MARGAUX : Une aventure captivante au cœur de Paris

Regarde, petite, si tu apportes ce panier au seuil, tu voleras. Voilà la mise en garde de la grand-mère à Adélaïde. Elle ne sattendait pas à davantage de reproches de la part de sa mère. Depuis toute petite, on lui racontait que sa mère lavait «perdue» dans les méandres du passé.

Cinq ans avec Michel, pas denfants, puis un voyage au bord de la mer où elle revint avec ce bébé, disait grandmère sans détours. Peu importe les arguments qui prouvaient que la mère était partie trois ans avant la naissance dAdélaïde, accompagnée de la sœur de la grandmère, Nadine, rien ny changeait. Grandmère narrêtait de répéter quAdélaïde était une «enfant égarée».

Le père, Henri, scrutait la mère comme un loup. Que pouvaitil faire dautre, quand chaque jour on lui rappelait que la «bonne femme» élevait les enfants? La maison était grande, le père, à la mort de son père, navait pas quitté la famille, il devait prendre soin de ses parents. La bellemère naimait pas la bru, elle la mépriserait même devant le fils. «Elle ne me convient pas,» disaitelle. Le fils, obstiné, répliquait: «Je laime, cest tout.»

Ainsi, la petitefille dune bellemère hostile grandit, aimée par sa propre mère mais toujours perçue comme étrangère. Sa propre fille, au contraire, était un trésor : douce, belle, aimée de tous, alors que la petitefille, rebelle et farouche, semblait cracher du venin comme un loup blessé.

Un jour, la petitefille arriva, appelant grandmère «ma petitefleur», et cette dernière la regarda dun œil méprisant, comme si le sang ne lui appartenait pas. Elle ne savait pas où la placer ni quoi lui donner à manger.

Ma chère, voici des concombres,
Je ne veux pas, ils sont amers,
Daccord, répondit grandmère, amers comme toi, lâche. Mariane, Mariane, ne laisse pas le pauvre enfant mourir de faim. Voici du lait, du pain.

Le pain est dur, protesta la fillette,
Il lest, insista la grandmère. Mariane, tes pains sont comme des pierres. Grandmère ne pouvait plus regarder sa petitefille, elle la poussait à se débattre, à sétirer jusquà lépuisement.

Il y aura une maison pour ma petitefille, la seule, déclaratelle, ou bien je laisserai ce sang sans abri? Que tes parents soccupent delle, ou prendsen soin toimême, tu seras prête.

Ainsi vivait Adélaïde. Un jour, elle décida de se rendre à Lyon pour passer les concours. La grandmère lui donna ces mots davertissement avant le départ.

Adélaïde étudia avec enthousiasme, curieuse, pleine dénergie. Tout lenchantait dans la ville: les filles en robes élégantes, les garçons galants, les cafés animés. Elle voulait montrer à sa mère toute la beauté de la vie urbaine, mais comment lemmener avec elle? Le père et la grandmère sopposèrent, comme un serpent vieux et venimeux qui refuse de lâcher prise. Ainsi, Adélaïde ne revenait quà la suite de la mère.

Elle se lia damitié avec la responsable du dortoir, AnneSophie, dont le fils, déjà adulte, vivait dans le Nord avec ses deux petitsenfants. «Appellela», disaitelle, «elle reste ici.» AnneSophie la présenta comme la fille dune mère qui serait convoquée à une réunion de parents. «Après une année détudes, où était la mère?» demandaton. Le père grogna, la grandmère lança une critique: «Cette fille traîne avec les garçons au lieu détudier.»

La mère craignait les reproches, mais les professeurs louèrent la fille, la mère, ravie, retrouva la fierté. Adélaïde montra le dortoir à sa mère, rencontra AnneSophie, et toutes deux devinrent rapidement amies.

Ne soyez pas timide, Mariane, Marie,
Les femmes passèrent la nuit autour dun thé, et Marie raconta tout.

Ah, Anne, toute ma vie jai été bonne à la maison, je nai jamais eu denfants, le père et la mère ne se soucient pas du petit, mais sans enfant, que vaut le foyer? Je suis toujours une élève assidue, je voulais vivre en ville, aller à la bibliothèque, mais le destin ny était pas fait.

