L’AMITIÉ : Un Voyage au Cœur des Liens Inestimables

25octobre 2025

Aujourdhui, jai retrouvé Serge Michaud, mon vieil ami denfance, dans le vieux quartier de la CroixRousse à Lyon. Nous nous connaissons depuis plus dun siècle, au moins dans le sentiment que nous partagions. Il se tenait devant moi, le regard fatigué, et ma demandé un coup de main.

Serge, je comprends, mais réfléchis: tu as déjà tes vieux os. Où veuxtu que je temmène? Jai été directeur, et maintenant je te propose un poste de manutentionnaire? aije ricanné, en observant son crâne argenté.

Serge a hoché la tête, résigné.

Tiens bon, mon vieux Je tappellerai si je trouve quelque chose de convenable. Ne te décourage pas, on finira par sen sortir! laije lancé en partant.

Ce nétait pas le premier refus que je recevais depuis deux semaines. Jai fini par mhabituer et à garder mon sangfroid, même si au départ jétais découragé. On dit vrai que lamitié se mesure dans ladversité. Jai passé toute ma carrière à occuper des postes de responsabilité, à gérer des équipes. Jai de nombreux contacts, mais quand les difficultés sont réelles, aucun nest à mes côtés.

Comme cest souvent le cas, le nouveau directeur a amené ses propres collaborateurs. On ma poliment mais fermement suggéré de présenter ma démission volontaire. Il ne restait plus que quelques mois avant la retraite, mais cela na pas dérangé personne. Ainsi, je me suis retrouvé du jour au lendemain sans emploi prestigieux ni revenu.

Je nai pas laissé le désespoir prendre le dessus. À Lyon, je connais beaucoup de gens à qui jai déjà offert une aide, que ce soit pour un emploi, des études ou dautres problèmes.

Kirill ne mabandonnera pas! Je lai aidé à la bonne heure, » me disait ma femme Ludivine, en me préparant à un entretien dembauche.

Lentretien sest soldé par un froncement de sourcils et un silence pesant.

Encore un ami, ça ne veut rien dire, soupira-t-il.

Ludivine a immédiatement compris dans ses yeux que la journée était difficile.

Allez, Serge, assiedstoi, mange. Tout ce qui arrive finit par avoir un sens, » matelle dit en dressant la table.

Je lai remercié dun hochement de tête et, toute la soirée, jai consulté mon carnet de contacts, à la recherche du «plus» fiable.

Laide est arrivée quand je commençais à baisser les bras. Un ancien chauffeur, devenu directeur dune petite usine de charcuterie, ma proposé de devenir responsable des approvisionnements.

Je peux tembaucher, même si le poste est exigeant. Vous tiendrez le coup, a-t-il dit avec un sourire.

Heureux daccepter nimporte quel travail, jai commencé dès le lendemain. Lusine se situe en périphérie de la ville, derrière une haute palissade où deux vigoureux agents déchargent des camions de viande. Non loin de là, une bande de chats errants observe le spectacle, comme si cétait un rite sacré.

Avec un sourire, jai remarqué les félins à rayures qui, dun air hautain, déambulaient en faisant leurs allersretours entre les caisses. Plus tard, jai découvert que cétait une vraie «gang» de chats qui ne laissait personne sapprocher de leur territoire. Chaque fois que jessayais den caresser un, il senfuyait ou sifflait.

Ils sont durs ici, nestce pas? a ri le chef de cuisine, Zinaïda, en voyant la boulangère préparer les restes du repas.

Oui, même les chatons ne sont pas très câlins, a-t-elle ajouté en montrant deux petites boules à rayures.

Au fil des semaines, je me suis fait une place parmi les travailleurs et les chats. Ils ont fini par accepter ce vieil homme à la barbe blanche, surtout parce que je leur donnais régulièrement de la nourriture. Bien que je naie pas danimaux à la maison, jai toujours aimé les créatures et je cherchais à les aider.

Chaque fois que je sortais fumer dans la cour, les chats formaient une petite ronde autour de moi, scrutant mon visage à la recherche dun morceau de viande ou dune friandise.

Six mois se sont écoulés sans que je men rende compte. Lété chaud a laissé place à un automne gris et pluvieux. Les chats se cachaient davantage, mais ne manquaient jamais un repas.

