réglé, et elle rentre chez elle avec son cactus.
Allez, faites la paix, quoi! sourit Bastien, qui sort du hall. Le moment est venu: tu as promis de régler ça avant le déjeuner!
Bastien, ayant reçu le SMS destiné à la patronne, comprend que sa compagne sest excusée et a voulu se réconcilier!
Tu mas apporté un cactus au lieu de fleurs? continuetil, ravi. Et cest normal, les hommes noffrent pas de roses, cest pas chic!
Ton chic, je le sais où! crie Élodie, les nerfs à vif. Tu sais où je vais mettre ce cactus? Cest grâce à toi que je suis licenciée!
En fait, cest logique: si elles ne sétaient pas disputées hier, elle naurait pas envoyé le SMS.
Et le quiproquo naurait jamais eu lieu: la chaîne logique était bien construite.
Pourquoi estce à cause de moi? sétonne vraiment Bastien. Encore fautil que je me trompe?
Ce nest pas ton problème! hurle Éléonore.
Questce que je ne comprends pas! sétonne le mari, ignorant ses mots de licenciement. Ce ne sont que des broutilles, on survivra! Alors, tu ne veux pas faire la paix?
Bon, si cest comme ça, jaille chez ma mère! sécrie Élodie. Et toi, reste ici toute seule!
Élodie se retrouve seule avec le «seau brisé»: aucun homme, aucun travail, aucun avenir. Comment fêter le Nouvel An?
Tous ces nerfs maudits! conclut sa mère après les nouvelles fracassantes. Tout est de ta faute, ton petit: il ta tout fait perdre! Tu crois que cest à cause de qui?
«Pourquoi taccrochestu à lui? Il nest quune bulle de savon, il brille mais à lintérieur il ny a que du vide!»
«Choisis mieux tes prétendants, ma fille, choisis mieux!»
«Tu as ramené un inconnu à la maison!»
«Ce nest pas grave, personne nest mort! Reposetoi un peu, on te nourrira simplement!»
Sa mère linvite chez elle pour le Nouvel An: sa copine promet damener son fils célibataire, charmant.
Sa grandmère rejoint la soirée:
«Ce nest quune perte; que quelquun dautre fasse du bruit avec sa cuillère!»
«Soyez plus sélective, ma petite, soyez plus sélective!»
Élodie et Bastien divorcent: ils ne se comprennent plus, deux êtres misérables et cruels.
Comme le disait le vieux comédien, il aurait fallu quÉlodie agisse plus prudemment.
Retenez bien, ma petite! Et faites attention aux SMS: voyez ce qui peut arriver, sinon vous passerez votre temps à tout ranger.