Merci à ma fille de mavoir montré la ville, je ny étais jamais allée depuis tant dannées

Vraiment, vous croyez que le bonheur mattend?
Bien sûr, si tu restes en ville. Sinon, je vivrai toute ma vie en attendant quun bon mari arrive.

Quel est votre métier, Marie?
Je suis comptable, cela fait quelques années que je travaille ainsi.

Vous êtes donc lettrée?
Oui, jai étudié, je voulais tant vivre en ville

Alors, quattendezvous, Marie? Déménagez, proposa AnneSophie.

Daccord, Anne, je veux étudier

Les femmes chuchotaient entre elles. Marie rentra chez elle, où la bellemère la critiquait sans cesse, le mari la regardait comme un loup, deux fois il la giflait. Elle se précipita au travail, masquant les bleus. Elle semblait ailleurs, perdue dans ses pensées.

Le mois suivant, elle revint à la réunion dAdélaïde.

La fille ne travaille plus, elle se laisse aller, elle traîne avec Michel, il la ramènera au panier.
Michel aussi a trouvé quelquun, regarde, je lexpose, je le couvre de mensonges, il senfuira, honte

Cette fois, Michel frappa Marie violemment. Elle eut tellement peur quelle courut à lofficier de police avec trois saucisses, du sang et un morceau de lard. Michel, toujours à tourner autour de sa femme, ne cessait de senrouler.

Marie, épuisée, regarda son mari, la cour, la maison qui nétait plus la sienne après un quart de siècle de labeur. Si Michel venait à mourir, ce serait elle qui serait poussée à la rue. Elle rassembla quelques effets, fit une plainte, fut libérée sans préavis. Tout le monde resta sous le choc.

Adélaïde sauta de joie.

Maman, cest vous?
Je suis ton enfant, je nai plus la force, mon corps est couvert de bleus.
Oh, maman, pleura la jeune fille.
Ça ira, ne ten fais pas, AnneSophie taidera.
Maman, reviendrastu?
Non, répondit Marie, pour que tu puisses vivre mieux.

Marie trouva un emploi dans une usine comme comptable, obtint une chambre dans le dortoir, et recommença à fleurir. Le soir, elle se promenait avec Adélaïde. Le village remarqua leur présence, et Michel, furieux, leur lança :

Marie, je viens te chercher.
Jy vais pas avec toi, réponditelle, jen ai assez.

Michel gronda, mais Marie navait plus peur, elle était transformée.

Ne tépuise pas, Marie, ce nest pas la fin du monde.
Pars, Michel, je vais appeler la police.
Tu vas appeler la police?
Oui, ils nous ont trompés il y a un mois.
Quoi?
Tu nas pas reçu la lettre?
Non, réponditil, désolé.
Alors, pardonnemoi, ditil.
Tu es comme ce loup qui aime une brebis, il ne peut pas aimer autrement.
Cest ma faute, grognatil.
Pars
Tu ne reviendras pas?
Non.
Tu le regretteras.
Pars.
Je partirai, mais ne compte pas revenir, je ne taccepterai plus, Maroussia.

Plus tard, Adélaïde demanda :

Reviens, Maman? La vieille mère ne tient plus, ils sont fatigués
Non, ne compte pas sur moi, Michel.

Le père, Henri, senfonça dans lalcool, cria à la mère, acheta de la vodka et but.

Maman
Que veuxtu, Michel?
Une lettre est arrivée avec un sceau à mon nom?

Il garda la bouche bée, les yeux perdus, les mains tremblantes.

Une semaine plus tard, Michel revint avec Katia, une nouvelle épouse. Elle réorganisa la maison, imposa ses règles, et la vieille grandmère fut repoussée. Katia, cruelle, manipulait tout, et la petitefille, Eloïse, fut traitée comme une intruse.

Les habitants racontaient que Marie vivait en ville, toute fière, et que son mari, jaloux, tentait de la retenir. La fille de Katia, Béatrice, épousa un autre, laissant la petitefille sans avenir. Elle partit pour la ville, espérant y trouver le bonheur.

Au final, chacun se battait pour sa place, mais les querelles et les trahisons nont fait que vider les cœurs. La morale qui sen dégage: le vrai bonheur ne naît pas de la puissance ou de la vengeance, mais de la capacité à pardonner, à soutenir ceux qui nous sont chers et à bâtir, ensemble, un avenir où la compassion lemporte sur légoïsme.

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