— Maman va vivre avec nous, tes parents peuvent rester à la campagne – a décidé le mari

Cher journal,

Ma mère habitera avec nous, tes parents pourront rester à la campagne aije décidé, en essayant de rester calme.

«Tu as dépensé quarante mille euros pour quoi?! Pour un nouveau mobilier de cuisine?! »

Jai jeté le reçu sur la table, assez fort pour que les assiettes sagitent. Léa a sursauté, mais a gardé son sangfroid.

«Pour le mobilier. Lancien était complètement fichu: la porte sétait détachée, le plan de travail couvert de taches.»

«Quarante mille! Nous avions convenu de discuter des gros achats!»

«On en a bien parlé! Je tai prévenue il y a un mois! Tu mas dit de voir par moimême!»

«Je nai jamais dit de dépenser autant!»

«Et à ton avis, combien coûte un meuble correct? Dix mille? Cest le modèle le plus bon marché!»

Il a fait le tour de la cuisine, les cheveux en désordre.

«Chaque centime compte! Nous économisons pour une voiture!»

«Économiser Mais où je dois cuisiner? Pas quand on achète la voiture!»

«On aurait pu attendre!»

«Attendre? Encore six mois à cuisiner sur deux foyers qui fonctionnent à moitié?»

Je me suis tourné vers elle.

«Si tu savais faire des économies, on aurait déjà la voiture et un appartement plus grand!»

Léa a senti une boule se former dans sa gorge.

«Moi, je fais les comptes chaque jour, je choisis les produits les moins chers, je porte la même veste depuis trois ans!»

«Encore la victime!»

«Je ne suis pas une victime! Je ne fais que constater les faits!»

Nous nous sommes fixés lun en face de lautre, le souffle court. Léa luttait contre les larmes, refusant de montrer la faiblesse.

Le téléphone a sonné. Olivier la attrapé, a lu lécran.

«Maman,» a-t-il lancé avant de disparaître dans le couloir.

Léa est restée seule, sa tête dans les mains. Ce qui était hier un couple qui ne se disputait jamais à propos dargent était devenu une guerre quotidienne. Elle sest rappelée leurs débuts : elle était réceptionniste dans une clinique dentaire, il était venu pour une extraction. Une conversation dans la salle dattente, un café, puis une proposition six mois plus tard.

Elle avait 26 ans, il 28. Tous deux travaillaient, louaient un petit studio à la périphérie de Lyon, ont conclu un prêt pour acheter un premier appartement. Modeste, mais à eux.

Tout allait bien, jusquà ce que le stress sinstalle. Il devenait irritable, obsédé par les dépenses malgré un bon salaire de directeur commercial. Elle gagnait moins, essayait de faire des économies, de laider à la maison.

Un jour, il est revenu en cuisine, le visage grave.

«Léa, il faut quon parle.»

«Je técoute.»

«Ma mère a des problèmes de santé. Sa tension monte, son cœur fait des siennes. Elle ne peut plus vivre seule.»

«Et?»

«Je lai fait venir chez nous, le temps quelle se remette.»

Léa a haussé les épaules.

«Mais notre studio? Où va-telle?»

«Sur le canapé du salon. Nous mettrons un lit pliant dans la cuisine.»

«Tu es sérieux?»

«Absolument. Cest ma mère, je ne peux la laisser seule.»

«Et mes parents?Ils ont aussi besoin daide, papa a du mal à se débrouiller, maman a eu un AVC.»

«Ils habitent à la campagne, ils ont leur maison et leur potager.»

«Ce nest pas facile! Jy vais chaque semaine pour couper du bois, porter de leau, faire le ménage.»

«Continue, mais ma mère restera ici.»

«Pourquoi ta mère ici et mes parents à la campagne?»

Il la regardée froidement.

«Parce que ma mère est seule. Tes parents sont deux, cest plus simple pour eux. En ville, elle a besoin de médecins.»

«Donc ma mère peut rester à la campagne, la tienne doit venir vivre avec nous.»

«Cest ma décision.»

«Tu te proclames chef de famille!»

Elle a ri, amère.

«Chef qui dépense pour la pêche et un nouveau moulinet, mais qui hésite à acheter un meuble de cuisine!»

Il a attrapé les clés de la voiture.

«Jen ai assez de cette dispute. Ma mère arrive samedi. Prépare sa chambre.»

«Et si je ne veux pas?»

Il a ouvert la porte.

«Cest mon appartement, je paie lhypothèque. Ma mère vivra ici, que ça te plaise ou non.»

Il est parti. Léa est restée, sest assise au sol, a fondu en sanglots. «Cest mon appartement, ma décision, ma mère.» Elle sest demandée si elle nétait quune bonne à tout faire, une ombre devant les désirs de son mari.

Elle a appelé ses parents.

«Allô, ma fille!»

«Maman, comment ça va?»

«On coupe du bois, on chauffe le poêle, il fait froid cette année.»

«Vous voulez venir en ville?Je pourrais louer un petit appartement pour vous»

«Non, ma chère, on a vécu ici toute notre vie. Et où vastu trouver largent?»

Léa a avalé ses larmes, a promis de venir dimanche avec des provisions.

Ses parents, sept cinquantetrois ans, avaient une maison vieillissante, du chauffage au bois, de leau à porter depuis la cuve. Son père, après une opération cardiaque, peinait à marcher, sa mère, après un AVC, avait du mal à utiliser sa main gauche, mais ils tenaient bon, ne voulant pas être un fardeau.

