Mon mari a contracté un prêt à mon nom pour offrir un sac crocodile à sa mère — mais ma vengeance lui a coûté bien plus cher

Le Sac en Crocodile

Ce samedi sannonçait paisible. Une fine pluie glissait sur les vitres en zigzaguant, et lappartement sentait le thé fraîchement infusé et ce silence typique du week-end, où lon peut enfin souffler après une semaine de travail. Élodie sinstalla dans le vieux fauteuilcelui hérité de Mémé, avec son assise affaissée et ses accoudoirs uséset enroula ses doigts autour de sa tasse préférée. La chaleur de la céramique lui réchauffait les mains.
Voilà le bonheur, pensa-t-elle en humant larôme du thé. Pas de monde, pas de discussions sur le boulot, largent, ou ce fameux « il serait temps » Juste elle, son thé brûlant, et une nouvelle série sur sa tablette.

Ces moments de calme étaient devenus son salut ces derniers mois. Antoine, son mari, était au chômage depuis trois mois, et la maison sétait transformée en champ de bataille silencieux. Il passait ses journées devant lordinateurà jouer aux jeux de tir, à regarder le foot, à « chercher du travail », bien que lécran affichait rarement des offres demploi.

« Chérie ! » La voix dAntoine fit exploser le silence comme un pétard. « Tu ne vas pas croire ça ! Maman a choisi son cadeau danniversaire elle-même ! »

Il entra dans la pièce, rayonnant comme un collégien venant de décrocher un 20/20. Élodie détacha lentement son regard de lécran et fixa son mari. Quelque chose dans son ton lui mit la puce à loreille.

« Un sac en peau de crocodile ! » continua-t-il, imperméable à sa méfiance. « Elle en rêve depuis si longtemps ! »

Élodie posa délicatement sa tasse sur la table et plissa les yeux.

« Un sac en peau de crocodile ? Elle a eu cette idée toute seule, ou quelquun lui a soufflé ? Et elle a pensé aux défenseurs des animaux, peut-être ? »

Lironie glissa sur Antoine comme une goutte deau sur une plume.

« Cest ma mère ! Elle le mérite ! »

« Elle le mérite ? » Élodie sentit une tension monter en elle. « Dis-moi, qua-t-elle fait pour mériter ça ? Daccord, elle ta élevé. Mais moi, jai mes propres parents. Et combien coûte ce cadeau ? »

Antoine toussota, gêné, et détourna le regard.

« Oh, une bricole Environ cinq de tes salaires. »

Élodie sentit le sol se dérober sous ses pieds.

« Cinq de mes salaires ? » répéta-t-elle, le visage figé.

« Ben oui, cest du cuir de crocodile du Nil, pas du similicuir », expliqua-t-il, comme si de rien nétait.

« Et pourquoi tu me dis ça ? Ça ne mintéresse pas du tout. »

Antoine se tortilla et évita son regard.

« Enfin Jai pris le sac à crédit. »

« À crédit ? » La voix dÉlodie devint dangereusement calme.

« Ouais. Un grand merci à ma sœur Lætitiaelle travaille à la banque, elle a tout arrangé vite fait »

« Et au nom de qui ? »

Une horrible réalisation commença à poindre chez Élodie.

« Ben, tu penses le tien. Qui dautre ? Jai juste utilisé tes papiers »

Élodie se leva sans un mot et savança lentement vers son mari. Elle avait soudain envie de le tuer. Ou au moins de lui balancer quelque chose de lourd.

« Donc, mon chéri Antoine, tu es au chômage depuis trois mois, tu décides doffrir un cadeau à Maman, mais cest moi qui dois payer ? »

Antoine recula dun pas, sentant lorage arriver.

« Élodie, cest comme ça que ça sest passé Dans notre famille, cest toi qui travailles »

« Oui, je travaille ! Et toi, au lieu de chercher un job, au lieu de subvenir aux besoins de ta famille comme un mari normal, tu restes planté à la maison comme un ado en vacances et tu crois que je nai pas assez de problèmes sans ton crédit ? »

« Élodie, ne ténerve pas ! Cest juste un prêtrien de grave »

À ce moment-là, sa mère, Chantal, fit son entrée habituelle. Elle venait toujours « voir les enfants », mais en réalité, elle apportait son lot de critiques et de remarques.

« Quest-ce que cest que ce boucan ? » demanda-t-elle, entrant comme si elle était chez elle.

« Rien, tout va bien, Maman. Élodie est un peu contrariée à cause du prêt », se plaignit Antoine.

« Contrariée pour quoi ? » La belle-mère saffala dans un fauteuil, les bras croisés. « Cest une affaire de famille, cest votre devoir de vous entraider. »

« Cest-à-dire ? Développe », lança Élodie.

« Ton devoir, cest de choisir des cadeaux coûteux, et le mien, cest de les payer ? »

« Quest-ce quil y a de bizarre ? Tu travailles, et tu gagnes bien ta vie », rétorqua la belle-mère, glaciale.

