Une Mariée à Louer

Il y a bien longtemps, on se souvient encore de cette étrange aventure de la jeune Olympe Dupont.
Le mariage est annulé! lança-t-elle un soir, pendant le dîner, à ses parents.
Sa mère sétouffa presque en entendant cette nouvelle inattendue.
Olympe! Tu es sérieuse? La robe de mariée a été achetée, les alliances sont commandées, le café réservé à 300, ton Didier attend ce jour comme le feu attend la poudre Olympe, dismoi que tu plaisantes, sinquiéta la mère.
Non, maman, je ne plaisante pas. Gaston et moi partons bientôt pour Londres. Cest sérieux, conclut fermement Olympe.

Sa mère, hagarde, tenta de la dissuader:
Londres, ma fille? Tout y sera étranger, inconnu. Dautres gens, un autre pays. Tu vas te perdre pour rien! Ce Gaston nest quun piège! Il doit déjà être marié, avoir des enfants, être presque à la retraite! Ton Didier taime tant, il est comme un frère pour nous! Ne fais pas de mal à lamour, tu devras rendre des comptes.

Olympe resta inflexible:
Je ne craindrai rien, réponditelle dun ton résolu.

Deux semaines plus tard, Olympe et Gaston embarquèrent pour lAngleterre. Depuis lenfance, Olympe rêvait de voir la vie dailleurs, même dun simple œil. Elle avait appris le français à la dure, maîtrisait langlais à la perfection et sattaquait maintenant à lespagnol, au cas où le destin la mènerait loin. Après luniversité, elle travaillait dans une agence de voyages comme traductrice, où elle rencontra Gaston en accompagnant un client étranger lors de diverses manifestations. Dès le premier instant, le Français la prit sous son aile.

Olympe était vive, souriante, plaisante et, surtout, jeune: elle navait que vingttrois ans, tandis que Gaston en comptait quarantesix. Au début, elle toléra les avances du gentleman anglais, sans même imaginer quil lui proposerait le mariage après seulement une semaine de connaissance. Elle ne lui dit rien à propos de son futur mariage avec Didier.

Lesprit dOlympe était en émoi. Une occasion de se marier avec un étranger ne se présentait pas à toutes les jeunes filles! Elle ne voulait pas laisser passer cette chance, même si elle néprouvait pas damour pour Gaston. Elle se disait quune nouvelle vie pleine de joies, de nouveautés et daventures lattendait, et quelle serait très reconnaissante envers son futur mari anglais. Quant à Didier, il souffrirait, mais le temps guérit tout, pensatelle, et il finirait par retrouver son chemin.

Par téléphone, Olympe informa son fiancé de ces changements. Didier, désemparé, lui souhaita malgré tout tout le bonheur conjugal et sombra dans un long et douloureux excès dalcool.

À leur arrivée à Londres, Olympe était aux anges, ne pouvant croire que ses rêves prenaient enfin forme. Elle voulait embrasser le monde entier, retenir cet oiseau de bonheur dans ses mains.

Gast

on la conduisit dans une grande demeure où laccueillit la famille du père: deux fils adultes, Henri et Édouard. (Édouard deviendrait bientôt le mari dOlympe, et leur union serait dune joie infinie.) Peu après, sortit de sa chambre lancienne épouse de Gaston, Lisette, une femme dune belle apparence et très soignée.

Tu as perdu la tête, Gaston ?! sécria Lisette, la façon dont elle lappelait affectueusement. Qui est cette jeune fille? Doù vienstu? Vatelle vivre ici avec nous? criatelle.

Oui, elle restera ici. Souvienstoi bien que cest ma maison. Olympe deviendra bientôt mon épouse. Ne la blesse pas, Lisette, répondit Gaston dun ton conciliant.

Cette scène troubla Olympe. Elle découvrit que, même dissoute, la famille habitait toujours sous le même toit, Lisette tenant la maisonnée dune main de fer. Mais dans le cœur dOlympe, un autre sentiment séveilla: celui dÉdouard. Ce nétait pas le Didier en pleine gueule de bois, mais une passion céleste, pure et éternelle.

