Jouer avec le Feu : Une Ode aux Passions Dangereuses

**Jeu Dangereux**

Tu ne changes pas, toi Étienne renversa la tête en arrière, étouffant de rire. Tu lui as dit ça en face ? Directement, devant tout le monde ?

Et que voulais-tu que je fasse ? Maximilien tambourinait nerveusement sur la table. Je suis marié. Et elle ne me lâche pas, elle devient insupportable. Tout le service commence à jaser.

Ah, le timide Tu nes pas habitué à une telle audace, taquina son ami. Un autre en profiterait, mais toi, tu joues les prudes.

Nous navons pas la même conception de la fidélité, répliqua-t-il sans méchanceté, bien quune lassitude passât dans son regard. Tant que cétaient des allusions, je faisais semblant de ne pas remarquer. Je ne voulais pas paraître grossier ni créer de scène.

Et cest là, mon vieux, ta plus grande erreur, fit remarquer Étienne en levant un sourcil significatif. Ton silence la encouragée, lui a donné de faux espoirs.

Mais que me veut-elle ? Il y a tant de célibataires !

Pour des femmes comme elle, lalliance au doigt nest pas un obstacle, mais un défi, observa philosophiquement Étienne. La preuve que lhomme en vaut la peine.

Sophie fit son entrée dans leur service comme une bourrasque printanière. Elle nétait pas une beauté classique des traits trop anguleux, une voix trop basse, légèrement rauque. Mais quand elle souriait, le monde semblait se transformer. La directrice des ressources humaines avoua plus tard quelle sapprêtait à refuser Sophie, mais que son sourire avait tout changé en un instant.

Maximilien lapprécia sincèrement au début. Son énergie et son esprit vif étaient comme une bouffée dair frais dans la routine morne du bureau. Il laida volontiers à sintégrer, partagea son expérience. Pour lui, cétait une simple sympathie humaine, sans arrière-pensée. Lui, lhomme profondément attaché à sa famille, voyait en elle une collègue talentueuse, presque une petite sœur.

Peu à peu, les limites commencèrent à seffacer. Les plaisanteries de Sophie devinrent équivoques, ses gestes trop insistants. Maximilien, naturellement introverti et peu habitué à lagressivité décomplexée, se trouva désemparé. Sa boussole intérieure, toujours si claire, vacilla. Il commença à léviter, à refuser les déjeuners en commun. Mais la retraite ne fit quexciter la chasseresse.

***

Maximilien avait la trentaine, lallure dun homme qui maintient un ordre méticuleux dans sa vie. Grand, mais légèrement voûté, comme pour se faire plus discret. Des cheveux sombres, toujours bien coupés, avec quelques fils dargent précoces aux tempes hérédité et sens des responsabilités. Des yeux calmes, mais derrière lesquels se cachait une fatigue constante, non pas due au travail, mais à une tension intérieure. Il portait des lunettes strictes, à fine monture métallique, quil ôtait pour se frotter nerveusement larête du nez lorsquil était troublé. Sa tenue était modeste : chemises discrètes, pantalons classiques. Rien dostentatoire.

Maximilien fuyait les foules bruyantes. Le flirt, les intrigues de bureau tout cela lui était étranger, énergivore. Son élément, cétait le silence, lordre, une concentration profonde. Il redoutait les conflits au point den avoir la nausée, préférant se taire, reculer, pour éviter laffrontement.

Pourtant, en lui résidait une forteresse intérieure inébranlable, bâtie sur lamour de sa famille. Hélène et les enfants nétaient pas seulement une part de sa vie ils en étaient le sens. Sa fidélité nétait pas une vertu affichée, mais un besoin viscéral, aussi naturel que respirer.

Sophie sintéressa à lui dès le premier jour. Il était le seul à ignorer ses manèges. Le séduire ne serait pas quune conquête masculine cétait une nécessité vitale. Elle devait prouver au monde, et à elle-même, quelle était désirable. Gagner lamour dun homme marié, inaccessible, en était lultime preuve. Si un homme aussi « irréprochable » tombait à ses pieds, alors elle valait quelque chose. Et son expérience lui soufflait que derrière chaque façade de « parfait père de famille » se cachait un mensonge.

À peine deux semaines après son arrivée, Sophie confiait à son amie Aurélie, les yeux brillants, ses sentiments pour Maximilien. Celle-ci lécoutait avec une inquiétude croissante.

Encore un marié ? Sophie, arrête. Et en plus, il a deux enfants.

Des détails ! Il est malheureux, je le vois bien. Enfermé dans une cage dorée. Sa femme cette Hélène elle ne le comprend pas. Elle lui offre un confort matériel, mais son âme étouffe !

Quest-ce qui te fait dire ça ? Tu la connais ? Tu les as vus ensemble ?

Je nai pas besoin de les voir ! Je le vois, lui. Il est si parfait, si contrôlé Ce nest pas normal ! Ça cache forcément une souffrance. Il a peur de se lavouer. Je veux laider. Lui révéler sa vraie nature.

Sophie, ma chérie, tu parles comme lhéroïne dun mauvais roman. Tu ne veux pas l« aider ». Tu le veux parce quil est inaccessible. Mais ce nest pas un jeu, cest la vie des autres !

