Le Séducteur.

Nous nous sommes rencontrés dans un petit café du Marais. Elle était assise à une table, attendant une amie. Devant elle trônait une tasse de café fumant et, sur la soucoupe, un éclair au chocolat.
Je suis venu juste pour prendre un expresso et réfléchir à mon avenir.

Cétait une très belle jeune femme, et moi, un garçon assez charmant qui navait aucun mal à sapprocher de nimporte quelle fille. Elle ma plu immédiatement, et il semblait que je lui plaisais aussi.
« Puisje masseoir à votre table ? » aije demandé dun ton qui ne laissait guère de place au refus.
« Bien sûr, mais jattends mon amie, alors ne prévoyez pas de rester trop longtemps. »
« Le temps ne me manque pas. Je veux seulement vous connaître et échanger nos numéros. Quelques minutes suffiront. »
« Et qui vous dit que je vous donnerai mon portable ? » a-telle répliqué en détachant un morceau déclair.
« Parce que vous adorez le sucré, et le sucré nappartient quaux personnes bienveillantes. Nous sommes donc faits lun pour lautre, moi qui aime les douceurs moi aussi. »
« Alors vous êtes aussi une bonne personne ? » a-telle ri.
« Bien sûr, vous ne le voyez pas ? Je suis très gentil et très correct, » aije rétorqué en sirotant mon café.
« Je vois rarement quelquun daussi sûr de lui. »
« Et moi, je nai jamais vu une beauté comme vous. »

« Élodie, » atelle annoncé, en tendant la main.
« Antoine, » aije répondu, en la saisissant légèrement, la pressant et lembrassant avec tant de passion que la chaleur la fait frissonner.

« Excusezmoi, mais nêtesvous pas un peu intrusif avec une inconnue ? » atelle demandé.
« Pas du tout, linsistance nest pas mon affaire. Et puis, à qui parleraisje dautre que à la plus ravissante des femmes du monde ? »
« Hélas, pas à une femme mais à une demoiselle, » atelle montré lalliance à son annulaire. « Je suis mariée. »

« Et alors ? Questce qui empêche un homme de la nuit dhier dêtre le lendemain ? Le mariage aujourdhui nest plus quun papier fragile. »
« Vous ignorez que, dans ma famille, le mariage est sacré, pour toujours. Je crois donc quil est temps que nous prenions nos distances. »

« Vous ne pensez pas que nous pourrions simplement échanger nos numéros, sans aucune obligation ? Si jamais lenvie nous revient de parler, nous aurons un moyen de le faire. »
« Vous avez vraiment la tête dans les nuages. Pourquoi pensezvous que je vous donnerai mon numéro ? »
« Je ne suis pas prétentieux, je suis simplement naïf. Si on saime, pourquoi ne pas se revoir ? » aije dit avec un sourire qui la décontenancée.

« Très bien, notezle, » atelle dicté son portable.
« Je vous appelle tout de suite, vous garderez mon numéro. Vous en aurez besoin plus tard. »

« Daccord, je le garderai. Mais vous feriez mieux de vous installer à une autre table ; je vois mon amie arriver et je nai pas besoin de ragots. »

« Pas de souci, je comprends, je méclipse. Mais nous nous reverrons, jen suis sûr. »

Je repris ma tasse et me retirai dans le coin le plus reculé du café.

Une semaine plus tard, je lappelai. Elle attendait mon appel et accepta de me revoir. Nous nous retrouvâmes au même endroit.

« Élodie, » commençaije, « jaimerais apprendre à vous connaître davantage. »
« Vous savez, Antoine, je suis mariée. Je travaille comme infirmière à lhôpital et, en théorie, je pourrais sortir avec vous, mais mon mari, Nicolas, est très jaloux. Il a servi dans les zones de conflit sous contrat, puis a ouvert un club de combat sans règles. Cest un homme au tempérament fort et à la force impressionnante. Il me porte sur ses épaules, je ne le trahirais jamais. En plus, linfidélité est pour moi impensable et dangereuse. »

« Élodie, » insistaije, « vous me plaisez énormément, je ne peux pas simplement vous laisser partir. Même si je suis développeur informatique et que je nai jamais tenu doutil lourd, je ne crains pas votre mari. Je veux vraiment vous connaître et devenir votre ami. »

Jétais développeur dans une petite startup parisienne. Je ne gagnais pas des étoiles, mais assez pour changer régulièrement de compagnie féminine. Jétais un célibataire endurci, jamais à passer à côté dune belle femme. Élodie ne fit pas exception ; je sentais quelle mappréciait et que je finirais par la conquérir.

Nous nous revîmes, et cela scella notre relation. Elle prétexa à son mari quelle devait rester de garde à lhôpital, puis passa la nuit chez moi. Sans nous en rendre compte, nous étions tombés amoureux et ne voulions plus nous séparer. Nous nous retrouvions chez moi chaque fois que cela était possible.

