– Comment oses-tu t’habiller ainsi sous mon toit ?» murmura la belle-mère devant les invités

Ne thabille surtout pas comme ça dans ma maison siffla la belle-mère devant les invités.

Solène, tu nas pas vu mes lunettes ? Je crois que je les ai laissées sur la table basse Élodie Lambert jeta un coup dœil dans la cuisine où sa belle-fille saffairait autour de la salade de fête.

Regardez dans leur étui, Élodie. Jai rangé le salon tout à lheure Solène ne levait pas les yeux de ses légumes, taillés avec une précision presque onirique.

La belle-mère pinça les lèvres, mais ne dit rien. Dans son monde, on ne touchait pas aux affaires des autres, même avec les meilleures intentions. Surtout pas aux siennes. Mais ce soir, avec les invités qui allaient arriver, elle garda ses remarques pour elle.

Trente ans. Trente ans quÉlodie habitait cette maison aux plafonds hauts, remplie de meubles anciens légués par sa propre belle-mère. Chaque objet avait sa place, chaque recoin son histoire. Officiellement, la maison appartenait désormais à son fils, Théo, mais elle en restait lâme invisible.

Solène, elle, ne vivait ici que depuis deux ans. Un mariage trop rapide aux yeux dÉlodie trois mois de rencontres avant que Théo ne linstalle ici. Une fille éduquée, moderne, trop libre dans ses manières.

La salade est presque prête annonça Solène en disposant son œuvre sur un grand plat. Il faut que jaille me changer avant larrivée des invités.

Jespère que tu ne comptes pas porter cette robe rouge ? glissa Élodie en ajustant ses cheveux gris parfaits.

Solène immobilisa son couteau un instant avant de relever lentement les yeux.

Cest bien celle que je comptais mettre. Théo me la offerte pour notre anniversaire.

Elle nest pas appropriée pour un dîner de famille trancha Élodie. Trop décolletée. Tu as cette belle robe bleue à col Claudine que je tai offerte à Noël.

Solène soupira. Cette robe bleue, qui lui rappelait un uniforme scolaire, ne lavait habillée quune seule fois par politesse. Depuis, elle pendait au fond de larmoire.

Élodie, à trente-deux ans, je crois savoir ce qui me convient répondit-elle avec une douceur ferme.

Bien sûr la belle-mère sourit de manière crispée. Mais noublie pas que ce sont mes amis qui viennent. Des gens dune autre époque. Avec un certain sens des convenances.

Sans attendre de réponse, elle quitta la cuisine, laissant Solène seule avec son irritation grandissante.

Dans la chambre, Théo enfilait une chemise repassée de frais.

Alors, tout est prêt pour la réception des dignitaires ?

Presque Solène sortit la fameuse robe rouge de larmoire. Ta mère a encore des remarques sur mes tenues.

Théo souffla :

Ne lécoute pas. Tu sais bien quelle veut juste faire bonne impression devant ses amis.

*Nous* ou juste *moi* ? Solène examina la robe. Elle était audacieuse, certes décolleté profond, fente discrète mais pas indécente.

Pas ce soir, daccord ? Théo lenlaça par-derrière. Pour maman, cette soirée est importante. Trente ans ici, cest presque toute sa vie.

Et pour moi, cest important de garder ma dignité murmura-t-elle. Je ne suis plus une adolescente à qui on dicte sa garde-robe.

Théo hésita, déchiré entre sa femme et sa mère.

Porte ce que tu veux finit-il par dire. Tu es belle dans tout ce que tu mets.

Solène lembrassa sur la joue, refoulant son agacement.

Les invités commencèrent à arriver vers six heures. Dabord vint Margaux avec son mari de vieux amis dÉlodie depuis lépoque où ils travaillaient ensemble au ministère. Puis la voisine, Colette, une petite femme au regard perçant et à la langue acérée. Dautres suivirent, tous des familiers de la maison depuis des décennies.

Solène et Théo les accueillaient dans lentrée, prenaient les manteaux, échangeaient des politesses. Élodie trônait dans le salon, disposant les plats tout en racontant ses voyages de jeunesse.

Lorsque tout le monde fut installé, Solène retourna en cuisine pour les derniers préparatifs. Elle y croisa Élodie, qui sortait une tarte encore fumante du four.

Japporte le chaud dit Solène. Tout le monde salive devant ton gratin dauphinois.

Élodie hocha la tête, mais ses yeux restaient fixés sur le décolleté de sa belle-fille. La robe rouge moulait élégamment sa silhouette. Rien de choquant, mais dans le regard de la belle-mère, cétait une provocation.

Tu nas vraiment rien trouvé de plus discret ? gronda-t-elle entre ses dents.

Nous en avons déjà parlé, Élodie répondit calmement Solène. Cette robe est tout à fait appropriée.

Dans *ma* maison, on ne sexhibe pas comme ça à table la belle-mère posa la tarte avec un claquement sec.

Solène sentit la colère lui monter aux joues. Elle serra les poings, mais se retint pas devant les invités.

Retournons au salon dit-elle simplement en prenant le gratin.

Dans le salon, lambiance était joyeuse. Théo racontait une anecdote qui faisait rire tout le monde. Solène sapprêtait à sasseoir quand Élodie linterrompit :

Solène, tu pourrais apporter encore un peu de pain ? Il me semble quil ny en a plus.

Cétait faux la corbeille était pleine. Mais Solène acquiesça et se dirigea vers la cuisine. Derrière elle, elle entendit Élodie murmurer à Margaux :

Je léduque petit à petit. Ces jeunes nont plus aucune notion de bienséance.

Solène simmobilisa, les poings serrés. Puis elle revint dans le salon, les mains vides.

