J’ai quitté mon mari — il a proposé d’abandonner ma fille pour toujours

Jai confronté Pierre: il ma proposé de placer ma fille Mazarine ailleurs pour toujours.

«Laisse ta fille chez ta mère», a-t-il lancé. «Nous avons besoin de temps pour nous coller lun à lautre, et lenfant nous gêne. Au moins quelques jours, emmènela làbas, daccord?»

«Pierre, on en a déjà parlé cent fois», aije soupiré. «Je ne compte pas la laisser partir ne seraitceu­r quelques heures.»

«Pas la laisser!», atil grimacé. «Bon sang, Claire, questce que tu me dis? Je ne suis pas un monstre! Réfléchis: nous avons trentecinq ans, nous venons tout juste de nous trouver Et là, je veux voyager avec toi, temmener au théâtre, au resto, passer les weekends à dormir tard et à traîner au lit jusquau soir. Avec un gamin, cest impossible!»

«Impossible?» aije répliqué. «Impossible dêtre heureux avec un enfant, alors?»

Pierre na rien répondu, mais son expression confirmait que javais touché un point sensible.

Pierre est apparu dans ma vie il y a quelques mois, quand nos chemins se sont littéralement croisés dans lallée des yaourts du hypermarché des Halles. Il ma bousculée, a rougi, sest excusé, puis ma proposé un café en guise de «compensation morale et physique». Jai accepté ; son sourire désarmant ma tout de suite plu.

Il a séduit avec élégance et sest très bien entendu avec ma petite Mazarine. Il joue à des jeux de société avec elle, linitie au roller et, parfois, laide même à faire ses devoirs. Après trois années de solitude morne, cette rencontre a été comme une gorgée deau au milieu du désert.

Trois mois après, jai accepté sa demande en mariage. Ma mère, bien sûr, restait sceptique, pensant que je le connaissais à peine Mais jétais persuadée de le connaître: gentil, attentionné, aimant.

***

Il y a trois semaines, Pierre a évoqué, pour la première fois, lidée denvoyer Mazarine chez ma mère «temporairement». Au départ, il parlait seulement des vacances, puis a laissé entendre quil serait «pratique» que

«Réfléchis un peu», atil développé. «Lécole est bonne, lair y est meilleur, et»

«Et puis, elle te dérange, non?», laije taquinée à moitiésérieusement.

Il na pas répliqué, a simplement posé son regard sur moi et est resté muet. Cela ma un peu blessée, mais lamour était encore plus fort; je me suis dite que ce nétait rien, quil sy habituerait. Après tout, il na pas denfants à lui.

Mazarine, à mes yeux, nest pas juste une petite fille, cest un trésor. Elle a huit ans, est maligne et ravissante. Cest le seul cadeau qui me reste dun premier mariage. Mon exmari, André, sest remarié et a maintenant des jumeaux, mais il noublie pas Mazarine: il la récupère le weekend, lemmène au cinéma, la gâte. Tout est comme il faut, en somme.

Un jour, Mazarine a attrapé un rhume et a eu de la fièvre. Comme tout enfant malade, elle a fait des caprices. Pierre il sénervait, pas ouvertement, mais je le voyais se crisper quand il entendait sa toux, rouler des yeux quand je sortais le thermomètre.

«Et si ta mère venait?», atil proposé un matin pendant le petitdéjeuner. «Elle na plus rien à faire à la retraite.»

«Je crains que si je propose à ma mère de venir soccuper de Mazarine, elle ne comprenne pas pourquoi je reste moimême là à moccuper delle», aije rétorqué.

Pierre sest contenté de marmonner quelque chose sous sa respiration. Je ny ai pas prêté attention, pensant quil était simplement fatigué.

***

Peu à peu, les petites affaires de Mazarine, les dessins animés bruyants et son rire ininterrompu le fatiguaient. Et quand elle entraînait des copines à la maison

«Claire, ça suffit!», explosaitil. «Je bosse toute la semaine, je veux au moins un dimanche tranquille!»