Un jour, un minuscule chat noir, maigre, avec une tache dépourvue de poils dans le dos, est apparu. Il se tenait à lécart du groupe, comme rejeté par la bande, mais il a immédiatement capturé mon cœur. Alors que je fumais après le déjeuner, il est sorti de lombre, sest frotté contre ma jambe et a poussé un petit miaulement rauque.

Questce que cest que ce petit ? sestelle exclamée, la cuisinière, en le remarquant.

Les autres chats, indifférents, nont pas réagi ; ils sont tous rouxtachetés aux yeux jaunesverts. Le petit sest blotti contre mon pied et a ronronné.

Il est tellement affectueux, at-il dit en souriant.

On dirait quon nous a laissé un chat de maison, a rétorqué Zinaïda. Nos propres chats le regardent comme un intrus, mais il nest pas attaqué. Curieux que personne ne lait encore chassé, atelle ajouté.

Jai donné un morceau de saucisson au petit, puis quelques restes aux autres. Tous se sont jetés sur la nourriture avec avidité, tandis que le minou a léché mes mains avant de se nourrir.

Depuis ce jour, jai nommé le chat «Pâté», en hommage à mon métier de fournisseur. Ma femme ma demandé :

Tu vas le garder à la maison?

Non, ce nest pas un chat dappartement, aije répondu, un peu gêné.

Daccord, alors, restele ici, atelle suggéré, même si elle savait que je naime pas les animaux dans le salon.

Quelques semaines plus tard, alors que je rentrais du travail, jai entendu un cri familier :

Serge! Bonjour!

Cétait Pierre Dupont, un ami de longue date, qui se précipitait vers moi.

Alors, tu as trouvé du travail? atil demandé, me serrant la main.

Jai répondu dun hochement de tête froid, sans même sortir ma main de la poche, car javais compris le prix de notre amitié.

Tu es devenu un sauvage, atil ricanné avant de monter dans sa voiture pour fuir le froid.

Le petit Pâté, grelottant, était blotti sur le rebord de la porte du hangar, sa fourrure noire semblant des aiguilles de glace.

Ils tont pas laissé entrer? sestil plaint, pointant vers la petite cabane où les chats se rassemblaient.

Les yeux jaunes des félins brillaient, cherchant à savoir si je reviendrais les nourrir. Ce même jour, la radio annonçait une tempête de neige pour la nuit.

Le chauffeur qui mavait proposé de me raccompagner a finalement changé davis :

Je te ramène à lusine, Serge, atil dit en souriant, comme sil voulait me rappeler les bons moments.

Je suis sorti, la neige recouvrant déjà le sol dun manteau blanc. Jai crié :

Pâté! où estu?

Mais le minou était caché, les autres chats, méfiants, se sont retirés dans la cabane pour se réchauffer. Le vent hurlait et la neige tombait sans fin.

Au matin, comme le prédisait le bulletin météo, toute la ville était ensevelie sous la neige. Les habitants, embourbés, se plaignaient du gel.

Jai finalement offert une ration aux chats :

Prenez, ditje, Pâté vous salue.

Je ressentais une joie simple, comme quand jétais enfant, glissant sur les glissades avec mes parents. Peutêtre étaitce la neige qui réveillait ce sentiment.

Quand le petit chat, sortant de sa cachette à la dernière seconde, a bondi vers moi, je lai saisi et serré contre mon cœur.

Bravo, Pâté! Tu as enfin montré du courage, aije murmuré.

Ma femme, un peu amusée, a demandé :

Tu vas enfin le garder?

Oui, il a besoin de chaleur maintenant, aije répondu en le déposant sur le rebord de la fenêtre où il observait la ville blanche.

Aujourdhui, en écrivant ces lignes, je réalise que les amitiés les plus sincères naissent souvent de gestes simples. Que ce soit entre deux hommes ou entre un homme et un petit chat, la loyauté, la bienveillance et la confiance sont les seules monnaies qui comptent. Cest cette leçon que je retiens, comme le bruit du vent dans les rues de Lyon, qui jamais ne séteint.

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Olga, et ces kilos en trop, sont-ils vraiment les vôtres ?