– Démissionne en bons termes, je vais prendre ma nièce étudiante à ta place, a déclaré la patronne après mon voyage d’affaires.

Démissionnez à lamiable, je placerai ma niècestagiaire à votre place, déclara la directrice dès mon retour de mission.
Démissionnez à lamiable, je placerai ma niècestagiaire à votre place, Madame Marion Bernard me fixa du regard, sans la moindre trace de gêne, comme si elle navait rien dit dincroyable. Rédigez votre lettre de démission, je signerai dexcellentes recommandations. Tout le monde y gagnera.

Jétais encore à lentrée de son bureau, où je nétais entrée quune minute plus tôt. Je navais pas eu le temps de masseoir. Je revenais dune semaine de déplacement où javais littéralement sauvé un projet crucial, et voilà quon me demande de «démissionner à lamiable».

Pardon, je ne comprends pas, ma voix résonna, lointaine. Que veutelle dire, «démissionner» ? Pourquoi?

Madame Bernard soupira, comme si elle expliquait lévidence à un enfant.

Anne Dupont, passons aux faits. Rien de personnel, cest du business. Ma nièce, Célestine, termine ses études déconomie, elle a besoin dun poste avec perspective. Votre fonction serait idéale pour elle.

Mais je travaille ici depuis six ans! les mots méchappèrent deuxmêmes. Et je viens de boucler le contrat à Lyon avec un client qui a signé pour trois ans

Jai bien noté vos succès, elle tapota nerveusement son stylo sur la table. Cest pourquoi je vous propose de partir en bons termes, avec des références. Je ne veux pas entacher votre carrière.

Cette phrase sonnait comme une menace voilée ; mes doigts sengourdissaient.

Vous ne pouvez pas me licencier sans motif, ma voix trembla, mais je tentai de rester ferme. Cest illégal.

On trouve toujours un prétexte, Marion se pencha dans son fauteuil. On peut déclencher un audit surprise, relever des erreurs, réduire le poste, le recréer avec dautres fonctions Mais pourquoi compliquer? Rédigez votre démission, vous recevrez lindemnité de congés non pris et de bonnes recommandations.

Je restai muette, tentant dassimiler la situation. Six ans de travail sans faute, deux promotions, des heures supplémentaires régulières, et soudain on me dit: «Démissionnez, ma nièce prendra votre place».

Il me faut réfléchir, finisje enfin.

Bien sûr, elle sourit, comme si elle navait rien bouleversé. Vous avez trois jours. Vendredi, jattends votre décision.

Je sortis du bureau, les jambes fatiguées. Les collègues lançaient des regards curieux, sûrement remarquant mon état. Dans notre service marketing, nous étions cinq, sans compter Madame Bernard. Tous se connaissaient depuis des années.

Anne, ça va? demanda doucement Claire en me voyant à mon poste. Vous avez lair pâle.

Tout va bien, répondisje machinalement en allumant mon ordinateur. Un peu fatiguée après le déplacement.

La journée sécoula comme dans le brouillard. Je répondais à des courriels, rédigeais le compterendu de ma mission, échangeais avec les clients, le tout en pilote automatique. Mes pensées tournaient autour de la conversation avec la directrice. Comment estce possible? Pour quelle raison? Que deviendraisje si je partais? Reprendre à quarantedeux ans nétait pas une perspective réjouissante.

Le soir, chez moi, je laissai enfin couler les larmes, assise à la cuisine avec une tasse de thé refroidi, comme la première fois après mon divorce il y a dix ans. Jappelai la seule personne à qui je pouvais tout confier: ma sœur aînée, Nathalie.

Elle a vraiment dit ça? sindigna Nathalie en entendant mon histoire. En plein texte? Cest du harcèlement!

Exactement, rétorquaije. Jai dabord cru que javais mal entendu.

Vous avez déjà eu des conflits?

Aucun, secouaije la tête, même si elle ne pouvait pas le voir. Elle mappréciait toujours. Ou faisaitelle semblant? Je ne sais plus

Écoute, ne rédige pas de démission volontaire. Commence à consigner chaque échange. Si elle te met la pression, enregistrela. Relis le Code du travail et ton contrat, vérifie tes droits.

Doisje me battre? soupiraije. Ou partir? Je ne veux plus travailler où je ne suis pas valorisée.

Il faut se battre! sexclama Nathalie. Ne la laisse pas técraser. Aujourdhui, tu cèdes, demain on te refusera ailleurs. Défendstoi.

Je promis de réfléchir, mais mon cœur était lourd. Nathalie était toujours la combattante, persévérante, prête à se défendre. Moi, je fuyais les conflits, je cherchais le compromis. Peutêtre étaitce cela qui avait poussé Marion à me viser plutôt que quelquun dautre?

