La vieillesse n’est pas une fin. C’est une étape de la vie où l’on peut se montrer fort.

23 octobre 2025 Journal

La vieillesse nest pas la fin. Cest une étape du chemin où lon peut encore se tenir debout avec force.
Ma grandmère, les yeux empreints damertume, me répétait souvent : «Vieillir, ce nest pas un bonheur, cest un examen auquel on ne se prépare jamais». On haussait les épaules, on lui disait de ne pas dramatiser. Ma mère, plus douce, ajoutait : «Les enfants, eux, ne tabandonneront pas». Dans ses mots, il y avait une foi silencieuse, comme gravée dans la Constitution de notre famille : naissance, éducation, puis la garantie dune prise en charge.

Les années ont passé, et les paroles de ma grandmère résonnent de plus en plus souvent, tant elles contiennent une amère vérité. Vieillir nest pas une question dâge, mais de fragilité. Ce nest pas le corps qui doit être fiable, mais la confiance que lon place en soi.

Aujourdhui, on parle beaucoup déducation financière, de limites personnelles, dindépendance. Mais dès que le sujet de la vieillesse surgit, le silence sinstalle, presque tabou. On nous souffle de rester discret : «Vieillis tranquillement, ne dérange pas, sois reconnaissante pour les appels». Oser penser à soi devient égoïste ; garder son argent, avare ; refuser de rester auprès des petitsenfants, trahir la famille.

En réalité, cest tout le contraire. Prendre soin de soi nest pas une trahison, cest une assurance. Cest ce petit sac à malices rempli de papiers, deau et de médicaments que nul ne prépare avant le feu. Et quand il faut lutiliser, il est souvent trop tard.

On peut vieillir sereinement, mais cela ne dépend pas du hasard. Il faut planifier, et surtout ne pas se fier aux paroles, même de ceux que lon aime. Ne croyez pas aux promesses : «Nous ne tabandonnerons pas».

Une voisine du même immeuble, le regard triste, ma confié : «Jai eu trois enfants, je pensais que ça me sauverait». Aujourdhui, elle ne sait plus à qui rappeler quelle se sent pressée : son fils à Bruxelles, une fille au bord du divorce, une autre qui jongle entre lécole et le travail. Tous téléphonent, tous aiment, mais à côté, seule une boîte de pilules repose sur la table de chevet.

Il ny a aucune mauvaise intention. Aucun enfant na voulu trahir. Ils ont simplement grandi, ont leurs propres foyers, leurs priorités. Le plus difficile pour eux est dadmettre quils ne peuvent plus être le pilier, ni moral, ni physique. Ce nest pas parce quils sont mauvais, mais parce que la vie a changé.

«Nous ne tabandonnerons pas» nest pas un plan, cest une émotion. La vieillesse réclame structure, pas sentiment. Pas «si besoin, on viendra», mais «voici lemploi du temps, qui passe le vendredi». Pas «demain, on verra», mais «voici le contrat avec une aidedomestique en cas de besoin».

Comme le disait Jeanne dArc (et non pas cette fois-ci, mais à ma façon) : «Celui qui sait prévoir nest jamais pris au piège du hasard». Il ne faut pas attendre que les enfants soient là simplement parce quon les a élevés. Il vaut mieux se demander dès maintenant : si personne ne peut, qui pourra maider ? Ou quel dispositif pourra me soutenir ?

Ce nest pas du cynisme, cest de la maturité. Ne croyez pas aux mots : «Nous déciderons ensemble». Cest joli, cela ressemble à une scène de série où toute la famille se réunit autour dune table ronde pour choisir le meilleur plan. Mais rapidement, les décisions se simplifient, parfois à votre détriment.

Votre petitefille est inscrite à lécole sans vous, on vous dit «elle y ira quand même». Vous avez une carte bancaire au nom du fils pour «plus pratique». Vous déménagez à la campagne parce que vous avez dit vouloir du calme. Et vous vous retrouvez décor: une case de plus dans le planning de quelquun dautre.

Le problème nest pas des enfants méchants, mais le fait que les limites dun senior sont souvent ignorées. On considère normal de gérer la vie dun aîné «pour son bien». Comme lécrivait Ray Bradbury, «Le pire en vieillissant, cest dêtre privé de son droit à être adulte». Sans papiers en ordre, sans avocat, sans une idée claire de ses désirs, on devient sans droit, même dans son propre appartement.

Il faut donc réfléchir tôt : si demain je deviens un fardeau, auraije encore ma liberté ou tout sera décidé pour moi, sous prétexte des meilleures intentions?

Ne cédez pas à la dette sentimentale du type : «Tu as tout fait pour nous». On a toujours sacrifié son confort pour les enfants. Mais quand le moment vient, peu de voix disent «Merci, maman, reposetoi». Les enfants ont leurs propres crédits, leurs propres fatigues, leurs psychologues, leurs rancœurs. Ils ne vous voient plus comme priorité.

Si votre vieillesse repose sur lattente dun remerciement, la déception viendra, car le remerciement nest quun sentiment, jamais une garantie. Le comptage de ces «merci» est aussi incertain que le temps quil fait : parfois soleil, parfois tempête.

La sollicitude nest pas une monnaie. Ce nest pas le nombre de sacrifices que lon accumule, mais les ressources tangibles qui assurent un vrai soutien : connaissances, droits, argent, réseaux. Et surtout, ne devenez pas la mère qui ne cesse de répéter «Je le faisais pour vous», car lamour qui se transforme en reproche nest plus de lamour.

Ne croyez pas au mythe de la «bonne grandmère» qui serait toujours prête à tout, même quand elle souffre. Cette image la réduit à une ombre utile, entendue mais jamais interrogée sur ses envies. «On respecte une personne parce quelle est vivante, pas parce quelle est commode». Il faut être soimême, affirmer ses désirs, dire «Aujourdhui je ne peux pas», sans se sentir traître. Le refus nest pas une infidélité, cest un droit.

Une grandmère fatiguée nest pas un fardeau, mais une grandmère heureuse qui vit selon ses propres règles représente un pilier, un exemple. Vieillir nest pas un tribut, cest une continuation de la vie.

Personne na promis que ce sera facile. Mais la facilité nest pas une obligation. Lessentiel, cest que cela reste digne, sans honte de la faiblesse, sans culpabilité pour ses limites, sans peur de demander ou de refuser.

Vieillir, ce nest pas la fin. Cest une période où lon peut rester forte, non pas par manque dalternative, mais parce que lon ne veut plus dépendre. Quatre piliers ne sont pas des dogmes, ce sont des ancres qui tiennent lors de la tempête :

indépendance financière ;
liberté de décision ;
droit à une vie personnelle ;
limites et respect.

Les enfants grandiront, senvoleront, seront présents sils le peuvent. Mais votre existence ne doit pas reposer sur leurs épaules, sinon ils risquent de se noyer, et vous dattendre un sauvetage qui ne viendra jamais.

Je souhaite que ma maison soit un lieu où lon na pas à prouver son droit à lamour, où le bouton dappel fonctionne en cas durgence, où une amie partage un thé et un rire, où les taxis sont payés avec de largent propre, où un pull chaud est acheté par plaisir et non par rabais.

Dans cette vieillesse, je veux être présent, non dans lombre, mais sous la lumière.

Leçon du jour : la vieillesse se construit avec des plans concrets, pas avec des promesses vaines.

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