«Et je fais quoi de Mazarine?«la mets au placard?la ligote?la bâillonne?» aije rétorqué, à moitié en plaisantant.

«Au moins emmènela au parc!»

Il fallait alors jongler pour quil puisse enfin dormir.

***

Quand les vacances de Mazarine ont commencé, Pierre a annoncé quil avait acheté des billets pour la mer, pour deux personnes.

«Et Mazarine?», aije demandé.

«Elle ira chez grandmère, cest évident!»

«Pierre, mais nous sommes une famille», aije essayé de répliquer.

Il a posé son regard, un peu perdu, puis a murmuré: «Claire, cest notre lune de miel! Un enfant, cest pas compatible avec une lune de miel.»

Nous navons jamais pris le train pour la côte. Jai refusé de partir sans ma fille, il sest vexé, a rendu les billets, est resté une semaine à ruminer, puis a semblé se calmer.

***

«Pierre, tu veux des enfants?» lui aije demandé un jour.

«Oui, bien sûr!Un garçon, voire deux!»

«Et Mazarine?» aije poursuivi. «Elle devient enfin, ton enfant, non?»

Il a hésité puis a doucement répondu: «Ce qui est à moi, reste à moi. Mais je fais des efforts: je lui achète des jouets, je la débrouille à des activités»

«Ah, daccord», aije pensé. «Il fait comme sil rendait un service.»

Quelques jours plus tard, Mazarine a revenu de lécole un diplôme: première place au concours de récitation. Elle était fière, attendait Pierre pour lui montrer son trophée.

Il est arrivé, lair maussade, la journée au travail ne sétant pas bien passée. Mazarine a couru vers lui, diplôme en main, et il a simplement haussé les épaules:

«Plus tard, Mazarine, plus tard tu me montreras tes babioles», atil dit dun ton sec.

Ses yeux se sont éteints, elle a rangé le prix et est rentrée dans sa chambre en silence.

***

«Pierre, quoi?!Pourquoi tu lui parles comme ça?!»

«Claire, on arrête, daccord?Je suis fatigué, pas le temps pour tes diplômes denfants!»

«Ce nest pas un simple diplôme denfant, cest le succès de notre fille!»

«Elle nest pas ma fille!», atil lâché, puis sest arrêté net.

Nous sommes restés muets. Jai fixé les petits motifs roses sur le papier peint, choisis avant même quil narrive, et les ai comptés un à un. Un, deux, trois

«Alors, comment?» aije demandé calmement.

Pierre a mis les mains sur son visage.

«Claire, pardonne je je ne voulais pas dire ça. Écoute, soyons honnêtes: je taime. Follement. Je pensais quavec le temps, on comprendrait quon doit dabord vivre pour nous, puis fonder une vraie famille, nos propres enfants. Mazarine laissonsla chez sa grandmère, et tout ira bien. Au pire, on pourrait même la confier à son père pour toujours, puisquil est son parent légal.»

Jai senti le noir tomber sur mes yeux.

«Vaten,», aije murmuré.

«Quoi?»

«Sors dici. Immédiatement.»

«Claire, tu as perdu la tête?», sest exclamé Pierre, abasourdi. «Cest notre appartement!»

«Cest mon appartement,», aije répondu froidement. «Il ma été transmis par ma mère. Tu nas plus ta place ici.»

Il est parti, me traitant dingrate et dinsensée, jurant que je le regretterais.

Je ne lai jamais regretté. Pas une seule fois.

Après, je me suis longtemps demandé où javais pu me tromper. Puis jai compris: je voyais ce que je voulais voir. Javais construit limage dun homme parfait et ignoré les signaux dalerte, simplement parce que la solitude mavait épuisée et que javais tant envie, au moins une fois, de me sentir aimée.

Оцените статью
J’ai quitté mon mari — il a proposé d’abandonner ma fille pour toujours
T’as perdu la tête ?» murmura-t-il en s’approchant encore, envahissant son espace personnel.