Le lendemain, je suis arrivée au bureau avant tout le monde. Jai passé en revue tous mes rapports des derniers mois, cherchant le moindre défaut sur lequel on pourrait sappuyer. Jai relu mon contrat, rappelé mes missions. Les collègues arrivaient peu à peu, et jai feint la normalité: sourires, anecdotes sur la mission, quelques blagues. Mais à lintérieur, lanxiété se resserrait.

Vers midi, une jeune femme blonde, dune vingtaine dannées, élégamment vêtue, entra dans le service avec un sac de créateur.

Bonjour, je suis venue voir Madame Marion, annonçatelle à la réceptionne, tout en parcourant lespace.

Célestine! sexclama Madame Bernard en sortant de son bureau. Entre, ma chère.

Mon cœur se figea en entendant ce prénom. Cétait bien la nièce dont il était question. Elle savança vers mon poste, et une vague de colère me submergea.

Elles restèrent près du bureau près dune heure. En sortant, Marion présenta la jeune femme à léquipe.

Voici Anne Dupont, notre cheffe de marketing, annonçaelle avec un sourire qui faisait comme si rien ne sétait passé.

Enchantée, dit Célestine en me serrant la main. Jai entendu parler de vos réussites.

Je lui serrai la main mécaniquement, remarquant son manucure impeccable et ses montres luxueuses. La colère bouillonnait, mais je me maîtrisai.

Tout le plaisir est pour moi, murmuraije.

Après leur départ, Claire sapprocha de mon siège.

Que se passetil, Anne? demandatelle à voix basse. Cest déjà la deuxième fois quelle vient. La dernière fois vous étiez en déplacement, elle a passé deux heures avec Marion, puis elles sont allées déjeuner.

Cest ma nièce, répondisje sèchement. Elle vient travailler ici.

Mais il ny a pas de poste vacant, sinquiéta Claire. Vous ne pensez pas quils vont réduire léquipe?

Je gardai le silence, hésitant à évoquer la discussion dhier. Dun côté, Claire était mon amie et me soutiendrait, de lautre, je ne voulais pas lentraîner dans ce drame.

Le soir, je réfléchis longtemps à ma décision. Partir à lamiable? Cest injuste. Résister? La directrice avait clairement indiqué quelle trouverait un moyen de me pousser hors du poste.

Le matin suivant, jappelai Nathalie pour lui demander un bon avocat spécialisé en droit du travail.

Enfin! sexclama ma sœur. Ma connaissance, Maître Élisabeth Marchand, est la personne quil te faut. Je tenvoie son numéro.

Élisabeth Marchand, quinquagénaire au regard perçant et à la posture décidée, mécouta, posa quelques questions précises et entra tout de suite dans le vif du sujet.

La situation est sale, mais courante, constatatelle. Bien que vous nayez pas encore déposé de lettre, je recommande: installez une application denregistrement sur votre téléphone, allez voir Marion, demandez les raisons précises de ce renvoi, notez tout. Enregistrez la conversation.

Estce légal? doutaije.

En droit français, vous pouvez enregistrer vos propres conversations sans prévenir linterlocuteur, acquiesçatelle. Cela pourra servir de preuve si laffaire se poursuit.

Je rentrai chez moi, décidée à suivre le plan de lavocate. Jinstallai lapplication, préparai une série de questions, et même répétais mon discours devant le miroir.

Le mercredi suivant, au terme de la période de «réflexion», je frappai à la porte du bureau de Marion.

Entrez, retentit la voix derrière le panneau.

Elle était absorbée par son ordinateur, ne levant même pas les yeux.

Madame Bernard, puisjevous parler? lançaije, activant lenregistrement.

Si cest rapide, jai une réunion, leva enfin les yeux. Vous avez décidé?

Jaimerais savoir pourquoi vous avez choisi ma nièce pour me remplacer, alors que mes indicateurs sont excellents, que les clients sont satisfaits, que mes collègues mapprécient, déclaraije clairement. Quelle est la vraie raison?

Marion se pencha en arrière, mobservant attentivement.

Anne, cest du business. Rien de personnel, comme je lai dit. Célestine est une jeune talentueuse qui a besoin dun premier poste. Vous avez atteint votre plafond.

Un plafond? tentaije de garder la voix calme. Que voulezvous dire?

Littéralement, vous êtes bonne, mais sans audace, sans innovation. Tout est dans le moule. Nous voulons du sang neuf, des idées fraîches.

Mais ma dernière campagne pour «TechnoStyle» a augmenté les ventes de trente pour cent, rétorquaije. Ce nest pas «sans audace»?

Un succès isolé ne suffit pas, balayatelle. Globalement, vous stagnez.

Donc la raison officielle serait une inaptitude professionnelle? précisaije. Alors pourquoi proposer une démission volontaire?

Marion claqua son stylo sur la table, irritée.

