Tu es mon papa

28avril2025

Je mappelle JeanClaude, jai cinquantedeux ans. Un homme qui nest plus tout jeune, mais qui se sent encore en pleine forme. Joccupe un poste respectable dans une entreprise de la Défense à Paris et je travaille sans relâche. Jai des amis, certains que je connais depuis lenfance, mais je nai jamais réussi à fonder une vraie famille.

Dans ma jeunesse, je changeais de compagne comme on change de chemise. Jaimais être considéré comme attrayant et très apprécié des femmes. Vers la quarantaine, jai commencé à sentir que la jeunesse séloignait. Jai rencontré alors une femme merveilleuse, et nous avons vécu deux années ensemble, même envisagé le mariage. Soudain, elle ma quitté pour un autre.

Jai pensé que cétait le karma qui me rattrapait: tant de belles jeunes femmes que javais laissées derrière moi, et voilà que je payais le prix. Aucun nouveau relation sérieuse na suivi. De temps à autre, une nouvelle rencontre surgissait, mais ce nétaient que des liaisons éphémères ou des romances de courte durée.

À cinquante ans, je me suis résigné à rester célibataire, sans enfants. Si, dans ma vieillesse, je rencontrais une femme solitaire qui accepterait de partager mes soirées, tant mieux; sinon, je resterais seul. Ma famille est presque disparue: mes parents sont décédés, je nai ni frère ni sœur. Il ne me reste quune cousine éloignée et le fils de mon neveu, avec qui je parle rarement.

Tous mes amis se sont mariés, ont des enfants et des petitsenfants. Ils préfèrent les réunions familiales aux sorties de garçons, même sils minvitent toujours. Je me sens parfois isolé, ce qui me pousse à réfléchir davantage à ma vieillesse. Je nai aucune envie de devenir le vieux grincheux qui discute avec la télévision, qui se promène au parc avec son chien et qui se plaint des jeunes. Pourtant, le futur semble sannoncer ainsi.

Je continue néanmoins à rencontrer des femmes, espérant peutêtre croiser «celle». Je garde le contact avec mes amis, leurs familles deviennent les miennes, je vois ma cousine et mon neveu de temps en temps. Rien ne semble réellement changer.

Un dimanche, alors que je préparais une sortie campagnarde avec les copains, mon portable a sonné. Sans regarder lécran, jai décroché en plein rangement du sac.

Oui? aije dit, tentant denlever les bouteilles deau dun geste.

«Bonjour, JeanClaude?» a retenti une voix masculine, puis, après un instant de silence, une voix féminine douce.

«JeanClaude, ce nest pas une publicité. Je mappelle Élodie, jai vingtdeux ans je suis votre fille.»

Je me suis senti pris au piège. «Sérieusement?» aije demandé, incrédule. Elle ma expliqué que sa mère sappelle Inès Komarova, que ma petiteamie dil y a longtemps la nommée ainsi avant de décéder il y a un mois dun cancer.

Jai dabord cru à une escroquerie, mais les détails étaient trop précis. Elle ma envoyé une photo de ma mère avec mon visage imprimé dessus, conservée depuis plus de vingt ans. Jai été bouleversé. Le cœur lourd, jai accepté de la rencontrer.

Nous nous sommes retrouvés dans un bistrot du Marais. Elle était nerveuse, mais sincère. Elle ma montré son acte de naissance et la photo avec ma mère. Jai compris que je navais jamais connu ma fille et que ma vie avait été vide de cette liaison.

Nous avons parlé pendant trois heures, échangeant sur son enfance, la mort de sa mère, son absence de père. Jai réalisé que javais laissé passer lopportunité dêtre présent pour elle. Jai promis de mimpliquer, de la soutenir, même si ma propre existence était déjà bien remplie.

Les semaines suivantes, Élodie a déménagé à Paris pour être plus proche. Je lai aidée à trouver un logement, je lui ai offert des cadeaux, je lai présentée à mes amis. Six mois plus tard, elle ma appelé «papa» pour la première fois. Jai pleuré sur le balcon, submergé démotion.

Deux ans plus tard, elle sest mariée et a eu un enfant. Jai retrouvé le rôle de grandpère que je naurais jamais imaginé. Jai aussi trouvé une compagne, Claire, avec qui je compte vieillir. Aujourdhui, je ne me sens plus seul: jai une fille, un gendre, un petitenfant, et la promesse dune vieillesse partagée.

Cette aventure ma appris que le temps ne revient jamais. Il faut saisir les occasions quand elles se présentent, même celles qui semblent arriver trop tard. La vie ma offert une seconde chance de construire une vraie famille, et je ne la laisserai plus jamais glisser.

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Tu es mon papa
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