L’Essence Révélée par l’Action

Toute lessence réside dans lacte.
Gisèle, tu ne me reconnais vraiment pas ? Tu passes à côté sans un mot, samuse la femme ravissante, pleine, dune quarantaine dannées, plaisanta-t-elle en souriant ou bien tu tes trop laissée aller ?

Oh, Gisèle, pardon, je ne tai vraiment pas reconnue, sarrêta Bérénice, sapprochant pour mieux voir comment pourraisje te reconnaître après tant dannées, depuis lécole, sans se revoir ?

Elles senlacent, anciennes camarades de classe, anciennes amies. Le destin les a séparées. Bérénice est restée dans sa ville natale, tandis que Gisèle sest mariée et a suivi son mari dans les HautesAlpes.

Gisèle, tu as pris une taille impressionnante, cest sûrement le bonheur qui te gonfle, ricana Bérénice, à peine changée, si ce nest quelques cheveux gris et de fines rides autour des yeux. Quel vent ta poussée ici, loin de tes racines, alors quil ne reste plus personne ?

Il y en a bien, ma cousine Sophie, tu te souviens, elle était plus âgée que moi

Je men souviens, je lai parfois croisée, pourquoi donc la mentionner ?

Elle est décédée, je suis venue à ses funérailles mon vol de retour part ce soir. Plus personne ne reste, plus de proches ici, murmura tristement Giselle.

Cest dommage, cétait une femme bonne,
Oui, Bérénice, et tu sais qui jai revu aux obsèques ? poursuivit Giselle Michel.

Michel ?

Tu te souviens de ce Michel, celui avec qui tu as brièvement flirté ? Je ne sais pas ce qui sest passé entre vous, mais tu las vite écarté

Ah Michel, je ne le connais même plus, répondit Bérénice.

Cest un lointain parent de Sophie, du côté du mari, je crois. Il a changé, vieilli, paraît négligé Nous aussi, on a changé, mais Il a divorcé de sa première épouse après peu de temps, sest remarié, deux fils, le second né avec un handicap. Incapable de supporter ces épreuves, il a abandonné sa femme et ses enfants, puis sest marié une troisième fois, inconnue. Il était seul aux funérailles, relata Giselle.

Il a toujours été dur, acquiesça Bérénice, doù nos chemins qui se sont séparés, Dieu merci.

Cest la sœur de Michel qui men a parlé, ils ne se parlent plus, mais Vera était aussi aux funérailles. Elle a décrit la seconde épouse et le fils handicapé. Quand il a abandonné lenfant malade, les proches lont critiqué, et il a répliqué : « Il y a tant de femmes sans problème, pourquoi devraisje souffrir ? » limaginatelle.

Je le vois bien, je ne suis pas surprise, rétorqua Bérénice.

Elles échangent encore quelques souvenirs danciens camarades, puis Giselle doit partir. Elles se séparent, promettant de garder le contact. Bérénice rentre lentement, songeuse, revivant le souvenir de Michel, avant quelle ne rencontre son mari, André.

Oui, le destin ma guidée, ou plutôt mon père, il a perçu lessence même de Michel dès le début, songeait-elle, rappelant ces vieux jours.

Bérénice, aujourdhui à quarantesept ans, reste une femme droite et respectable. Adolescente, elle était belle, attirant les regards des garçons, recevant de nombreuses avances. Mais elle nétait pas volage, elle gardait toujours une distance amicale.

Elle a fréquenté Michel vers vingt ans, le trouvant romantique, apportant fleurs, allant au cinéma, se promenant. Trois mois damour adolescent, elle rêvait même de lépouser, comme tant dautres jeunes filles. Michel la raccompagnait toujours chez elle, les parents de Bérénice le connaissant. Son père, Pierre Dupont, homme jovial et sociable, pouvait parler à nimporte qui.

Ma fille, faisle venir chez nous, proposa un jour le père. Nous voulons le rencontrer, moi et ta mère, nous ne savons pas avec qui tu sors.

Daccord, papa, nous irons tous ensemble, promit Bérénice.

Le lendemain, elle le déclara :

Michel, viens chez nous, mes parents veulent te connaître.

Sils le veulent, allonsy, acquiesça-til sans hésiter.

Ils arrivent pendant que les Dupont préparent le dîner.

Entre, lança Pierre en tendant la main, asseyezvous, le repas est prêt. Pas besoin de revenir tard pour manger, détendezvous dabord.

Après les présentations, Michel sinstalle à côté de Bérénice, légèrement gêné sous le regard des parents. La mère prépare du poisson. Chez les Dupont, une chatte, Minette, erre librement, revenant de lextérieur, tournoyant autour des pieds, sentant lodeur du poisson. Au moment où tout le monde se met à table, la mère dépose un morceau de poisson dans la gamelle de Minette.