« Je vois. Formidable. Et Antoine ? Quest-ce quil fait, lui ? »

« Antoine est mon fils et, accessoirement, ton mari. Et tu dois le soutenir. »

« Mon mari ? » Élodie éclata de rire. « Cest ça, un mari ? Un homme qui contracte un prêt au nom de sa femme parce quil est incapable de faire quoi que ce soit et quil nen a même pas envie ? Qui sest installé dans mon dos comme un parasite ! »

« Élodie ! » Antoine tenta de protester. « Cest pas gentil ! Pourquoi tu mhumilies ? On est une famille, quand même ! »

« Daccord », dit Élodie en serrant les lèvres. « Je men occuperai demain moi-même. Et crois-moi, tout ira bien. »

Elle sourit bizarrement, comme pour elle-même, et il y avait quelque chose dans ce sourire qui inquiéta Antoine. En réalité, Élodie savait déjà comment elle allait régler la situation.

« Cest bien, ma fille, cest bien ! » approuva la belle-mère.

Le lendemain, Élodie travailla et, en parallèle, soccupa de ses affaires. Elle passa quelques coups de fil sur des sites dannonces et organisa un rendez-vous pour le soir même.

Quand elle rentra ce soir-là, elle accueillit son mari avec son sourire le plus doux.

« Antoine, mon chéri ! Jai une nouvelle pour toi aujourdhui ! »

« Ah oui ? Quoi donc ? » Il sassit sur le canapé, sans méfiance.

« Figure-toi que jai remboursé le prêt pour le sac en crocodile. »

« Vraiment ? Sans blague ! » Antoine bondit presque. « Je savais que tu étais la meilleure ! Comment tas fait ? Tu as trouvé largent où ? »

« Simple. Jai vendu ta voiture. »

Antoine se figea, comme frappé par la foudre.

« Tu quoi ? Comment la voiture ? »

« Je te dis : je lai vendue. Vite et pas cher. Jai eu pile la somme pour effacer ce maudit prêt. »

« Tas perdu la tête ? ! Et comment je vais me déplacer, moi ? »

Élodie sourit avec innocence.

« Tu peux monter sur le sac en crocodile comme sur un cheval. Dailleurs, jai lu aujourdhui que certains sacs sont faits avec du cuir pris sur des parties délicates du crocodile, et si tu les caresses, ils se transforment en valise. Le sac que tu as offert à ta mère, ce serait pas un de ceux-là, par hasard ? »

Élodie avait envie de rire. Antoine devint écarlate.

« Tas pas pu faire ça ! Dis-moi que cest une blague ! Cétait ma voiture ! Et la vendre pour une bouchée de paincest cest de la folie ! »

« Eh bien, maintenant, tu nas plus de voiture, et moi plus de dettes. Cest équitable. Et ta mère a son sac. Belle organisation, non ? »

Attirée par les cris de son fils, Chantal débarqua en trombe.

« Quest-ce qui se passe encore ? »

« Figure-toi, Maman : Élodie a vendu ma voiture ! Cest une tragédie pour moi ! » gémit Antoine.

« Et alors ? Elle a bien fait », haussa Élodie les épaules. « Après tout, un prêt, cest une affaire de famille. Pas vrai ? »

« Cest une erreur ! Une grosse ! Tu navais pas le droitcest sa propriété ! » La belle-mère planta ses poings sur ses hanches. « Et maintenant, sans voiture tu y as pensé ? »

« Et toi, tu mas demandé quand tu as acheté ce sac ? Quand tu as pris un crédit à mon nom ? » Élodie releva le menton. « Là, je rétablis léquilibre. »

« Cest scandaleux ! Regardez-moi cette indépendante ! » cria la belle-mère, fixant sa belle-fille comme si elle avait volé quelque chose.

« Scandaleux, cest vous deux qui décidez que je suis votre tirelire personnelle et que vous pouvez dépenser mon argent sans mon accord », rétorqua Élodie.

Antoine tenta dintervenir.

« Élodie, réfléchis ! Réfléchis bien ! On est une famille, on est ensemble, on ne fait quun ! »

« Une famille, tu dis ? Alors faisons ça : puisque tu en es le membre le plus inutile, fais tes valises et va vivre avec ta mère. Quelle te nourrisse et paie ton internet. Et moi, je vais vivre pour moi, pour une fois. »

Élodie sassit sur le canapé et prit délibérément sa tablette, signalant que la conversation était terminée. Après quelques secondes, elle ajouta, avec délectation :

« Et toi, Chantalau faitprends ton sac en crocodile et essaie de le caresser très doucement. »

Deux jours plus tard, Antoine, épuisé par les disputes incessantes, emménagea chez sa mère. Chantal ne cachait pas son indignation. Élodie, elle, lignorait simplement.

Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait légère. Et maintenant, elle en était sûre : ils avaient comprison ne jouait pas avec elle.

Dehors, la pluie fine continuait, mais ce silence du samedi lui appartenait enfin.

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