Erreur

**Mon Journal LErreur**

Je sors de lamphithéâtre, et aussitôt, Philippe se précipite vers moi.

« Alors, cest bon ? » Son regard oscille entre linquiétude et ladmiration.

« Parfait ! » Jagite mon carnet de notes sous son nez. « Et toi ? »

« Je savais que tu réussirais. » Il grimace légèrement. « Jai eu un peu de mal Quatorze sur vingt. On fête ça ? »

Je baisse les yeux, hésitante.

« Je dois encore rater mon coup ? » Il devine.

« Désolée Denis doit déjà mattendre. »

« Je vois. » Un soupir lui échappe, sans dissimuler sa déception. « Je ne fais pas le poids face au futur grand scientifique, cest ça ? Allez, au moins, je peux te raccompagner jusquaux grilles ? » Il me prend la main et mentraîne vers lescalier de fer forgé qui mène au rez-de-chaussée.

Les marches ouvragées vibrent doucement sous nos pas. Je pense déjà à cette vieille faculté de médecine, son odeur de formol et de poussière, ses murs frais même en plein été.

Philippe pousse la lourde porte, et nous débouchons dans la lumière. Denis mattend près des grilles, un bouquet à la main. Mon cœur se serre.

« Dis-moi que tu laimes » murmure Philippe, retenant toujours ma main.

« Il ma demandée en mariage. » Ses doigts se resserrent autour des miens.

« Tu me fais mal ! » mécrié-je.

« Pardon. Eh bien, le cœur a ses raisons » Il lâche ma main avec un soupir.

« Lili ! » La voix de Denis résonne depuis les grilles.

« Phil »

« Va, ne fais pas attendre ton fiancé », lance-t-il, amer.

Je méloigne, sentant son regard dans mon dos. Cest dur de quitter cette fac et lui aussi. Je my étais habituée, sans même le remarquer.

« Je tavais dit de ne pas venir », dis-je sèchement en rejoignant Denis.

« Ne ténerve pas. Je minquiétais. » Il tente de membrasser, mais jesquive. Je me retourne : Philippe a disparu.

« Allez, viens. Maman nous attend pour déjeuner. Elle veut parler du mariage Tiens, cest pour toi. » Il me tend les fleurs.

« Je nai encore rien accepté. »

« Maman a trouvé une belle salle » poursuit-il, comme sil nentendait pas.

Jespérais parler à Philippe après la remise des diplômes, mais il nest pas venu.

« Où est Samson ? » demande-je à son ami, Michel.

« Il a récupéré son diplôme hier et est parti pour Paris. Un cousin lui a trouvé un poste. Quelle chance »

Je retiens mes larmes. Après la cérémonie, je rentre directement. Je lui en veux. Comment a-t-il pu partir sans un mot ? Et il prétendait maimer

Ni lui ni moi navons appelé. Par orgueil. Deux mois plus tard, jépouse Denis.

Sept ans passent.

« Bonjour. Je peux entrer ? » Je pénètre dans le cabinet de gynécologie. « Brrr Comment supportes-tu ce fauteuil de torture ? »

« Lili ! Entre. Tu arrives à pic, je finis ma consultation. Comment vas-tu ? »

Nous échangeons des nouvelles, et mon regard se pose sur linfirmière près des instruments.

« Raymonde, vous pouvez y aller », dit Olivia, comprenant mon silence.

« Alors ? Tu attends enfin un bébé ? » demande-t-elle une fois seule.

« Si seulement Je viens te demander conseil. Denis et moi ça ne marche pas. Sa mère lui souffle que cest de ma faute. Jai fait des analyses, mais je ne veux pas tout vérifier à lhôpital local. Les commérages Tu peux maider ? »

« Bien sûr. Montre-moi. »

Je sors un dossier. Olivia létudie attentivement.

« Alors ? »

« Quelques anomalies mineures, mais rien dalarmant. Il faudra des examens complémentaires. Denis sest fait vérifier ? »

« Hors de question. Il refuse même den parler. »

« Je vois. Tu peux revenir demain matin ? Huit heures. Parfait. »

Le lendemain, je passe dautres tests.

« Regarde toi-même. » Olivia pose les radios devant moi.

« Une tumeur ? » Je fixe les taches claires. « Il faut opérer ? »

« Tu es médecin, tu comprends. Fais-toi suivre à Paris. Jai le numéro de Samson. Il te recommandera un bon spécialiste. »

« Non, ne lappelle pas. Je le ferai moi-même. »

Je quitte lhôpital, hébétée. Je me sens bien juste un peu de fatigue. Pas même trente ans, et après cette opération, plus denfant. Le soleil brille, mais tout sassombrit.

Je traîne en ville, réfléchissant à lavenir. Je ne dirai rien à mes parents. Un prétexte : un congé, un voyage à Paris.

À la maison, Denis pianote sur son ordinateur.

« Denis » Aucune réaction. « Jai besoin de partir. Deux semaines, peut-être plus. »

Un grognement. Tant mieux. Il ne posera pas de questions.

Je pars tôt le lendemain, une note sur la table. Paris maccueille dans son tumulte.

« Allô ? » La voix de Philippe, surprise.

« Cest moi. Jai besoin de ton aide. »

Une heure plus tard, je me tiens devant son bureau.

Il a changé. Plus mature, plus beau.

« Assieds-toi. Thé ? Café ? »

« Je suis venue en tant que patiente. »

Son expression se grave. Il examine mes dossiers, pose des questions. Mes mains tremblent.

« Tu as une chambre ? »

« Non, je suis arrivée ce matin. »

Il minstalle dans une chambre, promet de revenir.

Trois jours plus tard, il mappelle dans son bureau.

« Tout va bien. Aucune tumeur. Juste une inflammation mal interprétée. Les antibiotiques ont suffi. »

Je pleure de soulagement.

« Appelle ton mari. »

« Il ne sait rien. Sa mère maccuse dêtre stérile Dis-moi, il y a une place ici pour un généraliste ? »

Son regard sillumine.

« Je vérifierai. »

De retour chez moi, ma belle-mère maccueille avec des reproches.

« Je peux avoir un enfant, contrairement à votre fils ! »

Je quitte Denis, mes parents, cette ville.

Philippe tient parole. Je décroche un poste. Un an plus tard, nous nous marions. Notre fils naît en parfaite santé.

Les erreurs elles arrivent. Dans la vie, comme en médecine.

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L’Ancienne Amante