Sa bellemère, Valérie Dupont, vivait dans un deuxpièces à Paris, plus jeune que les parents de Léa, à soixantecinq ans, encore en forme malgré quelques soucis de santé. Elle était la fille unique du mari, et Valérie appelait son fils dix fois par jour pour lui donner des conseils.

Léa avait dabord supporté, puis sest rebellée, mais Olivier défendait toujours sa mère, affirmant quelle voulait son bien. Ainsi, Valérie emménagea dans leur petit studio, et Léa se retrouva à la cuisine, à préparer des repas quelle ne mangeait même pas, à supporter les critiques.

Un soir, en comptant les dépenses, il ne restait plus assez dargent jusquau salaire. Valérie est entrée.

«Léa, jai besoin de nouvelles pantoufles, les miennes sont trop serrées. Tu peux me donner de largent?»

«Je nai rien de disponible.»

«Mais Olivier a reçu son salaire!»

«Il le consacre à lhypothèque et à la nourriture.»

«Et ton salaire?»

«Il sert à payer les médicaments de mes parents, le chauffage, les courses.»

La dispute sest envenimée, Valérie a quitté la cuisine, a reproché à Olivier dêtre trop dur avec sa fille.

Léa a alors vu la scène de haut. Sa bellemère manipulait son fils, Olivier ne voyait pas. Elle sest sentie piégée, comme une domestique.

«Assez,» a-telle déclaré doucement.

«Quoi?» a demandé Olivier, surpris.

«Tout. Je suis fatiguée de supporter votre attitude, dêtre reléguée au rang de servante, dentendre que mes parents ne comptent pour rien.»

«Ce nest pas une hystérie!»

«Cest une décision. Je pars chez mes parents, je resterai avec eux.»

«Tu deviens folle!»

«Non, jai simplement pris une décision. Vous vivrez à deux, ce sera plus simple sans moi.»

Elle a commencé à faire ses bagages, Olivier la suivait.

«Léa, arrête!Tu ne peux pas simplement partir!»

«Je peux et je le fais.»

«Et moi alors?»

«Tu ten sortiras. Ta mère préparera tes repas, lavera ton linge.»

«Je taime!»

Léa la regardé droit dans les yeux.

«Si tu maimais vraiment, tu naurais pas laissé ta mère me remplacer, tu naurais pas mis ses désirs au-dessus des tiens, tu naurais pas oublié lanniversaire de mon père la semaine prochaine.»

Olivier était muet.

«Je suis lasse dêtre seule dans ce mariage, dêtre celle qui porte tout le poids. Je veux prendre soin de ceux qui apprécient ma sollicitude.»

Elle a fermé sa valise, a quitté lappartement. Valérie, dans le couloir, a haussé les épaules.

«Allez, partez. Olivier sera mieux sans vous.»

Léa a marché dans la neige, a pris un taxi jusquà la gare, a acheté un billet pour le bus vers le village.

Arrivée tard le soir, ses parents dormaient. Elle sest glissée dans le petit salon, sest allongée sur le vieux canapé.

Le matin, lodeur des crêpes. Sa mère faisait le petitdéjeuner.

«Léa!Comment vastu?»

«Je suis ici pour de bon.»

«Et Olivier?»

«Il est resté avec ma mère, ils seront plus tranquilles à deux.»

Son père a posé la main sur son épaule.

«Tu as bien fait. On ne doit jamais tolérer ce type de traitement.»

«Mais je laime encore,» a murmuré Léa.

«Lamour, ce nest pas endurer les humiliations, cest le respect. Il ne ta pas respectée.»

Elle a accepté un poste à la bibliothèque du village, un salaire modeste mais suffisant. Elle aidait ses parents, shabitua à la vie rurale.

Olivier a appelé au début, suppliant de revenir. Un mois plus tard, il est venu à la porte du village.

«Puisje entrer?»

«Entrez.»

Ils ont discuté dans la cuisine pendant que les parents soccupaient du jardin.

«Jai compris. Ma mère ma épuisé, je ne peux plus vivre avec elle.»

«Et maintenant?»

«Je veux que tu reviennes. Je promets daider tes parents, découter ton avis, de ne plus mettre ma mère avant toi.»

Léa a hésité, a demandé du temps.

«Un mois, deux mois, je dois être sûre que ce nest pas un caprice.»

Il a accepté.

Trois mois plus tard, il venait chaque semaine, aidait à couper du bois, réparait le toit, dialoguait avec les deux parents. Léa voyait le changement.

Un soir, assis sur le perron, il a annoncé :

«Jai vendu lappartement. Jai acheté un troispièces à Villeurbanne, plus grand, pour que tes parents puissent venir vivre avec nous si tu le souhaites.»

«Vraiment?»

«Oui. Jai compris que je tavais mis de côté. Je suis désolé.»

Léa a senti les larmes monter.

«Et Valérie?»

«Elle a compris quelle doit respecter ton espace. Elle viendra même rendre visite à tes parents, sexcuser.»

«Alors tu reviens?»

Elle a hoché la tête.

«Oui, mais à condition dêtre égaux. Mes parents, les tiens, nos opinions, tout doit compter de la même façon.»

Il a acquiescé.

Nous nous sommes enlacés sur le perron, conscients que le chemin sera long, que la confiance devra se reconstruire, que la famille se construit sur le respect mutuel.

Aujourdhui, je comprends que lamour ne doit jamais être à sens unique. Le véritable enseignement que je retiens de ces mois de tumulte, cest que la dignité et le respect de chacun sont les piliers dune relation durable.

Olivier.

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