Parce que nous travaillons ensemble depuis six ans et je veux que cela se termine proprement. Mais si vous insistez pour des formules officielles, je vous les fournirai.

Marion Bernard, prisje une grande inspiration. Soyons franches. Nous savons toutes les deux que ce nest pas ma compétence qui est en cause. Vous voulez simplement placer votre nièce et vous débarrasser de moi. Cest illégal.

Illégal? ricanatelle. Vous me menacez?

Non, je constate les faits, répondisje calmement. Je ne déposerai pas de lettre de démission volontaire. Si vous voulez me licencier, trouvez un motif légal.

Marion me fixa dune colère à peine contenue, une expression que je navais jamais vue.

Très bien, finitelle. Dès demain vous serez sous contrôle strict. Chaque retard, chaque rapport non remis, chaque erreur sera noté. Nous verrons combien de temps vous tiendrez.

Je continuerai à travailler avec la même rigueur quen six ans, rétorquaije, sentant ladrénaline monter. Et je ne crains rien.

Vous êtes libre, répliquatelle en se retournant vers son écran. Cest fini.

Je sortis du bureau, les jambes tremblantes. Dune part, la peur me saisissait; dautre part, un souffle de fierté me traversait. Pour la première fois depuis longtemps, je ne me tairais plus, je ne fléchirai plus, je défendais mes droits.

Dans le couloir, Claire me saisit le bras.

Tu tes disputée avec elle? murmuratelle, remarquant mon visage résolu. Tu as lair déterminée.

Pas une dispute, jai simplement mis les points au clair, lui répondisje. Elle veut me licencier pour placer sa nièce.

Quoi! ouvritelle les yeux. Cest du harcèlement!

Exactement, confirmaije. Cest pourquoi je refuse de «partir à lamiable». Elle devra justifier son acte.

Toute la journée, je travaillais avec une précision accrue, revérifiant chaque rapport, chaque courriel. Je quittai le bureau à six heures précises, ni plus ni moins. En chemin, jenvoyai lenregistrement à lavocate.

Élisabeth me rappela une heure plus tard.

Excellent, louatelle. Vous avez clairement montré que le motif du renvoi était la mise à lécart de votre nièce. Les menaces de conditions insupportables sont également consignées. Préparezvous, elle essaiera de créer un échec.

Que doisje faire? demandaije.

Restez impeccablement professionnelle. Arrivez à lheure, exécutez chaque tâche, ne donnez aucun prétexte. Continuez à enregistrer chaque échange. Et surtout, ne vous laissez pas envahir par le stress.

Ce conseil fut le plus difficile à appliquer. Je passai une nuit blanche à envisager tous les scénarios possibles.

Le matin suivant, Marion mattendait à lentrée.

Anne, venez me voir quand vous serez libre, ditelle sèchement avant de séloigner.

Je me suis servie un café, allumé lordinateur, puis je suis allée la rejoindre, lenregistrement déjà lancé.

Vous vouliez me voir? demandaije.

Oui, elle me tendit un dossier. Voici la liste des remarques sur votre rapport de mission à Lyon. Vingttrois points. Corrigezles aujourdhui.

Jai ouvert le dossier, cétait effectivement une pluie de petites critiques, des coquilles, des formulations maladroites.

Bien, je corrige, acquieskaije.

Et maintenant, elle sortit un second dossier. Vous êtes dès aujourdhui sur le projet «MétalInvest». Tous les documents sont ici.

Je faillis métouffer. «MétalInvest» était le client le plus difficile de lentreprise, avec des exigences changeantes, des délais impossibles, et des plaintes récurrentes.

Mais ce projet était géré par Sébastien, tentaije de protester.

Désormais cest à vous, rétorqua Marion. Vous avez lexpérience, vous y arriverez.

Cétait un piège. Me confier le client le plus problématique, avec des objectifs irréalistes, était la meilleure façon de me mettre en échec.

Quand doiton livrer? demandaije, cherchant à rester calme.

Dans deux semaines, souritelle. Un problème?

Rien, acquieskaije. Je prendrai connaissance du dossier.

De retour à mon poste, je découvris le chaos : le client changeait de concept à chaque réunion, imposait limpossible, retardait les validations. En deux semaines, je devais accomplir ce que Sébastien narrivait pas à faire en deux mois.

Questce quelle vous a donné? demanda doucement Sébastien en passant.

Son «MétalInvest», répondisje.

Sébastien poussa un soupir.

Pauvre Elle te fait vraiment la misère.

Jen suis consciente, répliquaije. Mais je nai pas le choix.

Toute la journée, je jonglais entre la correction du rapport de Lyon et les exigences duFinalement, elle réalisa que la vraie force réside dans la dignité de défendre ses droits, car aucune manipulation ne peut étouffer une conscience éclairée.

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