Toute ma vie, jai rêvé dêtre à la place de mon frère, mais tout a finalement changé.
Ma mère est tombée enceinte de moi à dix-neuf ans. Mon père nous a abandonnés aussitôt. Il ne voulait pas assumer la responsabilité dune famille ; sa vie était faite de fêtes et damis. Mes grands-parents étaient furieux contre elle, trouvant honteux davoir un enfant sans être mariée. Mon grand-père la chassée de la maison, disant quil ne voulait pas dune fille « irresponsable ».
Ma mère a traversé des moments très durs, mais elle sen est sortie. Elle sest inscrite à des cours du soir et a trouvé un travail. On lui a attribué une petite chambre en résidence universitaire. Jai dû devenir autonome très tôt. Je faisais les courses, nettoyais et réchauffais les repas. Je navais pas le temps de jouer ; depuis que je me souviens, jétais occupé à aider ma mère.
Je ne me plaignais jamais, car je savais que jétais le seul homme de la famille, même si je nétais quun enfant.
Plus tard, ma mère a commencé à voir Antoine. Je lai tout de suite apprécié : il moffrait des bonbons et ramenait à manger à la maison. Ma mère rayonnait. Un jour, elle ma annoncé quelle allait épouser Antoine et que nous déménagerions dans une grande maison. Jétais heureux : je voulais un père, et jespérais quAntoine le deviendrait.
Au début, tout allait bien. Jai pu me reposer des corvées quotidiennes, écouter de la musique et lire. Javais ma propre chambre. Antoine aidait ma mère, et elle semblait épanouie.
Quelques mois plus tard, elle ma appris quelle attendait un bébé. Peu après, Antoine ma informé que je devais déménager dans une toute petite pièce, anciennement un débarras, car ma chambre serait celle du bébé. Je ne comprenais pas pourquoi cétait moi qui devais partir, surtout quil y avait dautres pièces libres.
Le lendemain, toutes mes affaires avaient été déplacées. Je savais que cétait injuste, mais je nai rien dit.
Quand Théo est né, mes nuits sont devenues un enfer. Il pleurait sans cesse, et à lécole, jai des difficultés. Mes professeurs me grondaient, et ma mère sénervait contre moi.
Tu devrais être un exemple pour ton frère ! Au lieu de ça, tu es un fainéant qui nous fait honte, me criait-elle à chaque mauvaise note.
Théo a grandi, et je devais men occuper. Je le promenais dans le quartier avec sa poussette, rouge de honte. Les garçons du coin se moquaient de moi, mais je ne pouvais rien y faire.
Tout ce quil y avait de meilleur était pour Théo. Quand je demandais quelque chose, Antoine répondait : « On na pas les moyens maintenant. » Je lemmenais à la maternelle le matin et le récupérais laprès-midi. Ensuite, je le nourrissais et nettoyais la maison. Jattendais juste quil grandisse.
À son entrée à lécole, ma mère ma dit de laider avec ses devoirs. Il était gâté et capricieux. Peu importe mes efforts, il avait toujours de mauvaises notes. Si je le grondais, il courait se plaindre, et ma mère prenait toujours sa défense.
Théo a changé décole plusieurs fois, sans jamais sadapter. Finalement, ils lont inscrit dans un privateur où les bonnes notes sachetaient à prix dor.
Moi, je suis entré en lycée technique, en mécanique. Ça ne mintéressait pas, mais je voulais fuir la maison.
Plus tard, jai intégré luniversité et trouvé un travail. Jai économisé jour et nuit pour acheter mon propre appartement. Quelques années après, je me suis marié.
Théo, lui, a reçu un appartement dAntoine, mais vit toujours chez mes parents. Il refuse de travailler et vit des loyers.
Lors dun dîner du Nouvel An, toute la famille sest réunie chez mes parents. La copine de Théo était là. En passant près de la cuisine, jai surpris une conversation.
Tu as de la chance avec Julien. Il est travailleur, responsable, investi. Pourquoi Théo nest-il pas comme ça ? Je lui propose de faire sa vie, mais il reste collé aux jupes de sa mère. Il a de largent, mais ne fait rien dautre, se plaignait-elle.
Julien est formidable, a répondu ma femme. Laisse tomber Théo, il nen vaut pas la peine. Il ne sera jamais un bon mari.
Effectivement, beaucoup de femmes ont essayé de changer Théo, mais il na besoin de personne. Il passe ses journées affalé devant la télé. Ma mère ne supporte aucune de ses copines ; aucune nest assez bien pour son fils.
À ce moment, jai réalisé que jétais fier de moi, et vraiment heureux. La vie ma récompensé pour toutes ces épreuves. Aujourdhui, jai une belle famille, une femme aimante, une fille adorable et une maison à moi, tout ça grâce à mon travail et ma persévérance.