La corbeille est pleine, Élodie dit-elle en sasseyant près de Théo.

La belle-mère lui lança un regard noir, mais se tut. La soirée continua toasts, souvenirs, discussions. Solène souriait, participait, mais la tension entre elles grandissait comme une ombre.

Au dessert, Colette sexclama en regardant Solène :

Mais ta belle-fille est une vraie beauté, Élodie ! Et cette robe rouge lui va à ravir on dirait une couverture de magazine !

Élodie sourit de manière forcée :

Solène aime la mode. Mais elle oublie parfois que la modestie est la plus belle parure dune femme.

Allons, à notre époque, il faut en profiter ! rétorqua Colette. Je laurais portée, cette robe, si javais eu sa silhouette !

Solène sourit avec gratitude. À ce moment, la bouilloire siffla dans la cuisine.

Je prépare le thé dit-elle en se levant.

Élodie limita :

Je taide.

Dans la cuisine, la belle-mère ferma la porte et se tourna vers Solène, le visage déformé par la colère.

Ne thabille *surtout* pas comme ça dans ma maison gronda-t-elle. Cest indécent, vulgaire, et insultant pour moi et mes invités !

Solène recula, stupéfaite.

Élodie, quest-ce qui vous prend ? demanda-t-elle doucement. Cest une robe tout à fait convenable.

Ne fais pas semblant de ne pas comprendre ! La voix dÉlodie tremblait de rage. Tu las mise exprès pour mhumilier devant mes amis. Pour montrer que mes règles ne comptent pas pour toi !

Ce nest pas vrai répliqua Solène. Je lai mise parce quelle est belle et que Théo laime. Votre fils, soit dit en passant.

Théo est trop gentil ! Et tu en profites, tu le manipules !

La porte souvrit, et Théo apparut, lair grave.

Quest-ce qui se passe ?

Rien de grave Élodie reprit instantanément un ton normal. Nous parlions juste de tenue vestimentaire.

Jai entendu, maman dit Théo calmement. Et je naime pas ce que jai entendu.

Élodie pâlit.

Théo, tu ne comprends pas

Non, cest *toi* qui ne comprends pas il se plaça près de Solène. Solène est ma femme. Et je ne laisserai *personne*, pas même toi, lui parler sur ce ton.

Mais cest *ma* maison !

Non, maman. Cest *notre* maison. La mienne, celle de Solène, et la tienne. Et nous avons tous le droit dy être à laise.

Un silence tomba. Dans le salon, Colette racontait une histoire, et les rires résonnaient.

Je ne voulais pas de scène murmura Solène. Si javais su que cette robe vous dérangerait autant, jen aurais choisi une autre.

Élodie les regarda tour à tour, les yeux remplis de colère, de blessure et peut-être dun début de remords.

Maman reprit Théo, doucement. Solène a tout préparé pour que ta soirée soit parfaite. Elle te respecte, ainsi que tes amis. Mais tu dois la respecter, elle aussi ses goûts, ses choix.

Élodie baissa les yeux. Puis, lentement :

Jai peut-être exagéré. Mais jai mes principes. De mon temps

Les temps changent, Élodie dit Solène. Mais le respect et la gentillesse ne se démodent jamais. Je ne veux pas me battre. Je veux que nous soyons une famille.

La bouilloire siffla de nouveau, rappelant les invités.

Retournons au salon proposa Théo.

Élodie acquiesça, mais quand Solène se tourna vers la bouilloire, elle larrêta.

Attends. Je je dois mexcuser les mots semblaient lui coûter. Tu es très belle dans cette robe. Et Colette a raison : il faut en profiter quand on est jeune.

Solène la regarda, surprise. En deux ans, jamais Élodie navait admis sêtre trompée.

Merci répondit-elle simplement. Ça compte beaucoup pour moi.

De retour dans le salon, personne ne sembla remarquer leur absence, sauf Colette, dont le regard pétilla de compréhension silencieuse.

La soirée se poursuivit, plus légère. Élodie demanda même où Solène avait acheté sa robe « pour une amie qui cherche quelque chose daussi élégant ».

Au moment des adieux, Colette sattarda dans lentrée.

Tu sais, Élodie dit-elle à voix basse en cinquante ans damitié, je ne tai jamais vue texcuser. Jusquà ce soir.

De quoi parles-tu ? Élodie feignit lignorance.

Allons Colette sourit. Jai vu vos visages en revenant de la cuisine. Quelque chose a changé. Cest bien. Ça veut dire quil y a encore de lespoir.

Tu as toujours été trop perspicace.

Non, juste attentive Colette lui tapota la main. Ta belle-fille est charmante. Et ton fils est heureux. Nest-ce pas lessentiel ?

Élodie la regarda partir, pensive. Dans le salon, Solène et Théo commençaient à débarrasser.

Laissez dit-elle. Nous finirons demain. Ce fut une belle soirée, ne la gâchons pas avec la vaisselle.

Ils échangèrent un regard surpris.

Mais maman, tu dis toujours quil ne faut pas laisser traîner rappela Théo.

Parfois, il faut savoir enfreindre les règles Élodie sourit. Nest-ce pas, Solène ?

Exactement répondit Solène, sentant quun lien nouveau se tissait entre elles.

Théo les enlaça toutes les deux. Ils restèrent ainsi un instant trois générations, trois visions du monde, mais une seule famille. Avec ses conflits, ses malentendus et peut-être un nouveau départ.

Dites-moi reprit soudain Élodie. Jai vu une robe presque pareille à la tienne, Solène, mais en bleu. Tu crois quelle mirait ?

Et ils rirent ensemble, vraiment ensemble, pour la première fois depuis longtemps.

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