Elle s’y connaît mieux

**Elle sait mieux**

Il y en avait une autre. Tiphaine.

La fille dune amie. Celle avec qui Éliane avait déjà imaginé lavenir de son fils, Matthieu. Une jeune femme calme, douce, docile. Comptable dans une entreprise sérieuse. Et surtout, elle comprenait parfaitement le lien unique entre une mère et son fils. Tiphaine avait même un jour déclaré : « Éliane, je vous consulterai toujours, vous le connaissez si bien. » Des mots si justes.

Mais cette Chloé ! Impossible de trouver un terrain dentente avec elle. À chaque offre daide, chaque conseil sur la meilleure façon de préparer les steaks hachés de Matthieu ou de repasser ses chemises, elle répondait poliment mais fermement : « Merci, mais nous nous débrouillerons. » Ce « nous » grattait Éliane comme du papier de verre. Elle était sa mère ! Elle savait mieux !

***

Chez Chloé, personne ne sautait de joie non plus. À presque trente ans, elle vivait encore chez ses parents, élevait sa fille et, bien sûr, rêvait de rencontrer lamour. Matthieu lui avait proposé demménager avec lui après à peine un mois de relation sans la petite, dabord. Puis, deux mois plus tard, il lavait entraînée à la mairie : il avait enfin trouvé sa moitié et était prêt à fonder un nid douillet.

Chloé était au septième ciel. Cétait le grand amour, celui dont elle avait toujours rêvé. Quand on essayait de la raisonner, de lui faire remarquer que la passion aveugle, que Matthieu nétait pas prêt pour le mariage, elle soffusquait. Elle laimait passionnément et était sûre de pouvoir le réchauffer, le rendre heureux, laider à « déployer ses ailes ».

Un mois avant le mariage, elle était assise dans la cuisine de sa mère. Celle-ci sirotait son thé en la regardant avec une étrange mélancolie.

Chloé, tu es consciente que Matthieu a un caractère compliqué ? commença-t-elle prudemment.

Maman, il est juste sensible ! sempressa de défendre Chloé. Personne ne la jamais compris. Et toi, tu penses le comprendre en quelques semaines ? insista sa mère, les yeux pleins dombre.
Chloé ne répondit pas. Elle pensait à Matthieu, à ses silences, à la manière dont il disait « Maman sait mieux » chaque fois quelle proposait un changement.
Ce soir-là, elle regarda longuement lalliance quil lui avait offerte, posée sur la table de nuit. Une question, légère mais tenace, sinsinua en elle : et si aimer ne suffisait pas ?
Le lendemain, elle appela Éliane.
Jaimerais quon parle. Toutes les deux. Sans Matthieu.
Un silence. Puis :
Tu as enfin compris, murmura Éliane.
Non, pas encore. Mais je veux essayer.
Et pour la première fois, dans la voix dÉliane, elle perçut autre chose que de lautorité : une peur ancienne, presque maternelle.

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Elle s’y connaît mieux
Marine, tu ne peux pas me quitter ! Que vais-je devenir sans toi ?