Alice Dupont ressent toujours quelle nappartient pas à cet endroit. Depuis son enfance, des souvenirs étranges la hantent: une vieille maison qui sent le feu de bois et les pommes, une femme aux cheveux noirs qui lui chante, un homme qui la projette contre le plafond en riant jusquà ce que les fenêtres tremblent. Sa mère, Véronique Martin, lui assure que ce ne sont que des chimères, mais les images se renforcent chaque jour.
Dautres doutes la traversent: les cheveux roux et les yeux bleus de Véronique nont rien à voir avec les cheveux noirs et les yeux bruns dAlice. On ne parle jamais du père.
Lorsque le cancer emporte Véronique, elle murmure à lapproche de la mort: «Je tai volée». En tant que touriste, Alice vit un séisme. Dans les décombres, elle découvre une petite fille en robe à pois, la seule vivante parmi les morts. Nayant pas denfant, elle lemmène chez elle et lélève. «Jai pris ton passé, mais je tai laissé le nom. Ta mère sappelait Hélène, ton père Jean», lui raconte-t-elle. Alice ne croit pas jusquà ce quelle trouve une vieille photo jaunie dun couple dont les traits lui sont terriblement familiers. Un vide loblige à enquêter.
Loin de là, un vieil homme nommé Jean Leclerc lutte contre la maladie. Il cache du sang dans un mouchoir à lattention de son protégé Armand. Il a promis à son épouse Léna quil patienterait si jamais leur fille perdue, Ophélie, revenait. Léna, qui autrefois lisait les cartes et les signes, décède convaincue que la fille vit toujours. Jean porte en lui le poids du péché et de lespoir.
Armand le pousse à se soigner, mais Jean refuse. Il le supplie plutôt de se remarier, doublier la fiancée disparue. Tous deux sont liés par la douleur: Armand a perdu son père lors du même séisme qui a arraché lenfant de Jean.
Alice prend son envol. Elle achète un billet pour la ville natale de ses parents, ne portant dans la poche quune adresse et la photo. Dans le taxi qui la conduit, le chauffeur pâlit en apercevant limage et frôle la collision.
«Comment vous appelezvous?», demandeil dune voix tremblante.
«Je mappelle», répondelle.
«Non,», souffleil. «Votre vrai nom est Ophélie.»
Alice se fige. Le hasard ou le destin?
Au crépuscule, Jean sent que la dernière nuit approche. Il espère sendormir paisiblement comme Léna lavait souhaité. Mais le matin le surprend encore, faible, brisé mais toujours debout. Il entend le bruit dune voiture et des pas dans le couloir.
«Oncle Vano, cest moi!», lance Armand, ajoutant: «Je ne suis pas seul!» Jean croit que le médecin arrive.
Soudain, une jeune femme franchit la porte. Ce nest pas Léna, même si, un instant, il la confondue. Cest sa fille, Ophélie, adulte, aux yeux sombres comme les siens.
Alice Ophélie sassied au bord du lit, touche timidement la main de son père. Jean, les larmes de joie, caresse son visage.
«Ma fille,», soufflet-il. «Enfin, tu es de retour à la maison.»
Le temps semble sarrêter un instant. La promesse faite à la femme se réalise. Le cercle est bouclé.







