Mieux vaut être une épouse aimée qu’une fille exemplaire

**Mieux vaut être une épouse aimée qu’une fille exemplaire**

Lila, choisis : soit moi, soit tes vieux parents ! Cette fois, mon mari était inflexible, la voix dure comme lacier.
Rodolphe, tu sais bien que je te suivrais au bout du monde. Mais ne rejette pas mes parents. Tu dis toi-même quils sont vieux Aie un peu de pitié
Je ne veux plus les voir ! Si tu es une fille si exemplaire, va leur rendre visite sans moi. Ses yeux se firent glace, et je sentis le reproche comme une lame.

Mon premier mari était un homme marqué par la guerre dAlgérie. Sébastien mavait semblé courageux, indomptable. Et il létait. Commandant, décoré, un soldat endurci.
Notre fils, Matthieu, était né. Mes parents ne tarissaient pas déloges sur mon époux, sur leur petit-fils.
Maintenant, Lila, ta mère et moi pouvons mourir tranquilles. Sébastien est un homme solide. Notre âme est en paix. Nous tavons confiée à de bonnes mains, ne nous déçois pas. Mon père ne manquait jamais une occasion de me rappeler combien mon mari était exceptionnel.

Pourtant, Sébastien ignorait Matthieu. Lenfant courait vers son père, mais celui-ci partait à la pêche, retrouvait ses frères darmes, ou nétait « pas dhumeur ». Peu à peu, Matthieu cessa de sintéresser à lui.
Pire encore. Les dépressions de Sébastien devinrent terribles. Alors, mieux valait ne pas lapprocher. Je méloignai. Matthieu avait cinq ans quand, ivre mort, Sébastien enfilà son uniforme et pointa son pistolet dhonneur sur notre fils. Ce fut la fin. Je compris que la guerre lavait brisé. Je ne pouvais risquer nos vies. Nous divorçâmes dun commun accord.

Mes parents me couvrirent de honte :
Mauvaise épouse ! Où trouveras-tu un tel homme ? Il nen existe plus ! Tu le regretteras
Le temps me donna raison. Sébastien ne fut plus quune page tournée. Il erra des années avant dépouser une femme sourde et muette.

Mon second mariage vint vite. Pour mon travail, je voyageais souvent dans les villages, rédigeant des contrats. Cest ainsi que je rencontrai Rodolphe Fournier, un haut fonctionnaire. Beau, élégant, souriant il me conquit aussitôt. Nos désaccords professionnels mobligèrent à revenir dans son bureau Puis vint le dîner.
Lila, permettez-moi de vous raccompagner demain. Ce soir, dînons ensemble. Il effleura ma main de ses lèvres.
Jacceptai. Matthieu était chez mes parents. Je pouvais me laisser séduire.

Et tout senchaîna Une passion ardente, dévorante. Rodolphe avait six ans de moins que moi, divorcé, père dune fillette de sept ans.
Je savais que mes parents le mépriseraient. Trop jeune, trop léger un « blanc-bec ». Mais je laimais comme jamais. Leur avis ? Peu importe.
Papa, maman, je me remarie. Rodolphe vous invite au restaurant. Les mots me brûlaient les lèvres.
Ils restèrent bouche bée :
Tu plaisantes, Lila ? Nous pensions que tu retournerais vers Sébastien. Vous avez un enfant !
Oubliez Sébastien. Il a oublié Matthieu. Cest tout. Demain, vous rencontrerez mon fiancé. Et ne mentionnez pas mon ex ce serait de mauvais goût.

Rodolphe arriva, les bras chargés de cadeaux, et proposa :
Après le mariage, vivons ensemble. Vous vieillissez. Nous serons là pour vous courses, médicaments, urgences Quen dites-vous ?
Mon père gratta sa nuque :
Hum peut-être. Mais où ? Nous sommes dans un deux-pièces. Lila a son petit appartement, légué par son ex. Son regard me transperça. Et toi, gendre, où loges-tu ?
Je rêve dune maison à trois étages. Je la construirai, nous y vivrons tous. Rodolphe sourit, comme sil nous voyait déjà réunis.

Nous nous mariâmes dans la joie. Rodolphe moffrit une croisière en Méditerranée. Nous voyagerions à travers lEurope avec Matthieu et sa fille. Son ex nous confiait volontiers lenfant.
Rodolphe adopta Matthieu. Mais sa fille, Juliette, me toisait en silence, chuchotant à son oreille.

