Ma chérie, ne te fais pas de fausses idées ! Je ne suis pas un sans-abri. Je m’appelle Michel Semenovitch. Je suis venu rendre visite à ma fille. C’est difficile à raconter…

Clémance, ne te méprends pas! Je ne suis pas un vagabond. On mappelle Michel Sébastien. Je suis venu rendre visite à ma fille. Cest difficile à expliquer

Il ne restait que quelques heures avant le réveillon. Tous les collègues sétaient déjà enfuis chez eux, mais personne nattendait Lucie

Pour éviter de retourner au travail le 2 janvier, elle décida davancer son service. Elle rentrerait juste à temps, et le frigo était déjà garni de deux salades, de fruits et dun vin mousseux préparés à lavance. Elle navait personne à qui se changer. Elle aurait bien aimé retirer ses talons et enfiler son pyjama en velours.

Le fait que Clémance et André se soient séparés il y a plusieurs mois, une rupture aussi douloureuse quun hiver sans feu, lavait poussée à ne plus chercher de nouvelles relations. Elle se sentait bien seule.

André essayait de la reconquérir, il lappelait à plusieurs reprises, mais Clémance ne voulait pas repartir à zéro. « Rien ne marchera, nous ne sommes plus un couple, cest trop compliqué. »

Elle ne voulait même plus penser à lui, cétait du passé, pourquoi gâcher la fête?

Clémance descendit du minibus. Encore quelques pas et elle était chez elle.

Au pied de limmeuble, sur le banc du hall, un vieux monsieur était assis à côté dun petit sapin décoré.
Il doit sûrement être en visite chez quelquun! pensa-t-elle.

Elle le salua, il hocha la tête sans le moindre regard. Un éclat de larmes ou le reflet des lumières sembla briller dans ses yeux, mais elle ne sen préoccupa pas et se hâta vers lentrée.

Le soir tombait, le froid piquait comme un couteau et Clémance frissonna.

Après la douche, elle enfila son pyjama préféré, se prépara un café et se posta près de la fenêtre.

Étrangement, le vieil homme restait toujours assis sur le banc.

Ça fait plus dune heure quelle est rentrée, il reste deux heures avant le Nouvel An. Sil est venu en visite, pourquoi traînetil dehors? Ce scintillement dans ses yeux! se demanda-t-elle.

Elle dressa la table, alluma les guirlandes sur le sapin, mais ses pensées revenaient sans cesse à cet homme solitaire.

Après une demiheure, elle jeta un œil par la fenêtre: il était toujours là, immobile.

Peutêtre quil ne se sent pas bien? Le froid peut le rendre malade.

Clémance enfila rapidement son manteau et sortit.

En sapprochant du banc, elle sassit à côté de lui. Il tourna le visage vers elle puis se détourna.

Excusezmoi, tout va bien? Je nai pas pu mempêcher de remarquer que vous restez assis seul depuis longtemps. Il fait un froid de canard ici. Puisje vous aider dune façon ou dune autre? demanda-t-elle.

Le vieil homme soupira :

Rien, ma petite! Tout va bien, je resterai un moment, puis jirai.

Aller où?

À la gare. Je rentrerai chez moi.

Vous savez, ce nest pas la peine. Je ne veux pas vous voir demain matin encore assis là. Levezvous, sil vous plaît! Venez chez moi, réchauffezvous, puis vous partirez où bon vous semble.

Mais

Pas de «mais»! Allonsy!

Clémance savait que, si sa copine Sophie était là, elle ferait les gros yeux, mais Sophie était absente. Elle ne pouvait pas laisser le vieux monsieur sur le banc.

Le vieil homme se leva, prit le sapin et demanda :

Je peux le prendre?

Bien sûr, pourquoi pas.

Ils entrèrent dans lappartement, le vieil homme posa humblement le sapin dans le couloir, se déshabilla un peu, chaque pas semblait le faire frissonner davantage.

Il sassit à la table de la cuisine, Clémance lui servit du thé. Il réchauffa ses mains autour de la tasse, prit quelques gorgées et leva les yeux.

