Clémence, pourquoi on voudrait un bébé? lançait la femme en riant on se porte déjà très bien à deux! Mon cher, les enfants, cest le cauchemar: ils ne laissent jamais dormir, il faut les surveiller 24h/24. Ma silhouette serait ruinée, je deviendrais gros estce vraiment ce quon veut? On remettra la grossesse à dans six ans?
Jean et Clémence étaient mariés depuis cinq ans, et au départ tout ressemblait à un conte de fées. Puis Jean a doucement semé dans lesprit de sa femme lidée de la maternité. Clémence, tant quelle le pouvait, repoussait ce moment, puis, un jour, a déclaré quelle ne voulait même plus entendre parler denfants. Leur relation sest détériorée, les disputes se sont multipliées. Jean a fini par user dun chantage lamentable, mais la femme narrêtait de répéter ces derniers mois:
Jean, à quoi bon ce petit nuage de bave et de crottes? Les nuits blanches, les couches qui volent, une silhouette de vache après le vêlage et une fatigue permanente. Et ce nest même pas la pire des listes! Je ne veux pas sacrifier ma jeunesse pour ça. Attends un peu!
Les mots de Clémence ont frappé Jean comme un éclair. Avant le mariage, elle rêvait dune grande famille et lui assurait :
Bien sûr, mon amour, on aura plein denfants! Au moins trois! Mais pas tout de suite, daccord? On profite dabord, on sinstalle, puis on aura les bouts de chou.
Cinq ans après les noces, Clémence déclare soudain quelle nest «pas encore prête». Jean, qui a toujours rêvé dun héritier, tente de la convaincre que le moment est venu :
Clémence, ça fait huit ans quon est ensemble, dont cinq mariés. Il est temps de penser à la suite! On a un appartement à Paris, une petite berline, les indemnités de congé maternité sont déjà mises de côté, et des économies en euros. Quattendonsnous?
Pourquoi tu penses que cest le moment? grogna Clémence je veux encore profiter de ma vie. Jai tant de projets! Un bébé ne rentre pas dans ce planning. On se porte très bien à deux, on a tout! Pourquoi un troisième?
«Un troisième»? Tu parles du bébé comme dun inconnu? Clémence, quand vastu mûrir? sindigna Jean dans une famille normale, il faut des enfants. Je veux être père, point final! Comment expliquestu ce revirement? Avant le mariage, tu disais le contraire!
Parce que, Jean, cest facile à dire pour toi! explosa Clémence ce nest pas à toi de porter neuf mois de ventre, de souffrir du nausée, de combattre la prise de poids! Jai tracé mon corps depuis cinq ans à la salle! Et maintenant tout doit être jeté? Je ne veux pas perdre ma forme, ni renoncer à mon style de vie! Après laccouchement, je perdrais des années damitiés, de sorties, de shopping, bref, dune vie «normale»! Pourquoi je devrais le faire?
Tout le monde vit comme ça! tentait de raisonner Jean rien de grave, le petit grandira, tu reprendras tes loisirs. Je promets de taider à chaque instant!
Jean, remettonsnous à ça dans cinq ou six ans? Daccord? Je ne suis pas prête maintenant! Je ne veux pas nous disputer, accepte mon point de vue. Au final, cest mon corps, et jai le droit de décider ce que jen fais. Je ne veux pas le déformer!
Au départ, Jean essayait toutes les techniques. Ils regardaient des films sur la vie «enfantine», se promenaient dans les parcs de Versailles et près des aires de jeux. Il essayait même de la faire aider une cousine qui venait daccueillir son quatrième enfant, en lemmenant souvent chez elle. Mais Clémence ne montrait aucun enthousiasme, au contraire, elle semblait même mal à laise quand elle touchait le nourrisson. Son instinct maternel était aux abonnés absents.
Après avoir épuisé toutes les méthodes, Jean a posé léventualité ultime :
Clémence, si tu ne veux pas denfants, nos chemins se séparent! Divorçons. Chacun ira de son côté. Tu trouveras quelquun qui partage tes envies, et moi je ne veux pas rester seul.
Clémence a eu peur, la séparation ne lui était jamais venue à lesprit. Elle travaillait à domicile, et Jean laidait. En cas de rupture, elle devrait chercher un nouveau job et un nouveau logement.
Jean, attends! implora-telle pourquoi ces paroles? Un divorce? Tu veux vraiment me perdre pour une bêtise?
Ce nest pas une bêtise! répliqua Jean jai grandi dans une famille nombreuse, jai des frères et sœurs. Un mariage sans enfants est voué à léchec. On perd du temps. Si tu ne veux pas denfants, pourquoi rester ensemble? Tu mas menti pendant tout ce temps. Avant le mariage, tu disais que tu en voulais! Maintenant, cest à cause de la peur de prendre du poids? Cest ridicule!
Jean, pourquoi ne pas simplement profiter de la vie? Un enfant, cest des dépenses astronomiques. On devra renoncer à nos plaisirs. Toi, rien, mais moi je devrai tout changer! Avec un bébé, on ne sort plus, on ne part jamais! Il faut être présent 24h/24. Nuits blanches, fatigue permanente. Je ne suis pas prête. Tu comprends?
