**L’Illusion**
Depuis toujours, Marianne ne vivait que pour la musique. À vingt-huit ans, elle travaillait comme professeure au Conservatoire de Paris, enfermée dans son monde de notes et de silences. Elle avait eu une brève idylle avec un collègue, mais leurs égos dartistes avaient tout emporté. Une solitude pesante sétait installée après la mort de sa mère, son unique famille.
Puis, un jour, elle avait croisé Louis dans un café près du Conservatoire. Avocat ambitieux, il lavait abordée avec un sourire calculé.
« Mademoiselle, pourquoi ce regard si mélancolique ? » avait-il murmuré en sirotant son expresso.
Elle avait répondu dune voix douce : « Marianne. »
Trois mois plus tard, Louis passait ses soirées chez elle, lui parlant mariage. Mais elle hésitait.
« Je ne suis pas prête, Louis Maman vient de partir. »
Sa mère lavait élevée seule, sans jamais évoquer son père. Un mystère qui la rongeait maintenant.
« Et si je le retrouvais ? » confia-t-elle un soir, les doigts crispés sur son verre de vin.
Louis, toujours prompt, lui serra la main. « Je taiderai. »
Il semblait trop parfait. Trop pressé. Quand il pénétra pour la première fois dans son appartement du Quartier Latin, son regard sattarda sur les toiles accrochées aux mursdes œuvres rares, héritées sans quelle ny prête attention. Lui, pourtant, savait leur valeur.
Les semaines passèrent. Un soir, il annonça :
« Jai invité quelquun. Ton père. »
Le cœur battant, Marianne ouvrit la porte à un homme imposant, aux cheveux poivre et sel.
« Ma fille » Il létreignit, la voix tremblante. « Romain Lefèvre. Enfin, je te rencontre. »
Elle vacilla. Son second prénom était bien Romaineun détail connu seulement de sa mère.
Louis en profita aussitôt : « Monsieur Lefèvre, permettez-moi de demander la main de Marianne. »
Sous le choc, elle accepta son bénédiction.
Puis vint Tante Élodie, sœur de sa mère, arrivée de Lyon pour les préparatifs.
« Ton père sappelait Jean, pas Romain, » lâcha-t-elle un soir, les yeux froids.
Marianne blêmit. « Jean Moreau ? Mon professeur de piano ? »
Élodie hocha la tête. « Et ces tableaux valent une fortune. Quant à ton fiancé »
Le piège se referma. Louis, démasqué, quitta lappartement sous les regards accusateurs.
Le lendemain, Jean Moreau franchit le seuil, les larmes aux yeux.
« Tu es le portrait de ta mère, » murmura-t-il.
Les mots se libérèrent enfin. Sa grand-mère paternelle avait tout orchestré, séparant ses parents avant sa naissance. Lui, ignorant tout, lavait eue comme élève sans jamais savoir.
Un an plus tard, Marianne épousa Vincent, fils dun ami de Jean. À la mairie du 6e arrondissement, sous les sourires dÉlodie et de Jean, elle sourit enfinlibérée de lillusion.