Clémance, ne te méprends pas! Je ne suis pas sans abri. Je mappelle Henri Dupont. Je suis venu voir ma fille. Cest difficile à dire

Ma femme et moi nous sommes séparés il y a longtemps, jai commis une faute, jai rencontré une autre femme.

Je suis tombé amoureux comme un jeune fou, les yeux bandés

Au début, je me cachais, puis ma femme a découvert notre liaison grâce à Maïté, ma deuxième compagne. Des disputes éclatèrent à la maison, un jour, jai claqué la porte et je suis parti vers celle que jaimais.

Ma fille navait que cinq ans à lépoque.

Je faisais le tour pour laider, mais Léa, mon exépouse, était très fière, refusait toute aide, même les pensions alimentaires. Elle voulait élever seule notre fille.

Jessayais daider via mes parents, mais elle nacceptait rien! Elle a même commencé à dresser notre fille contre moi.

Un jour, en allant à la crèche, je voulais offrir des jouets à ma fille, mais elle a couru, ne voulant plus me parler, disant que je nétais personne pour elle.

Jai alors décidé de me retirer, de ne plus apparaître dans leur vie. Maïté et moi avons quitté la ville. Jai tenté denvoyer de largent à Léa pour notre fille, mais les virements revenaient toujours. Jai fini par arrêter. Jai compris que Léa ne prendrait rien de moi.

Il y a dix ans, Maïté et moi sommes revenus. Mes parents étaient décédés, nous avons emménagé dans leur appartement. Nous lavons vendu, acheté une petite maison à la campagne, près de la ville, où nous vivions.

Les enfants ne sont pas venus

Il y a deux ans, Maïté est décédée, je me suis retrouvé seul.

Je ne sais pas pourquoi, aujourdhui je suis revenu voir ma fille Je nespérais pas le pardon.

Je ne lai pas vue depuis des années. Elle vit toujours dans le même appartement que nous occupions.

Jai acheté un sapin, je suis allé chez elle, mais elle ne ma pas laissé franchir le seuil

Je comprends tout

Pourquoi suisje venu? Que voulaisje voir? Je suis un étranger pour elle. Quespéraisje?

Je nai rien besoin: jai ma maison, ma pension est correcte, je pourrais subvenir aux besoins de ma fille, elle est la seule personne qui compte pour moi!

Tout serait différent si Léa mavait permis de voir ma fille et de participer à sa vie!

Je suis sorti de lappartement de ma fille, jai marché longtemps sans savoir où aller. Je me suis retrouvé ici, assis sur un banc, figé, sans même vouloir bouger. Oui, jaurais peutêtre pu rester comme ça

Mais le destin en a décidé autrement! Jai sûrement encore une petite utilité ici Merci, ma fille, je suis réchauffé, jattendrai le bus et je rentrerai chez moi.

Mais où allezvous aller cette nuit? Le bus ne part que le matin, il reste une demiheure avant le Nouvel An. Restez, je vous mettrai le lit de camp, et vous repartirez demain? proposa Henri.

Michel Sébastien jeta un regard à Clémance.

Cest vraiment gênant, ma petite! Aujourdhui, on nouvre plus facilement la porte à un inconnu. Honnêtement, je ne veux pas rester seul ce soir, si tu le permets, je resterai. Je partirai demain matin.

Daccord, cest entendu.

Le matin suivant, Michel fit ses bagages.

Merci, Clémance, pour tout. Tu es comme un ange, tu mas sauvée dune action irréfléchie, car javais vraiment lintention de rester là, sur le banc.

Tu sais, reviens me rendre visite! Ce nest pas loin, jai beaucoup despace, une petite ruche avec cinq ruches derrière la maison, lété cest un vrai bonheur.

Maïté aimait le jardin: pommes, poires, tout y pousse! Lhiver est aussi agréable, viens, ma petite, tu te reposerais, la rivière est toute proche. Tout est beau chez nous!

Merci, Michel! Jirai certainement!

Parfait! Je pars, merci encore

Clémance resta à la fenêtre jusquà ce que Michel disparaisse au coin de la rue.

Cest ainsi que les inconnus deviennent parfois des proches!

Sa fille avait perdu ses parents très jeune, et en entendant le récit triste du vieil Henri, elle décida de lui rendre visite un jour.

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