Tu es notre parfaite héroïne

28octobre2025

Cher journal,

Aujourdhui, je repense à la rivalité qui a déchiré les sœurs Dubois depuis leurs premiers pas à lécole. Solène, la cadette, na jamais manqué de rappeler: «Tu es parfaite à nos yeux; tu veux savoir pourquoi? Parce que jen ai assez dêtre toujours la deuxième!» Elle criait cela à bout de souffle, fatiguée de nêtre jamais la première.

Ce matin, en refermant son portable, Solène se plaqua dans son fauteuil de bureau et lâcha : «Encore un reproche du chef!» Sa sœur aînée, Clémence, la regarda, un sourire en coin, et répliqua: «Cest toi qui as fait lerreur dans le rapport, pas moi.» Solène rougit, les joues en feu, puis séloigna vers la fenêtre, ignorant le regard déçu de lautre.

Nous étions dans les locaux du groupe Marchand, à Paris, au service achats, où elles œuvraient depuis trois ans. Clémence était la première à être recrutée, et six mois plus tard, elle avait aidé Solène à décrocher son poste. Leur complicité était légendaire, mais leurs méthodes divergeaient radicalement. Clémence passait des heures à analyser les fournisseurs, à comparer les conditions, tandis que Solène se contentait de finir le travail à la dernière minute, de bavarder à la cantine et de parcourir son téléphone.

Le mois dernier, la direction a proposé à Clémence le poste de Responsable senior des achats, avec une augmentation de salaire de 3000, ce qui la prise de court mais elle a accepté sans hésiter. Solène la félicitée, mais jai vu son sourire disparaître aussitôt, remplacé par une tension palpable. Au dîner qui suivit au Café de Flore, Solène na cessé de ramener la question du salaire, des heures supplémentaires et de la chance.

«Tu as eu de la chance que le patron tait remarqué, sinon tu serais restée», lança-t-elle, tandis que Clémence, surprise, rétorqua: «Jai travaillé deux mois daffilée sur ce projet.» La conversation se termina sur un «Oui, bien sûr» qui nétait rien dautre quune morsure.

Six mois plus tard, Clémence fut promue directrice du département. La nouvelle fit le tour de lentreprise comme une traînée de poudre. Solène, la dernière à arriver, la serra dans ses bras et murmura à loreille: «Félicitations, tu es maintenant la boss.» Il ny avait aucune chaleur dans ses mots, seulement une froideur que je ne pouvais ignorer.

Les semaines qui suivirent virèrent à lisolement pour Clémence. Ses collègues cessèrent les repas partagés, les cafés du matin nétaient plus offerts, les sourires se firent rares et les chuchotements derrière son dos se multiplièrent. Un soir, alors quelle sapprêtait à quitter le bureau, Marina, une collègue du service logistique, entra, visiblement stressée.

«Entre,» linvita Clémence. Marina sassit, hésita, puis lâcha: «Je suis désolée de te dire ça, mais Solène répand des rumeurs sur toi depuis des mois. Elle prétend que les idées que tu présentes sont les siennes, que ta promotion nest quune faveur du patron, que tu traites les autres avec condescendance.»

Clémence resta muette, incrédule. Mais Marina insista, rappelant comment les ragots sétaient répandus comme une traînée de poudre. Le cœur de Clémence se serra; elle ne comprenait pas comment sa propre sœur pouvait vouloir la nuire ainsi.

Le lendemain, elle confronta Solène chez elle, les yeux remplis de colère. Solène, prise de court, balbutia des excuses qui sonnaient creux. Puis, dans un éclat de voix, elle réitéra: «Je suis fatiguée dêtre toujours la deuxième! À lécole, à luniversité, au travail Tu as toujours été la star.»

Clémence répondit calmement: «Alors travaille davantage. Le respect se mérite, il ne se réclame pas.» Sans attendre plus, elle sortit, laissant derrière elle des larmes que je ne pus retenir.

Le matin suivant, Clémence demanda son transfert à la filiale de Lyon. Les RH, bien conscientes de son talent, acceptèrent sans poser de questions, et le dossier fut signé en deux jours. Solène, surprise, lappela: «Tu pars?» Clémence répondit simplement: «Oui, je vais où je ne serai plus prise pour cible.»

À Lyon, laccueil fut chaleureux. Le travail avançait, les projets se concrétisaient. Un jour, Marina lappela: «Tu as entendu? Solène a été licenciée. Elle a foiré trois contrats majeurs, le patron na plus eu dautre choix.» Clémence, étonnée, réalisa que labsence de son «coup de pouce» avait finalement exposé les lacunes de Solène.

Quelques jours plus tard, Solène frappa à la porte, les yeux rougis, le visage défiguré par la détresse. Elle cria: «Cest de ta faute! Tu mas abandonnée pour me nuire!» Clémence, sereine, lui répondit: «Ce nest pas ma responsabilité. Tu as choisi ton chemin.» Puis, dun geste décidé, elle referma la porte, la laissant partir.

Ma mère, informée de la dispute, me lança: «Tu as trahi ta sœur!» Je tentai dexpliquer la manipulation, les rumeurs, le fait que Solène sétait autodestructurée, mais elle nécouta que le bruit de sa propre colère.

Finalement, une proposition de transfert à Parisle siège, avec un nouveau poste et un salaire de 5500 net mensuelarriva. Cette fois, jaccepte sans hésiter, conscient que le chemin de la réussite ne doit jamais passer par le sacrifice de soi-même.

Ce que jai retenu de tout ce drame, cest que le désir dêtre au sommet ne justifie jamais la trahison. Le respect sobtient par le travail et la loyauté, non par les ragots ni les conspirations. Japprends, à chaque jour qui passe, quil faut garder son intégrité, même quand le monde autour de nous seffondre.

À demain,
Marc Lefèvre.

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