Sous une averse drue, je fis halte de ma petite berline sur la route qui longe la Seine, espérant rejoindre mon appartement du 12ᵉ arrondissement. Le bitume était luisant, lair vibrait dune odeur de bitume mouillé, et je ne pensais quà rentrer.
Puis, au bord du bitume, japerçus une silhouette trempée. Une berger allemande française, les poils gorgés deau, les côtes qui dépassaient comme des os de glace. Son aboiement était plus quun cri: cétait une supplique qui se perdait dans le grondement du vent.
La curiosité mêlée à linquiétude me poussa à sortir. Le premier goutteau fut un choc glacé sur mon manteau, leau perlant sur mon visage, mais la voix de la chienne, aiguë et désespérée, couvrit tout le reste.
En bas du mur de béton, un petit chiot luttait contre la boue. Sa patte était tordue, chaque mouvement déclenchait un gémissement aigu, et la mère le regardait den haut, son hurlement se transformant en un gémissement qui semblait pénétrer les os.
Je me penchai sur le bord glissant et, avec précaution, saisî le chiot. Son pelage était comme du givre, tremblant sous la pluie. Je le pris contre moi, le plaçant près de sa mère.
Létreinte fut instantanée, douce, silencieuse, pourtant dune intensité surprenante. La mère se blottit contre son petit, lécha la boue de son museau et poussa un petit jappement. Pendant un instant, même lorage sembla satténuer, tandis que la chaleur dune vie nouvelle se diffusait autour deux.
Je restai là, trempé, le cœur serré, comme témoin dune chose qui dépassait le simple sauvetage. Je me préparais à remonter dans ma voiture, convaincu que tout était fini, quand soudain
La berger allemande me fixa dun regard qui nappartenait plus à un simple animal. Ses yeux, profonds et calmes, croisèrent les miens. Puis elle tourna doucement la tête vers son chiot, le poussa légèrement du nez vers moi.
Un frisson glacé me parcourut. Étaitelle en train de me demander de le prendre? Ou étaitce son étrange remerciement?
Le chiot sappuya sur ma jambe, frissonnant mais avec une lueur de confiance dans le regard. La mère sassit un peu plus loin, la queue effleurant la route mouillée, comme pour dire: «Tu nous as aidés, maintenant aidele encore.»
Impossible de repartir. Je pris le chiot dans mes bras, ouvris la portière et, avant même que je ne puisse réagir, la mère sauta sur le siège arrière, éclaboussant deau le parebrise, se plaçant de façon à garder son petit en vue. Elle ne voulait partir, ni loin de son petit, ni loin de moi.
En démarquant, le silence sinstalla dans la voiture, un silence doux et étrange. Je compris que je ne roulerais plus jamais seul.
Ce jourlà, je navais rien prévu de sauver, mais la mère mavait confié ce quelle chérissait le plus. Ce qui avait commencé comme une simple averse sur le parebrise sétait terminé par deux cœurs battants qui menseignèrent la fidélité, la confiance et le silence entre les gouttes, où les âmes parlent sans mots.