Tu ne comprends pas, Aurélie. Cest ma vie à moi ! Je sens que nous sommes faits lun pour lautre. Il sest perdu. Et sa « famille parfaite » je suis sûre quil y a des failles. Rien nest jamais parfait. Et je le prouverai, tu verras. Je trouverai la preuve.

***

Le déplacement à Lyon fut une épreuve pour Maximilien. Et devinez qui sétait portée volontaire pour laccompagner ? Face aux clients, Sophie était dune professionnalité irréprochable, et Maximilien se détendit presque. Mais tard dans la soirée, on frappa à sa porte.

Il y a un courant dair dans ma chambre, le radiateur est glacé, déclara Sophie, enveloppée dans son peignoir, mais de manière à laisser deviner la soie de sa chemise de nuit.

Le cœur de Maximilien chuta. Une panique épaisse lui serra la gorge. Il imagina le visage dHélène, ses yeux calmes et confiants.

Attends, je vais te donner une couverture, bredouilla-t-il en se détournant vers larmoire. Tiens, prends ça.

Sophie fit la moue, mais accepta.

On dirait que tu tes enfermé toi-même dans une cage et as perdu la clé, lança-t-elle en partant. Dommage. Il faut savoir se détendre, prendre du plaisir. Je suis sûre quun autre homme se cache en toi.

Maximilien ferma la porte et y appuya son front, sentant son sang battre à ses tempes. Il éprouvait non seulement un soulagement, mais aussi une étrange pitié pour elle, pour lui-même, pour cette situation absurde.

De retour, Sophie sembla loublier. Maximilien commença à respirer. Mais deux semaines plus tard, elle lui demanda de la raccompagner. À contrecœur, il refusa.

Je te dégoûte à ce point ?

Tu es brillante et fascinante, dit Maximilien. Mais jaime ma femme. Jai une famille

Donc cest juste ça ? Une étincelle dangereuse salluma dans son regard.

Non Il hésita, cherchant les mots justes, mais Sophie avait déjà disparu. Il regretta aussitôt son manque de fermeté. Et il avait raison.

Cette nuit-là, il fut réveillé par une secousse violente. Le sommeil brouillait encore son esprit, mais le chuchotement furieux dHélène le transperça.

Maximilien, tu as perdu la raison ? Quelle est cette femme qui tenvoie de telles photos au milieu de la nuit ?

Il sassit, le cœur battant. Sur lécran du téléphone : Sophie, dans une pose provocante, vêtue seulement de dentelles

Hélène, ce nest pas ce que tu crois ! Sa voix se brisa. Il lui raconta tout, depuis le début, sans cacher son embarras.

Hélène garda longuement le silence avant de soupirer.

Mon naïf petit ours, murmura-t-elle, un mélange étrange de colère et de tendresse dans la voix. Bon, je te crois. Parce que je sais que tu es incapable dune trahison aussi stupide. Mais dis-lui ceci : si elle recommence, je viendrai au bureau et je lui ferai un spectacle dont on parlera plus que des feuilletons.

Maximilien acquiesça dans lobscurité. Le lendemain, il convoqua Sophie dans une salle de réunion. Elle entra, rayonnante, comme sattendant à une reddition.

Sophie, tu as franchi toutes les limites, commença-t-il, sefforçant de garder la voix stable.

Oh, arrête, elle sapprocha, tendant la main vers sa joue. Elle ne te mérite pas. Crois-moi.

Maximilien recula, la laissant suspendue.

Que veux-tu dire ?

Que ta vie parfaite est un mensonge, sa voix devint doucereuse et vénéneuse. De lextérieur, tout semble idyllique : une femme aimante, une petite princesse, un héritier

Nous sommes heureux. Heureux ? Vraiment ? elle sourit, glaciale. Jai vu les relevés de ton compte. Les fleurs, les bijoux tous expédiés à une adresse que tu ne connais pas. Ton secret nest pas si bien caché, Maximilien.

Il pâlit, les doigts crispés sur le bord de la table.

Tu as fouillé dans mes affaires ?

Jai cherché la vérité. Parce que moi, au moins, je ne me cache pas derrière une apparence de vertu. Toi, tu mens à tout le monde. À elle. À tes enfants. À toi-même.

Le silence sépaissit. Puis il baissa les yeux, non pas de honte, mais dune tristesse infinie.

Tu as raison, murmura-t-il. Je mens. Mais pas comme tu crois. Ces cadeaux ils ne sont pas pour une maîtresse. Ils sont pour la tombe de notre première fille. Celle qui est morte trois jours après sa naissance. Celle dont personne ici ne sait rien. Hélène elle ne voulait pas que ça sébruite. Trop de douleur.

Sophie recula, le visage décomposé.

Je je ne savais pas.

Non, tu ne savais pas, dit-il doucement. Tu nas rien cherché, tu nas rien compris. Tu as vu un homme fidèle et tu las pris pour un hypocrite. Mais la vérité, cest que je reste fidèle à une promesse faite devant une tombe, pas seulement à un mariage.

Il se leva, le regard las mais ferme.

Va-ten, Sophie. Sil te plaît. Ne rends pas son souvenir plus lourd encore.

Elle ne répondit pas. Elle sortit, et cette fois, ce fut elle qui ne revint pas.

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