Chaque jour, une charmante octogénaire se promène dans la cour de notre immeuble, toujours élégamment vêtue et soignée.

Chaque matin, dès que je quitte mon petit appartement du 15ᵉ arrondissement de Paris, je croise dans la cour de limmeuble la vieille Madame Léontine Girard. Elle a près de quatrevingts ans, porte toujours des vêtements impeccables, et se déplace avec une canne élégante.

Je suis arrivé ici à la fin de lautomne 2023. Au fil des jours, nos salutations sont devenues une habitude : je marrête un instant, lui demande de ses nouvelles et lui souhaite une agréable journée. Elle me répond toujours dun sourire chaleureux, comme un rayon de soleil sur la Seine.

Fin décembre, un nouveau venu sest installé dans la cour : un petit chien, tout fringuant et sale, au pelage emmêlé, dont aucune race ne se devinait. Dès que Léontine lui a offert un morceau de saucisse, le petit être a trouvé sa place. Il naurait probablement pas survécu ailleurs, tant son aspect était misérable.

Les autres résidents nétaient pas enchantés. Certains le chassaient en criant «Allezvous en, sale bête!», dès quil venait les regarder avec des yeux implorants. Malgré tout, le chien réussissait parfois à obtenir une croûte de pain ou un petit os, grâce à la générosité de quelques voisins. Léontine lui apportait souvent du pain rassis ou des biscuits secs, le caressant doucement et lappelant:Biscotte.

Au printemps, alors que la neige fondait presque entièrement, Léontine ma annoncé quelle partirait le soir même avec sa petitefille, Célestine, à la campagne, où elle resterait jusquà lautomne, voire la fin de la saison. «Làbas, le poêle crépite et réchauffe les nuits les plus froides», matelle dit, en me faisant promettre de lui rendre visite.

En août, je me suis finalement rendu au village. Jai acheté à Léontine une petite boîte de chocolats au cacao, coûtant quatre euros, puis jai pris le bus n°86 jusquà la petite commune de SaintCyrlèsLeBourget. En arrivant, je lai trouvée assise sur la véranda, en train déplucher de grosses pommes rouges. À côté delle, allongé sur la marche en bois, Biscotte somnolait paisiblement.

«Biscotte, viens accueillir notre invité!», a lancé la vieille dame. Le chien a bondi, la queue frétillant, et sest précipité vers moi. Son pelage, autrefois en désordre, était maintenant luisant et ondulé, éclatant sous le soleil dété.

«Madame Léontine, estce vraiment le même Biscotte que celui de notre cour?», aije demandé, étonné. «Oui, cest bien lui! Il est devenu une vraie beauté», a souri Léontine. «Entre, prends un thé aux cerises et racontemoi les nouvelles de la ville!»

Nous avons passé un long moment à la table, dégustant le thé et bavardant. Après son petit porridge, Biscotte sest roulé en boule près du poêle chaud, soupirant doucement comme sil rêvait. Dehors, une brise légère faisait danser les branches du pommier, et de grosses pommes rouges tombaient lentement dans lherbe.

Cette rencontre ma rappelé que, tout comme le chien aux abois désordonnés qui trouve une seconde chance, chaque être, même le plus modeste, porte en lui la capacité de sépanouir quand on lui offre un peu de chaleur et de compassion. Cest ainsi que la vraie richesse se mesure non pas en euros, mais en gestes de bonté qui transforment le quotidien.

Оцените статью
Chaque jour, une charmante octogénaire se promène dans la cour de notre immeuble, toujours élégamment vêtue et soignée.
Tu n’es pas digne de mon fils