Je vais engager une nounou! Et une femme de ménage! Les parents aideront! Quel est le problème? sécria Jean le problème, cest ton attitude! Aucun peu de tendresse dans tes yeux! Dismoi ce que tu veux vraiment? Quelle vision de notre avenir?
Clémence nosait pas admettre quelle navait aucun projet denfant. Elle voulait voyager, soffrir des vêtements de créateurs, et pour cela, elle comptait sur un mari qui payerait tout. Même si elle avait de laffection pour Jean, laspect financier était primordial.
Elle na trouvé aucun soutien. Sa tante a même déclaré :
Clémence, tu te comportes comme une honte! Tu as perdu la notion de la décence! Tu as oublié que tu es mariée! Tu traînes dans les bars pendant que ton mari travaille! Cesse de déshonorer la famille!
Tante, questce que je fais de mal? Jean sait où je vais. Ce nest pas tous les jours! Le weekend, je suis à la maison, sans sortie! Donnezmoi un conseil, pas des reproches. Nous nous disputons pour les enfants. Il veut, je ne veux pas. Pourquoi maintenant? Peutêtre que vous pourriez lui parler? Il vous respecte, il écoutera peutêtre?
Je ne parlerai pas avec lui! a rétorqué la tante il a raison. Il est temps que tu ailles accoucher! Alors ton esprit sera clair!
Clémence nallait pas renoncer à ses principes. En fin de compte, cétait son corps, et elle en était maîtresse. Pour détourner lattention de son mari, elle a feint daccepter. Un jour, elle a jeté dramatiquement un paquet et a déclaré :
Très bien, Jean, jaccepte! Je suis prête à te donner un enfant, à condition que ce soit une nounou qui lélève, et que je moccupe de mes affaires!
Jean a cru son jeu. Mais Clémence continuait à avaler discrètement des pilules, et pour calmer la curiosité de Jean, elle la amené plusieurs fois chez un médecin ami. Ce dernier, les mains en lair, a conseillé :
Il ny a aucun problème. Détendezvous! Oubliez le bébé pour linstant! Jai vu plein de couples qui, après des années dinfertilité, ont laissé faire le temps et tout sest résolu naturellement!
Six mois plus tard, létrange imprévu tant redouté sest produit: le test de grossesse a affiché deux bandes. Clémence a paniqué: que faire? Accoucher? Saboter sa vie soigneusement construite?
Le mari est entré dans la salle de bain sans prévenir. Clémence a essayé de cacher le test derrière son dos, mais il était trop tard.
Questce que cest que ça? a demandé Jean en sapprochant.
Clémence est restée muette, la tête baissée. Jean a saisi le test dans sa main.
Clémentine! Tu es enceinte! Mon Dieu, je vais devenir père! il la prise dans ses bras, la tournoyée dans la salle de bain Merci, ma chérie! Cest le jour le plus heureux de ma vie!
Clémence a esquissé un sourire. Que faire maintenant? Comment se débrouiller?
Ils ont célébré lévénement dans un restaurant du Marais. Au doigt de Clémence brillait une nouvelle bague, Jean était assis en face delle, costume élégant, sourire éclatant, répétant sans cesse :
Nous serons les meilleurs parents du monde! Je te promets que tu ne manqueras de rien! Merci, mon amour!
Cette nuit-là, Clémence na pas pu dormir longtemps. Le visage joyeux de Jean hantait ses pensées, des doutes malsains sinfiltraient :
Peutêtre quun enfant améliorera réellement notre vie? Peutêtre que je crains seulement le changement? Je peux perdre du poids, prendre soin de moi Les femmes sen sortent toujours. Et puis cest un bébé de lhomme que jaime
Pour la première fois depuis des années, le cœur de Clémence a tremblé. Un nouveau sentiment, inconnu, sest éveillé. Peutêtre atelle bien fait?
Neuf mois ont filé à toute vitesse. Jean portait Clémence dans ses bras, exauçait tous ses caprices. Ils ont choisi ensemble la maternité, suivi des cours de préparation à la parentalité. Clémence essayait de le soutenir, mais la peur de laccouchement et de la maternité la hantaient.
Le jour prévu, Clémence a mis au monde un petit garçon en bonne santé. Lorsquon la posé sur son ventre, elle a vu pour la première fois son visage. Un petit nuage ridiculement ressemblant à Jean, qui gazouillait. À cet instant, toutes ses peurs ont disparu.
Mon chuchota-telle, les larmes coulant sur ses joues.
Ils lont nommé Sacha. Dès les premiers jours, Clémence a plongé dans la maternité. Elle allait le nourrir, chantait des berceuses, le promenait au parc. Elle même jalousait Jean lorsquil tenait Sacha dans ses bras. Chaque soir, près du berceau, elle se posait la même question : comment aije pu être si stupide? Si seulement elle avait su combien le bonheur lattendait dans la maternité.







