Elle est partie à la campagne et a trouvé le bonheur.

Elle a quitté la ville pour le village et a retrouvé le bonheur.

Amandine rangeait ses affaires à la hâte, les mains tremblantes, les larmes prêtes à couler. Après vingt années de mariage, son époux, Pierre, lui annonçait quil partait avec une autre, jeune et joyeuse, loin de la femme fatiguée par le travail, les tâches ménagères et léducation des enfants.

Les enfants, déjà grands, ne revenaient plus souvent: le fils étudiait à Lyon, la fille sétait mariée et vivait à Bordeaux. Amandine se retrouvait seule dans un grand appartement qui, dun coup, semblait vide et étranger.

Sans réfléchir, elle jeta ses effets dans une valise, sans se demander ce quelle emportait. Peu importait; elle ne voulait quune chose: fuir, se cacher de la douleur et de lhumiliation.

Le téléphone sonna alors quelle fermait la valise. Le nom de sa vieille amie safficha à lécran, et elle poussa un soupir. Elle navait aucune envie de parler.

«Allô?», réponditelle dune voix sèche.

«Amandine, salut! Jai entendu Comment vastu?», senquit Sylvie, inquiète.

«Comme dhabitude, je fais mes bagages.»

«Où comptestu aller?»

«Je ne sais pas, je ne peux plus rester ici.»

«Tu as ce petit cottage à la campagne, celui de ta grandmère, tu en as parlé souvent. Pourquoi ne pas y aller?»

Amandine resta figée. En effet, elle possédait une vieille maison à la campagne, héritée de sa grandmère maternelle. Ils y allaient quand les enfants étaient petits, puis avaient arrêté. Pierre jugeait la vie rurale ennuyeuse, préférant les vacances à la mer.

«Sylvie, tu es un génie!», sexclama Amandine. «Cest là que jirai!»

«Cest habitable?Il y a le chauffage?»

«Il y a un poêle à bois et lélectricité. Cest tout ce quil me faut.»

Une heure plus tard, elle prenait le TER en direction de La ChapellesurLoue, à cinquante kilomètres de Paris, un autre monde.

Le village laccueillit dans le silence et le parfum de lilas. Le cottage, au bord des vieux pommiers, se tenait à la lisière du chemin. Amandine poussa la porte grinçante du portail et pénétra dans la cour.

Tout semblait abandonné: lherbe hautement, le porche penché, une fenêtre brisée. Elle poussa un long soupir. Que feraitelle ici? Comment survivraitelle? Elle était citadine, habituée au confort.

«Qui est là?», retentit une voix rauque. Une vieille femme courbée, appuyée sur un bâton, apparut derrière la maison.

«Bonjour,», balbutia Amandine, «je suis la petitefille de MarieLéa, cest sa maison.»

«La maison de Marie?Tu tappelles Amandine, alors?»

«Oui,», réponditelle, «et vous?»

«Je mappelle Priscille, voisine. Nous étions amies avec votre grandmère. Pourquoi êtesvous venue?»

«Je vais y vivre,» déclaratelle, surprise dellemême.

«Vivre?Ce lieu est décrépi, il faut des réparations. Vous êtes citadine, nestce pas?»

«Je verrai,» répliqua Amandine, puis sélança vers la porte.

La clé était dans sa valise. Elle ouvrit la porte: une odeur de moisi et de poussière, des meubles recouverts de peluches, le poêle dans le coin, une table, deux lits, des photos jaunies sur les murs. Lune montrait sa grandmère, jeune et radieuse.

Assise sur le lit, elle éclata en sanglots. Pour la première fois depuis longtemps, elle laissa couler ses larmes, libérant colère et peine.

Peu à peu, les larmes se tarirent, laissant place à une étrange quiétude. Dans ce vieux logis, elle se sentait à labri du monde, invisible aux jugements.

Le lendemain, le chant des oiseaux la réveilla. Le soleil inondait la fenêtre. Elle se lava à leau froide puis sortit dans la cour.

«Bonjour, voisine», lança Priscille, tenant un sac de pain, de lait et quelques pommes de terre.

«Bonjour,», répondit Amandine.

«Tu as faim, je tai apporté de quoi manger. Le magasin est loin.»