Trois ans plus tard, nous emménageâmes dans notre maison. Un domaine à la campagne, avec potager, verger Rodolphe y avait tout prévu pour mes parents : cuisine et chambre au rez-de-chaussée, Matthieu au troisième « Quil monte, il est jeune ! » Notre chambre au deuxième. Une cuisine dété, un garage

Plus tard, il offrit une moto à Matthieu pour ses 20 ans, une voiture pour mon anniversaire, une cure thermale à ma mère, un bateau de pêche à mon père.
Pourtant, mes parents et Matthieu prenaient tout pour acquis, critiquant Rodolphe sans cesse. Lui feignait lindifférence :
Lila, je veux la paix. Quils murmurent. Ma conscience est claire. Je les respecte. Que veulent-ils de plus ? Leur idéal, cest Sébastien. Mais je ne peux me dédoubler.

Nous devînmes étrangers. Mes parents ne comprirent jamais quun couple est à deux, pas un bulldozer à sens unique.

Le temps fila
Matthieu amena une fille à la maison :
Cest Véronique. Elle vit avec moi.
Qui est-elle ? Ta fiancée ? Ta femme ? Je méfiai.
Il lentraîna dans sa chambre sans répondre.
Soit. Il était adulte. Ses choix ne me regardaient plus.

Mais Véronique nétait pas timide. Un jour, cigarette au bec, elle mannonça :
Lila, on veut le deuxième étage. Jattends un enfant. Parle à tes vieux.
Tu es chez moi. Respecte tes aînés. Sinon, la porte est ouverte.
Elle hurla :
Matthieu ! Elle me jette dehors, enceinte !
Matthieu me poussa violemment. Ma tête heurta la table. Réveil à lhôpital, commotion cérébrale. Mon fils, que javais tant chéri, mavait frappée ! Pour cette fille. Qui, au final, ne portait aucun enfant.

Rodolphe, furieux, voulut appeler la police. Je refusai. « Jai glissé », mentis-je.
La trahison me rongea. Puis Matthieu vint, à genoux :
Pardon, maman.
Je lembrassai, soulagée. Enfin, la paix ?

Hélas Ce soir-là, Rodolphe murmura :
Sais-tu que Véronique est venue dans notre lit pendant ton absence ?
Quoi ?
Je me suis réveillé. Elle me regardait, ivre. Matthieu dormait. Je lai chassée.
Et alors ?
Rien. Elle est partie.

Que faire ? En parler à Matthieu ? Il ne me croirait pas. Attendre

Mes parents envenimèrent tout :
Lila, ton mari est un coureur ! Quand tu voyages, il va voir des filles ! Chasse-le !
À force dentendre des mensonges, on finit par douter. Nos querelles senvenimèrent. Rodolphe partit. Un mois sans nouvelles.

Puis une amie appela :
Lila, jai vu Rodolphe avec une inconnue
Idiote que jétais ! Laisser un tel homme seul ? Les prédateurs guettent.

Je le récupérai. La « rivale » était Juliette, toujours célibataire à 25 ans, trop occupée par sa carrière.

Rodolphe avait réfléchi :
Choisis : moi ou tes parents. Sinon, nous divorcerons.
Mes parents, si faibles dhabitude, retrouvaient leur vigueur pour linsulter. Jamais ils ne lacceptèrent.

Nous partîmes. Achetâmes une petite maison à rénover. Dix ares, mais la liberté. Mieux vaut leau claire dans la joie que le miel dans les larmes.

Mes parents me maudirent :
Tu nes plus notre fille ! Tu nous abandonnes ! Véronique veut nous mettre en hospice ! Que ton mari crève !

Mais Rodolphe et moi vivons heureux, enfin. Le soir tombe doucement sur notre jardin. Je regarde Rodolphe tailler les rosiers, ses mains sûres, son sourire tranquille. Plus de cris, plus de chaînes. Juste le chant des oiseaux et le silence complice entre nous. Parfois, une lettre arrive de Matthieu, contrite, quil veut nous revoir. Je la pose sur la table, sans réponse. Certaines blessures ne se referment pas. Mais ici, dans cette maison où chaque pierre est nôtre, nous avons reconstruit lessentiel : une vie où lamour ne se partage pas avec les fantômes du passé.

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Mieux vaut être une épouse aimée qu’une fille exemplaire
À 52 ans, je n’ai rien : pas de femme, pas de famille, pas d’enfants, pas de travail… rien du tout.