«Je viens de m’installer dans ton appartement – a annoncé ma belle-sœur en partageant une photo depuis mon canapé»

Jai déjà emménagé dans ton appartement annonça ma bellesœur en menvoyant une photo du canapé.
Tu as encore oublié le lait? sécria Véronique, accrochée à la porte du frigo comme si elle pouvait senfuir. Je tavais pourtant demandé! Ce matin, je tai appelée!

Maman, jétais submergée au bureau! lança Élodie, sans se déchausser, en fouillant son sac à la recherche du téléphone. Jai tout laissé tomber!

Tout! Tout vous échappe! Et mon café, je le bois comment?

Noire! Ou je my mets tout de suite!

Où? Il est déjà neuf heures du soir, les commerces sont fermés!

Élodie retira ses chaussures, traversa le couloir jusquà la cuisine. Véronique continuait de marmonner en manipulant le contenu du réfrigérateur. Élodie seffondra sur une chaise, alluma son portable dont la batterie nétait revenue que maintenant.

Le téléphone vibra, une cascade de messages déferla. Publicités, newsletters, collègues puis un message de Régine apparut.

Régine, la sœur du mari de Véronique.

Élodie ouvrit le fil de discussion et lut:

«Salut, Élodie! Jai déjà emménagé dans ton appartement. Voilà, je me suis installée.»

En dessous, une photo : Régine, rayonnante, étalée sur le canapé vert que Élodie et Vincent avaient choisi trois mois auparavant, après avoir tourné la ville à la recherche du parfait.

Élodie frissonna. Elle relut le texte, le relut encore, puis encore.

Maman appelatelle, sa voix semblait étrangère, étouffée.

Quoi? se retourna Véronique depuis le frigo.

Tu as donné les clés de lappartement à quelquun ?

De quel appartement?

De notre! De mon et de Vincent!

Non, jamais! Pourquoi?

Élodie fixa lécran. Régine sur son canapé, dans son appartement. Comment?

Elle tapota: «Régine, cest une erreur. Quel appartement?»

La réponse arriva en un éclair: «Le tien, sur la Rue des Lilas! Vincent ma dit que tu navais rien contre un petit séjour chez maman, alors je profite. Pratique, non?»

Élodie bondit, sempara de sa veste.

Où tu vas? bloqua Véronique la porte. Élodie, questce qui se passe?

Régine est dans notre appartement! Vincent la laissée!

Quelle Régine? Celle qui se plaint tout le temps?

Elle!

Élodie séchappa par les escaliers, attrapa un taxi avec des mains tremblantes. Le chauffeur peinait à comprendre ladresse, elle hurlait, pressait.

Le trajet sembla durer une éternité. Elle repensait à Régine: la petite sœur de Vincent, éternelle ratée, comme elle se décrivait. Trentecinq ans, trois mariages, des emplois où on la renvoyait à chaque fois.

Quand Élodie faisait les courses pour Vincent, Régine était douce, souriante, la félicitait, lui souhaitait du bonheur. Puis les appels: «Mon mari ma quitté, je nai plus dargent, je nai nulle part où aller». Vincent lui donnait de largent, linvitait à rester. Au début, Élodie nobjectait pas. Puis elle comprit que Régine profitait.

Régine venait chaque mois, restait des semaines, éparpillait ses affaires, transformait la cuisine en champ de bataille, parlait des heures au téléphone. Élodie supportait. Vincent justifiait: «Régine est seule, il faut laider.»

Le dernier séjour dura un mois. Élodie explosa, parla à Vincent: plus rien, nous sommes un jeune couple, nous avons besoin dintimité. Vincent accepta, demanda à Régine de partir. Elle se vexa, trois mois de silence.

Et voilà, elle est repartie, sans demander.

Le taxi sarrêta devant limmeuble. Élodie paya, courut les escaliers, ouvrit la porte avec sa clé. Un parfum de parfum étranger la frappa au nez.

Elle entra dans le salon. Régine était vraiment assise sur le canapé, la télé allumée, grignotant des chips.

Oh, Élodie! sexclama la bellesœur. Tu es venue! Vincent ma dit que tu allais rester chez maman tout le mois!

Tout le mois? le sang dÉlodie bouillait. Régine, questce que tu fais ici?

Jhabite, haussatête Régine. Vincent ma autorisée. Il a dit que ça ne te dérangeait pas.

Je dérange! Où est Vincent?

Au travail, il a des urgences, il rentre tard.

