**Journal de Pierre 15 octobre**
Ce matin, jai croisé notre voisine, Mme Dubois, dans lescalier. Elle ma tendu une assiette de quiches encore chaudes, enveloppées dans un torchon à carreaux. *« Prenez ça, mon cher Pierre, jen ai fait trop ce matin. Et voici un pot de confiture de framboises, mise en pot hier. »*
Je lai remerciée, touché par son geste. *« Vous êtes trop gentille, Mme Dubois. Entrez donc boire un café, nous avons si peu loccasion de discuter. »*
Elle a accepté avec un sourire, et nous nous sommes installés dans ma petite cuisine. *« À propos, avez-vous entendu ce qui se passe chez les Martin ? »* a-t-elle chuchoté, comme si les murs avaient des oreilles.
Jai soupiré en versant leau bouillante dans la cafetière. *« Comment ne pas entendre ? Tout limmeuble en parle. Ils se sont disputés si fort quon aurait cru un orage. »*
*« Apparemment, Édouard a fait venir sa mère de la campagne sans prévenir sa femme. Et avec leur deux-pièces, vous imaginez »* Elle a secoué la tête. *« Sophie, sa femme, aurait menacé de le quitter. »*
Je nai pas eu le temps de répondre. Ce soir-là, dans notre appartement du 15e arrondissement, ma femme, Élodie, arpentait la cuisine, son téléphone serré dans sa main. *« Camille, je ne sais plus quoi faire. Il la installée ici sans me demander mon avis ! Je rentre du travail, et voilà Maman Thérèse avec ses valises, comme si cétait normal ! »*
La porte dentrée a grincé. Mon beau-frère, Antoine, est entré, le visage fatigué. *« Elle est dans le salon, »* a-t-il marmonné en évitant son regard. *« Elle se repose. »*
*« Dans le salon ? »* a répété Élodie, les dents serrées. *« Sur notre canapé. »*
*« Et où veux-tu quelle aille ? »* a-t-il répliqué, la voix tendue. *« La maison de campagne a brûlé, tu préférerais quelle dorme dans la rue ? »*
*« Jaurais préféré que tu men parles dabord ! »* a-t-elle explosé avant de baisser le ton. *« Nous aurions pu chercher une solution ensemble. Peut-être lui louer un studio, ou quelle aille chez ta sœur à Lyon »*
*« Avec quoi ? Nous avons déjà du mal à joindre les deux bouts, »* a-t-il rétorqué, frottant ses tempes.
Maman Thérèse est alors apparue dans lencadrement de la porte, ses cheveux gris noués en chignon, une vieille robe à fleurs sur les épaules. *« Je je peux partir si je vous dérange. Il doit bien y avoir une place dans une maison de retraite »*
*« Maman, arrête, »* a grogné Antoine. *« Personne ne te met à la porte. »*
Élodie a serré les poings. *« Ce nest pas elle le problème, Antoine. Cest toi. Tu décides tout seul, comme si je nexistais pas. »*
La soirée a été glaciale. Au lit, Élodie sest tournée vers le mur. *« Elle reste, cest ça ? »*
*« Oui. »*
*« Et nos projets ? Nos week-ends ? Nos repas en tête-à-tête ? »*
*« On sadaptera. »*
Elle a éteint la lumière sans répondre.
Le lendemain matin, Maman Thérèse préparait des crêpes dans la cuisine. *« Bonjour, ma chérie. Jai pensé à un petit-déjeuner pour bien commencer la journée. »*
Élodie a souri malgré elle. *« Merci. Cest gentil. »*
Au fil des jours, quelque chose a changé. Maman Thérèse rangeait, cuisinait, et même recousait les rideaux. Un soir, Élodie a pris ma main. *« Elle nest pas comme je limaginais. Elle essaie vraiment. »*
*« Et toi aussi, »* ai-je murmuré.
Antoine, lui, restait têtu. Mais un dimanche, alors quil voulait imposer un déménagement, Maman Thérèse lui a posé une main sur le bras. *« Mon fils, un mariage, cest deux voix. Pas une. »*
Il a rougi. Et pour la première fois, il a écouté.
**Leçon du jour :** Un mariage est comme une bonne baguette ça ne lève pas si on ne pétrit pas ensemble.