Si je ne lui donne pas, elle ne me lâchera pas, rit la mère, elle tourne toujours autour de mes pieds.

Pierre discute avec Michel tandis que la mère le gâte de friandises. Soudain, Minette sétouffe, un arête se coince dans sa gorge. Tous se lèvent, sauf Michel, qui reste immobile, ne sachant comment aider. La chatte tousse, la mère, paniquée, la prend dans ses bras et court dehors.

Elle doit recracher larête, souffleelle, les larmes aux yeux, Pierre la suit.

Pendant que la famille sagite, Michel mange tranquillement, le visage impassible. Quand ils reviennent avec la chatte, larête a été expulsée, tout est résolu.

Dieu merci, sexclame la mère, relâchant Minette sur le sol.

Quelle frayeur, Minette, commente Bérénice.

Michel, sans broncher, lance :

Vous avez fait tout ce bruit pour une simple chatte ? Rien ne peut lui arriver, et sil arrivait, il y a tant de chats dans la rue

Les parents échangent un regard incrédule.

Vous navez pas de chat chez vous ? demande la mère, curieuse.

Non, je ne supporte pas les animaux en appartement, je nen veux pas, répond Michel avec dédain.

Après le thé, ils décident de se promener.

Allons faire un tour, propose Michel, tandis que Bérénice, sentant le changement dattitude de son père, veut le raccompagner.

La soirée, qui avait commencé en douceur, se termine sur une note sombre. Bérénice ne veut plus prolonger la promenade, elle veut rentrer.

Michel, jai pas envie de continuer, je rentre, ditelle. Tu nas pas besoin de me raccompagner, je suis près dici.

Daccord, si tu insistes, réplique Michel, la baisant sur la joue.

De retour, les Dupont sont assis dans le salon, discutant de lincident. Bérénice les rejoint, sachant que son père est juste et perspicace, sa mère douce mais toujours voilée. Son père, Pierre, nhésite pas à dire les choses crûtes.

Ma fille, écoute-moi bien. Je ne veux plus voir ce garçon près de toi, ditil dun ton ferme, les yeux rivés sur elle. Il ne mérite pas dêtre à tes côtés.

Bérénice reste muette, son cœur déjà incliné.

Tu vois, on peut juger une personne à travers ses actes, même ceux envers les animaux, poursuivit Pierre. Michel a laissé la chatte suffoquer sans même lever le petit doigt. Il partira au premier problème. Coupezvous de lui maintenant, avant que ça naille plus loin.

Oui, papa, je suis rentrée tôt ce soir, je nai plus envie de sortir avec lui, répondit-elle, le visage triste. Ses paroles sur Minette et les chats mont glacé le sang.

Elle annonça clairement sa décision. Peutêtre que Bérénice naimait jamais vraiment Michel, mais les mots de son père avaient profondément creusé en elle, et la rupture fut simple.

Le lendemain, Michel la croisa, espérant un dialogue.

Salut, Bérénice, ditil en voulant lembrasser sur la joue, mais elle séloigna.

Questce que tu cherches, Bérénice ? Tu te la joues ?

Michel, je veux quon cesse toute relation. Cest fini, je veux quon reste amis.

Pourquoi cette décision ? Tes proches tont déplu ? rétorquail avec sarcasme.

Les deux, je ne veux plus te voir, conclutelle, séloignant, tandis que des mots blessants sur elle et sa famille séchappaient derrière.

Alors jai bien fait, pensa Bérénice, soulagée. Papa avait raison.

Le temps passa. Michel ne revint plus, Bérénice retrouva la sérénité, découvrant que certains hommes traînent longtemps derrière les souvenirs.

Il ny a jamais eu damour entre nous, conclutelle avec certitude.

Peu après, elle rencontra André, lamour de sa vie. Ils se marièrent, eurent deux enfants, puis une petitefille. Ils vivent en parfaite harmonie.

Alors quelle approchait de chez elle, les pensées tourbillonnaient encore autour du souvenir de Michel et de la rencontre avec Giselle.

Je narrive pas à oublier cet épisode. Je suis reconnaissante à mon père. Si ce soir-là il navait pas invité Michel à dîner, si Minette ne sétait pas étouffée, je naurais jamais découvert la vraie nature de mon compagnon. Peutêtre que le mensonge aurait fini par éclater plus tard

Ces mots résonnaient dans son cœur, rappelés par lancienne camarade qui, en évoquant Michel, rappelait comment il avait abandonné sa femme et son enfant malade, une histoire qui se reflétait étrangement dans le drame de la petite chatte.

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Se Soumettre à l’Amour