Élodie tenta dappeler son mari. Pas de réponse. Un deuxième appel. Toujours pas de réponse. Elle écrivit: «Pourquoi astu laissé Régine dans lappartement?»

Vincent répondit une minute plus tard: «Élodie, je ne peux pas parler, réunion. Je texpliquerai plus tard.»

Régine, sors dici, dit Élodie froidement.

Partir? Où? Mon appartement a inondé! Les travaux dureront au moins un mois! Vincent ma dit que je pouvais rester!

Sans mon accord!

Mais il est le propriétaire! Lappartement est à son nom!

Élodie serra les poings. Oui, lappartement était à Vincent. Ils lavaient acheté avant le mariage, il avait investi davantage. Élodie ninsistait pas sur la copropriété, elle faisait confiance à son mari.

Cest notre appartement, déclara lentement Élodie. Je nai jamais autorisé quelquun à y vivre.

Je nai pas besoin de ton autorisation! répliqua Régine. Vincent est mon frère, il est de ma famille! Et toi? Une épouse! Les épouses viennent et repartent!

Quoi? sétonna Élodie.

Tu penses être la première? Avant toi, il y avait Sophie! Trois ans dhistoire, puis séparation!

Pourquoi Sophie?

Parce que Vincent est volage! Aujourdhui cest toi, demain une autre! Et moi, je reste!

Élodie resta figée, incrédule devant tant darrogance.

Cest fini. Demain matin, tu pars, ditelle et se dirigea vers la porte.

Je ne pars pas! Vincent ma donné un mois!

Élodie claqua la porte, descendit, sassit sur le banc de lentrée, les mains tremblantes, la gorge serrée.

Vincent arriva une heure plus tard, la vit, sarrêta.

Élodie, que faistu ici?

Je tattends, pour que tu mexpliques pourquoi Régine squatte notre appartement!

Calmetoi, calmement, sassit à côté delle. Parleen tranquillement.

Calmement? Tu as laissé ta sœur entrer sans me le dire! Tu lui as menti, disant que je serais chez maman! Doù tienstu ça?

Tu disais que maman était seule, quelle devait être visitée plus souvent

Visiter! Pas emménager! Vincent, cest mon appartement aussi!

Régine na nulle part où aller! Son appartement a inondé, cest le cauchemar. Je ne pouvais pas la refuser.

Tu aurais pu men parler dabord!

Je pensais que tu comprendrais

Élodie se leva brusquement. Je ne comprends pas pourquoi ta sœur compte plus que moi! Pourquoi je dois céder mon toit?

Vincent resta muet, puis murmura: «Je ne peux pas la chasser.»

Et moi?

Tu nes pas à la rue! Tu es chez maman!

Je veux rentrer chez moi!

Alors viens, Régine ny voit pas dinconvénient.

Pas dinconvénient? Elle est sur notre lit!

Vincent, perplexe, tenta de raisonner: «Cest temporaire, juste un mois.»

Un mois! Tu te souviens de la dernière fois? Le désordre, les cris nocturnes, les appels!

Elle avait promis de se tenir tranquille

Élodie éclata de rire, hystérique. Elle promet toujours! Puis elle fait ce quelle veut!

Vincent se tut, puis, dune voix basse: «Je ne peux pas la mettre à la porte.»

Et moi?

Tu nes pas dehors! Tu es chez ta mère!

Je veux mon appartement!

Vincent, les épaules affaissées, la regarda.

Viens chez maman, Régine ne sy oppose pas.

Pas sy oppose pas! Elle ma dit que je nétais quune épouse de passage, que sa sœur était éternelle!

Vincent fronça les sourcils.

Elle a vraiment dit ça?

Mot pour mot!

Elle nest pas mauvaise juste émotionnelle.

Émotionnelle! Élodie attrapa son sac. Tu sais quoi, Vincent? Garde ta sœur émotionnelle, je vais chez ma mère, pour toujours!

Élodie! Questce que tu fais?

Mais elle était déjà à la porte, les talons claquant sur le parquet. Vincent resta immobile, puis se tourna lentement vers lescalier, comme sil suivait une sœur plutôt quune épouse.

Élodie prit un taxi, arriva chez sa mère. Véronique laccueillit, les yeux pleins de questions. Élodie raconta tout, les larmes coulant.

Ah, ma petite, je te lavais dit, Vincent est un fils de maman, un frère avant tout.

Maman, jai tout supporté! Jai aidé Régine, je lai soutenue, et elle me traite dépouse provisoire!