Édouard, âgé de vingtquatre ans, était limage de sa mère. Beau garçon, il remarqua immédiatement la jeune étrangère apportée par son père. Un frisson invisible parcourut leurs âmes, les poussant à vouloir plonger ensemble dans labîme des émotions inavouées.

Gast

on annonça quil faudrait remettre à plus tard les noces, sans en dire la raison. Olympe accepta sans broncher, nenvisageant pas de retourner en France. On lui attribua une petite chambre confortable, grâce à la vaste maison. Avec Gaston, une relation tendre et innocente sinstalla ; Lisette, elle, lignora complètement.

Trois mois sécoulèrent, et Olympe se rapprocha dÉdouard qui lui révéla les affaires familiales. Il expliqua que Gaston aimait encore Lisette, et que leur relation était réciproque, mais quune violente dispute aurait pu rompre leur mariage de longue date. Gaston, voulant pousser Lisette à revenir, décida de faire semblant de chercher à épouser une nouvelle femme, espérant ainsi la faire revenir. Olympe fut désignée comme la prétendue fiancée.

Lorsque les anciens époux finirent par sapaiser, ils accompagnèrent Olympe jusquà laéroport, lui achetant un billet de retour. Après avoir entendu la confession dÉdouard, Olympe éclata dun rire hystérique.

Voilà ma destinée! Je suis la mariée de location! Jai fui mon fiancé autrefois. Que faire, Édouard?

Olympe, je ne pourrai pas vivre sans toi! lança-til.

Moi non plus. Enfin, tu lavouires! Je pensais que tu noserais pas, sexprima Olympe avec soulagement.

Comment pouvaisje avouer, sachant que tu étais la future épouse de mon père? Je ne connaissais pas les «plaisanteries» de mes parents. Henri men avait parlé. Jétais fou de joie, car la fille dont je suis tombé amoureux était désormais libre!

Édouard, accepteraistu de tunir à mon père? demandatil, intrigué.

Ah, mon petit Vianney! dès que je tai vu, mes plans ont changé à jamais! Jaurais refusé ton père, réponditelle en souriant.

Les deux jeunes gens sétreignirent comme des frères. Olympe pardonna Gaston et Lisette, convaincue que lon fait tout par amour. Malgré les disputes, ils finirent par se réconcilier, leurs vieilles rancœurs se dissipant avec le temps.

Ainsi, Olympe retrouva son père, qui laccueillit avec un tendre sourire. Sa mère, inquiète, lui envoya une lettre demandant sa venue. Olympe décida de repartir, laissant ses enfants à la grandmère Lisette.

En chemin, sa mère, les larmes aux yeux, lattendit à la porte et sexclama:

Ô ma chère Olympe! Didier est mort dans un accident de moto, emportant sa femme avec lui. Ils laissaient derrière eux une petite fille de trois ans, orpheline.

Elle raconta que Didier, désespéré, avait ramené une petite pieuvre de la campagne, quil avait traitée comme un être cher, et que la petite avait fini par porter le nom dOlympe. Le destin, pensatelle, lavait menée à adopter cet enfant, qui deviendrait sa fille.

Olympe, dun ton calme, répondit:

Maman, nous adopterons la petite Polline comme cadeau de Didier. Édouard me soutiendra. Je sais que la vie exige des réponses.

Puis, dune voix attendrie, elle ajouta:

Maintenant, nourrismoi, jai faim après tant de marche. Un petit pommeau de cidre ou un cornichon me suffira. Une future mère doit bien se sustenter pour deux!

Et cest ainsi que, grâce à ce retournement du destin, Olympe épousa Édouard. Ils eurent un fils, puis, deux ans plus tard, une fille. Édouard lentoura dune attention infinie, et la maison résonna de bonheur. Gaston et Lisette, eux, finirent par se réconcilier et, avec douceur, chérirent leurs petitsenfants.

Aujourdhui, on se souvient de cette histoire comme dune leçon : le bonheur se trouve parfois là où on ne lattend pas, et le destin, même capricieux, sait placer la bonne moitié à lautre bout du monde.

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