Svetlana, la bataille d’une femme pour atteindre le cabinet médical à Paris

Manon arrive à peine au centre de santé, la cheville fortement tordue. Elle sest maladroitement trompée, au point de peine à marcher. Un homme chauve, agile, la dépasse et, juste devant son nez, sempare du premier créneau chez le médecin. Épuisée, Manon sassoit sur une chaise et le hasard la joue un mauvais tour. Elle murmure, vexée : «Ces hommes ne cèdent jamais le passage!» La femme à côté lentend et réplique : «Il était déjà passé ce matin, il est revenu, on na toujours pas trouvé la prothèse.» Elle ricane : «Bon, cest André, mon voisin. Sa vie na pas été facile. Il a perdu la jambe jusquau genou, sa femme la quitté. On pensait quil sombrerait, mais il rebondit comme un ressort. Aucun enfant, aucun parent, rien!» Au même instant, lhomme, un peu boitant, sort du cabinet avec un sourire. Il cligne de lœil à Manon et à sa compagne et lance : «Allez les filles, on va vivre!» avant de taper du pied et de se diriger vers la sortie.

Manon esquisse un sourire en entendant «les filles». Ce nest plus vraiment à elle. Elle sest mariée très jeune, son mari était douze ans plus âgé. Heureusement, ils partageaient le même signe du zodiaque, le chien. Paul, son époux, aimait les chiens ; ils adoptèrent rapidement un bouledogue nommé Gaspard, puis Manman tomba enceinte.

Les amis sexclament : «Vous avez la famille idéale: un appartement à Paris, une petite voiture, une maison de campagne, un bouledogue, et bientôt un fils.» Mais au sixième mois, Manon subit une fausse couche, le bébé ne survit pas. Paul la console dabord, puis déclare : «Nous ne sommes plus tout jeunes, mais nous avons Gaspard, notre bouledogue.» Manon adore le chien, Paul le montre aux expositions, mais un chien ne remplace pas un enfant.

À une exposition, Paul rencontre Ophélie, qui possède aussi un bouledogue. Elle annonce à Manon que le bébé quils attendent sera celui dOphélie, une jeune femme qui donnera naissance à un enfant en bonne santé. «Elle est jeune, comme si Manon était vieille!» pense Paul. En vérité, Ophélie a presque vingt ans de moins que Paul, et le destin les sourit. Manon se sent désormais plus âgée que son mari, comme si le temps sétait écoulé dun seul coup. «La retraite approche,» lui rappelle Paul, comme sil parlait de son propre avenir.

Manon se surprend à penser que, à quarantetrois ans, il ne reste plus beaucoup, pourtant elle se sent «vieille» dans son cœur.

Une semaine plus tard, la douleur à la cheville diminue. Elle se rend chez le médecin et retombe sur le même homme chauve.

«Mademoiselle, excusezmoi, passez devant moi, je suis sorti de la file,» sexcuse lhomme en souriant. Quand elle sort du cabinet, il reste encore là.

«Suivant!», crie linfirmière.

«On vous invite,» répond lhomme, étonnant Manon quil nentre pas.

«Jai déjà été, plaisantaitil, je vous attends, jolie demoiselle. Je mappelle André, et vous?Svetlana? Ah, je le savais. Quel autre prénom pourrait porter une si jolie et claireyeuse? Un invalide solitaire pourrait vous accompagner?»

Manon réplique : «Si je suis jolie, vous navez pas lair dun handicapé.»

Ils sortent ensemble ; André raconte des anecdotes, puis propose à Manon de sappuyer sur son bras, car elle boit encore.

«On va se déposer où?» suggèreil en indiquant un petit café. «Cest bon marché et délicieux, je vous offre, je nai même pas encore pris mon petitdéjeuner.»

Avec André, la conversation est fluide, il propose de se revoir et elle na aucune raison de refuser.

«Manon, ne dites pas que je suis pressé, jai peur que quelquun me dépasse au tournant et que je reste sur le nez,» confie un jour André. «Je suis boitant, chauve, et vous êtes une belle jeune femme!» Il marque un instant de silence, puis ajoute : «Manon, mariezvous avec moi! Ne dites pas que nous nous connaissons peu, je veux passer le reste de ma vie à vous découvrir. Vous ne regretterez pas, jai un appartement, un travail, je suis un homme solide.» Il baisse les yeux, puis questionne Manon. Elle reste muette, comme si elle nétait pas prête.

«André!» éclate Manon en riant. «Tu es le meilleur, jhésitais à accepter immédiatement, mais je suis daccord!»

Après le mariage, Manon tombe enceinte presque immédiatement. Elle navait jamais imaginé porter un enfant, elle sétait résignée depuis longtemps. Ce bonheur surgit dun coup, comme si le temps sétait inversé et quelle redevenait jeune, belle et aimée.

«Regarde, André, notre petit Sacha a les boucles, quel phénomène!» sétonne Manon.

«Quy atil détonnant?» répond André en passant la main sur son crâne lisse comme une cuisse. «Je suis aujourdhui chauve et boitant, mais avant jétais un aigle blond bouclé. Notre fils combine les yeux de maman et les boucles de papa.»

«Je ne me lasse pas de regarder Sacha, je nen crois pas mes yeux, cest notre bébé! Si nous ne nous étions pas rencontrés, rien de tout cela nexisterait.» sexclame Manon, les larmes aux yeux. André, surpris, tente de la réconforter : «Ma chère, arrête, ne pleure pas, tu es bien, pense à notre petit Sacha, il devait naître, jen suis sûr. Sans toi, je serais perdu.»

«Je pleure de joie,» répond Manon en essuyant ses larmes, se blottissant davantage contre son mari. «Cest la première fois que je pleure de bonheur.» Un sourire éclaire son visage, des larmes scintillent sur ses cils comme des diamants. Elle se sent riche et comblée.

Le plus grand trésor, ce sont les enfants, et le bonheur, cest lamour.

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Svetlana, la bataille d’une femme pour atteindre le cabinet médical à Paris
Mon mari a dit qu’il avait honte de la regarder… puis il est resté bouche bée devant ce qu’il a vu