Un soir, elle mappela :

« Mon mari part en compétition pendant une semaine, alors ce soir je tattends chez moi. »
« Élodie, ce nest pas dangereux ? On ne pourrait pas se retrouver chez moi, comme dhabitude ? »
« Non, je veux que tu viennes chez moi. Je préparerai un dîner romantique, on sassiéra comme des gens normaux. Je ne peux plus venir dans ton baraquement de célibataire ! »
« Daccord, je serai chez toi ce soir. »

À lheure convenue, jarrivai avec un bouquet, du champagne, une bouteille de vin, un gâteau et une boîte de chocolats. Le dîner quelle prépara était délicieux, le champagne et le vin firent leur effet et, après le repas, nous nous dirigeâmes vers la chambre. La nuit promettait dêtre aussi romantique que le dîner aux chandelles.

Deux heures plus tard, un brusque coup retentit à la porte. Nous nous levâmes dun bond, ne sachant pas qui cela pouvait être. Elle regarda le judas.

« Cest mon mari, Antoine, cest la fin! Cachetoi quelque part! »
« Mais où? »
« Je ne sais pas, décidetoi, je ne vois rien! »
« Qui estce? » demandatelle dune voix endormie.

« Élodie, ouvre, tu ne me reconnais pas? » sécria la voix de Nicolas, ivre, depuis lautre côté de la porte. « Jai oublié mes clés au travail, doù le coup. Ouvre vite. »

« Que faire? » demandatelle, tremblante, à mon secours.
« Ouvre, il ny a pas dautre choix, » répondit lamant, pâle comme un mur.

Je jetai mes affaires sous le lit, resté en sousvêtements, et me glissai dans la salle de bain.

« Où astu tellement bu? Et pourquoi nestu pas parti? » entenditje Élodie.
« Notre minibus est tombé en panne, mes gars rentraient chez eux en autostop. On a décidé de boire un verre au bar, et on sy est coincé un moment. »
« Un petit verre, hein? Tu ne tiens même pas debout! » sécriatelle.

« Ne tinquiète pas, ma chère, tout est sous contrôle. Jai juste besoin daller aux toilettes. »
« Tu iras aux toilettes demain, » lançatelle dun ton autoritaire, « maintenant, retourne dormir dans la chambre! »
« Mais jai besoin dy aller maintenant! » protesta Nicolas, toujours aussi éméché.

Il se mit à chanter dune voix grave et tremblante :

« Non, non, non, je veux maintenant, non, non, non, je veux tout de suite. »

Il se dirigea vers les toilettes. Quelle idée de combiner salle de bains et WC! Personne ne conçoit pourquoi on placerait une cuvette à côté dune baignoire.

Élodie resta figée, incapable de prononcer un mot. Elle imagina le pire, ferma les yeux et se prépara au drame, mais aucun bruit ne sortit de la pièce. Comment Nicolas navaitil pas vu que jy étais? Où pouvaisje me cacher dans cette petite pièce vide?

Le sang froid lenvahissait, mais je me glissai sur le rebord de la baignoire, puis sur le socle en céramique et métalai dans le coin, les bras contre le mur. Nicolas, obsédé par la cuvette, ne remarqua rien. En se hisant sur le WC, il poursuivit sa chanson. Élodie, tremblante comme une feuille, ne comprenait pas où javais disparu.

Lorsque je vis la taille imposante de Nicolas et ses poings, je compris que, sil me découvrait, ce serait ma dernière rencontre. Je me figeai, retenant mon souffle.

Nicolas resta là, chantant, tandis quune odeur étrange, mélange de toilettes et dalcool, remontait. Elle fit éternuer mon nez ; je tentai denlever une main du mur pour me moucher, mais je glissai. Une chute signifiait atterrir dans les bras du mari jaloux, plus grand que KingKong. Après un effort, je reniflai fort, le bruit résonna comme un tonnerre dans la petite pièce.

Soudain, il leva les yeux et vit une petite croix peinte dans un coin, comme un Jésus. Terrifié, il se recula, fit une grimace, leva les mains implorantes et seffondra du WC, perdant connaissance.

Je compris que ladversaire était neutralisé, du moins temporairement. Je me jetai du rebord, traversai la salle et courus vers la chambre, emportant mes affaires. Élodie, pâle comme un tableau, ne comprenait rien.

Je descendis les escaliers à pieds nus, en sousvêtements, emportant tout. Aucun ascenseur ne pouvait rivaliser avec la peur qui me poussait à fuir.

Quelques minutes plus tard, Nicolas reprit conscience, leva les yeux, mais ne vit rien.

« Tu devrais boire moins, » me réprimanda Élodie lorsquelle me raconta sa vision.

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