Régine, quelle petite merveille. Je me souviens à votre mariage, elle ne lâchait jamais la main de Vincent, comme si elle était la mariée.

Élodie se souvint, effectivement, Régine était étrange, alternant pleurs et rires, déclarant perdre son frère. Élodie ny avait pas prêté attention.

Que faire maintenant?

Rien. Reste ici, laisse Vincent réfléchir.

Élodie rentra dans son ancienne chambre, le téléphone vibra sans cesse, Vincent appelait, envoyait des messages. Elle ne répondait pas.

Le matin, un message de Régine: «Élodie, ne te fâche pas! Je prépare des tartes!»

Élodie bloqua le numéro.

Une semaine passa. Elle travaillait, rentrait chez sa mère. Vincent appelait chaque jour, suppliant de revenir, promettant de parler à Régine. Élodie resta muette.

Sophie appela.

Élodie, pourquoi ne vienstu pas vivre chez toi?

Comment le saistu?

Hier, je suis passée, jai vu Régine sur le balcon, elle agitait les bras, criait «Nouvelle maison!»

Nouvelle maison, répéta Élodie, le sang qui bouillonnait.

Elle se rendit à la Rue des Lilas, monta à létage, ouvrit la porte. Lappartement était méconnaissable: les meubles déplacés, des rideaux flamboyants, des vases aux formes étranges.

Oh, Élodie! surgit la bellesœur en peignoir. Tu mas manqué?

Régine, questce que tu fabriques?

Jinstalle ma vie! Vincent ne sy oppose pas!

Où est Vincent?

Au travail, comme dhabitude.

Élodie entra dans la chambre. Tout était renversé, le lit recouvert de la literie de Régine.

Tu dors dans notre lit?

Et pourquoi pas? Je ne suis pas une invitée!

Invité! Temporaire!

Vincent a dit que je pouvais rester aussi longtemps que je veux!

Vincent, Vincent! arracha Élodie les affaires de Régine du lit. Cest aussi notre appartement! Pars!

Régine pâlit.

Tu nas pas le droit de mexpulser! Lappartement est au nom de Vincent!

Mais je suis sa femme! Jai le droit dy habiter!

Alors visy! Il y a assez de place!

Je ne veux pas vivre avec toi!

Peu mimporte! Je ne partirai pas! Mon appartement est en rénovation!

Alors loue un autre logement!

Avec quoi? Je nai pas dargent!

Trouve un travail!

Jen cherche un! Mais pas encore!

Bien sûr, quelle coïncidence! saisit Élodie son sac. Tu sais quoi, Régine? Visy seule avec Vincent! Je ne reviendrai plus jamais.

Elle sortit, claqua la porte, descendit, monta dans sa voiture.

Vincent lappela le soir.

Élodie, Régine ma dit que tu es venue. Que tu las grondée.

Grondée? Elle a tout renversé, elle dort dans notre lit!

Ça lui est plus confortable

Confortable? Et moi?

Reviens, on discutera.

Il ny a rien à discuter! Soit Régine part, soit je ne reviens plus.

Elle est ma sœur! Je ne peux pas la mettre à la porte!

Et moi?

Vincent resta muet.

Voilà la réponse, conclut Élodie, puis raccrocha.

Un mois passa, Régine restait. Vincent venait voir Élodie, suppliant son retour. Elle refusait.

Léa, amie de Régine, appela.

Élodie, on doit se parler?

Pourquoi?

À propos de Régine.

Elles se retrouvèrent dans un café. Léa était grave, préoccupée.

Élodie, je sais quon nest pas amies, mais je dois te dire quelque chose.

Je técoute.

Régine a tout orchestré.

Questce quelle a orchestré?

Le déménagement. Son appartement na pas inondé; elle a débranché le robinet ellemême. Elle a créé un prétexte pour venir chez Vincent.

Élodie resta figée.

Quoi?!

Elle ma avoué, fatiguée de vivre seule, voulant rejoindre son frère. Elle a juré que tu lavais «volée».

Volée?

Oui, elle dépendait toujours de lui depuis sonÉlodie se réveilla, le parfum dun croissant chaud flottant dans lair, réalisant que le vrai cauchemar, cétait de ne jamais retrouver le sommeil.

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«Je viens de m’installer dans ton appartement – a annoncé ma belle-sœur en partageant une photo depuis mon canapé»
— Pourquoi t’es-tu énervé comme ça hier ? Ton frigo est plein, tu ne vas pas finir à la rue, — ricana le frère de son mari, bien qu’une lueur d’agacement traversa son regard.