«Merci, vous êtes très gentille.»

Priscille sourit. «Les voisins doivent sentraider. Par où commencer?»

«Par le ménage,» proposaelle. Elles passèrent la journée à balayer, à essuyer, à aérer. Le soir, Amandine, épuisée, ressentit une satisfaction nouvelle.

«Demain on vérifiera le poêle, il fera encore froid en mai,» conseilla Priscille.

Amandine acquiesça, comprenant que la vie à la campagne demandait un travail constant, mais cela la rassurait.

Les jours suivants, elles réparèrent le poêle, remplacèrent la vitre cassée, renforcèrent le porche. Amandine apprit à cuisiner au feu de bois, à puiser leau du puits, à chauffer le sauna. Ses mains se couvraient descarres, son dos le faisait souffrir, mais son corps shabitua peu à peu à leffort.

Un soir, Priscille fit entrer une femme nommée Camille, bibliothécaire du village.

«Enchantée, je mappelle Camille, je travaille à la petite bibliothèque. Jai entendu parler de vous, je voulais faire connaissance.»

Amandine sourit. Elles discutèrent du travail dAmandine, comptable, et de son diplôme en économie. Camille proposa: «Nous manquons de professeurs de mathématiques à lécole. Vous pourriez aider, au moins temporairement.»

Amandine était surprise, mais lidée la séduit. Elle accepta.

Une semaine plus tard, elle se tenait devant une classe de quinze enfants, de différents âges, dans une école à lancienne.

«Bonjour, les enfants,» balbutiat-elle, «je mappelle Amandine, je vais vous donner des leçons de maths.»

Les élèves, dabord méfiants, posèrent de curieuses questions. Au fil de la séance, Amandine découvrit un plaisir insoupçonné à enseigner.

Ainsi, la vie rurale sentremêlait: lécole, le potager quelle refaisait revivre, les rencontres avec les voisins. Son téléphone restait muet; son fils envoyait quelques messages, sa fille appelait parfois. Elle répondait simplement: «Tout va bien ici.»

Loin de la ville, les souvenirs du passé perdaient leur mordant.

Un jour, le fermier du coin, Jacques Leclerc, entra dans la cour, grand, épais dépaules, une barbe généreuse.

«Amandine, puis-je masseoir?», demandat-il en sagitant.

«Avec plaisir, Jacques, un thé?»

Ils sassirent, dégustèrent du thé au miel et parlèrent de ses terres, de ses projets.

«Jai besoin dun(e) assistant(e) comptable. Mon exploitation se développe, les papiers saccumulent. Vous pourriez maider?»

Amandine réfléchit. Cétait une offre inattendue mais attrayante.

«Je vais y réfléchir,» réponditelle.

Deux jours plus tard, elle accepta. Ses journées se partageaient entre lécole le matin et la ferme laprèsmidi, tandis que les soirées lui appartenaient.

Jacques proposa aussi son aide pour le potager.

«Vous avez laissé le sol en friche,» ditil, «je peux passer avec mon tracteur.»

Il revint le lendemain, laboura le terrain, puis ils plantèrent pommes de terre, carottes et oignons, en riant et parfois en se chamaillant.

«Le clôture est en ruine,» observa Jacques.

«Je nai pas dargent pour la reconstruire,» admitelle.

«Je possède du bois, je peux la refaire, à condition que vous me nourrissiez de vos plats,» plaisantail.

Elle accepta avec un sourire. Tout le village se joignit aux travaux: Priscille, son fils, Camille et leurs conjoints, tous ensemble bâtirent la nouvelle clôture. Le soir, ils organisèrent une petite fête autour dun tonneau de cidre maison.

«À la nouvelle maison!», lança Jacques.

«À la nouvelle vie!», ajouta Camille.

Amandine se sentit enfin à sa place, entourée de gens simples, sincères, prêts à se soutenir.

Lautomne, son exmari Pierre arriva en voiture de luxe, stoppé devant le portail.

«Amandine, je peux entrer?»

Elle se redressa, essuya ses mains sur son tablier, et hocha la tête. Pierre entra, étonné par le décor rustique.

«Tu vis ici?» demandatil.

«Oui.»

«Mais pourquoi? Ta ville, ton appartement, tout le confort»

«Jaime cet endroit,» réponditelle simplement.

Pierre la regarda, remarquant son teint plus hâlé, sa silhouette plus légère, un éclat différent dans les yeux.

«Tu sembles différente,» commentatil.

«Je le suis,» répliquatelle, «tu veux du thé?»

Ils sassirent sur la véranda, buvant du thé à la confiture de cassis. Pierre parla de sa nouvelle vie, mais cela nébranla plus Amandine.

«Je suis revenu parce que je taime encore, je veux que tu reviennes,» avouatil.

Amandine le regarda, sereine.

«Merci pour ces mots, mais ma maison est ici,» ditelle doucement. «Ici il ny a pas de théâtre, ni de grands magasins, mais il y a la vraie vie et de vraies personnes.»

Pierre, déconcerté, ne sut quoi répondre.

«Notre mariage sest terminé quand tu es parti,» déclaratelle sans amertume. «Si tu nétais pas parti, je ne serais jamais devenue moimême.»

Il repartit, et elle retourna à son potager. Jacques arriva avec un panier de pommes.

«Amandine, voici des pommes!» sécriatil, «Antoinette, les plus sucrées!»

«Merci, Jacques, tu maides à cueillir les carottes?»

«Avec plaisir, tout ce que tu veux.»

Le soleil déclinait, teintant le ciel de rose, lair parfumé darômes de fruits et de feuilles mortes.

«Qui est venu en ville?» demanda Jacques.

«Mon exmari, il voulait me rappeler à la ville.»

«Et tu as refusé?»

«Oui, je suis heureuse ici.»

Jacques sourit et reprit son travail. Plus tard, il sapprocha delle.

«Samedi prochain, le club organise un concert au centre villageois, puis une soirée dansante. Tu veux y aller avec moi?»

Amandine, émue, accepta.

Le samedi soir, elle revêtit sa plus belle robe, simple mais élégante. Jacques arriva, bouquet de fleurs sauvages à la main.

«Vous êtes ravissante,» ditil.

Le concert fut chaleureux: chants populaires, poèmes, danses. Jacques linvita à la valse. Il était maladroit mais sincère, ses bras forts et protecteurs.

«Amandine, je suis un homme simple, sans les manières de la ville, mais je suis tombé amoureux de vous.»

Elle le regarda, grand, un peu gauche, aux yeux doux, et sentit son cœur battre.

«Moi aussi, Jacques,» murmuratelle.

Ils dansèrent jusquau bout de la nuit, puis il la raccompagna à la porte.

«Puisjeje peux revenir demain?»

«Venez, je vous attendrai,» répondittelle.

Elle resta longtemps à la fenêtre, le regardant séloigner, fort, fiable, et réalisa quelle était enfin vraiment heureuse.

Lhiver recouvrit le village de neige. Jacques déblayait les allées chaque matin. Leurs soirées se succédaient autour dun thé, de discussions et de projets.

Camille, un jour, commenta:

«Vous formez un beau couple, vous pensez à vous marier?»

Amandine rougit:

«Nous ne sommes que des amis.»

Camille sourit:

«Des amis qui se regardent avec des yeux damoureux.»

Au printemps, Jacques fit une proposition simple, sans fioritures.

«Mariezvous avec moi, Amandine. Je taime.»

Elle accepta, répondant de la même façon.

Le mariage fut célébré avec tout le village. Les enfants dAmandine, son fils et sa fille, arrivèrent, dabord surpris, mais heureux de voir leur mère si épanouie.

«Limportant, cest que tu sois heureuse, maman,» déclara la plus jeune en la serrant dans ses bras.

Amandine vivait désormais pleinement: école, ferme, maison, soirées au feu de cheminée, tout remplissait ses journées de sens.

Parfois, elle repensait à sa vie antérieure, à la frénésie de la ville, aux conversations vaines. Elle comprit enfin que le bonheur, cest être à sa place, faire ce quon aime, entourée de personnes qui nous aiment vraiment.

Elle était partie pour fuir la douleur, et avait trouvé lamour et ellemême. Elle était enfin heureuse, comme on le lit dans les romans: simple, lumineuse.

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Elle est partie à la campagne et a trouvé le bonheur.
Marié, et heureux de l’être !