**Aimer en souffrant, souffrir en aimant**
Le mariage dÉtienne et de Mélanie fut béni par lÉglise. Ce jour-là, alors que le cortège nuptial approchait de léglise, une tempête estivale se leva sans prévenir. Le vent emporta brutalement le voile de la mariée, qui senvola comme un ballon avant de retomber dans une flaque boueuse. Les invités restèrent bouche bée. La bourrasque sévanouit aussi vite quelle était venue. Étienne se précipita, mais trop tard.
Le voile immaculé gisait souillé. Mélanie, bouleversée, lui cria :
« Non, ne le ramasse pas ! Je ne le porterai pas ! »
Les vieilles femmes assises près de léglise chuchotèrent : « Leur vie sera pleine dorages »
Dans une boutique voisine, on acheta une fleur blanche en soie pour la fixer dans les cheveux de Mélanie. Pas le temps de chercher un autre voile il ne fallait pas rater la cérémonie !
Les « nouveaux époux » échangèrent leurs vœux devant lautel, tenant leurs cierges, unis pour Dieu. Mais avant la bénédiction, ils avaient signé à la mairie et célébré une fête somptueuse. Pour les autres
Trois ans plus tard, leur foyer comptait deux enfants : Claire et Lucas. La vie coulait paisiblement.
Dix ans après, une jeune femme frappa à leur porte. Mélanie, toujours accueillante, linvita à entrer. Dun regard, elle lévalua : élégante, souriante, dune beauté éclatante.
« Bonjour, Mélanie. Je mappelle Élodie. Je suis la future femme de votre mari. »
« Curieuse nouvelle ! » sexclama Mélanie, stupéfaite.
« Depuis quand Étienne est-il votre fiancé ? »
« Longtemps. Mais je ne peux plus attendre. Nous attendons un enfant. »
Mélanie sourit amèrement. « Le scénario classique : lépouse, la maîtresse, lenfant illégitime Vous savez que nous sommes mariés devant Dieu ? Que nous avons des enfants ? »
« Je sais tout. Mais nous nous aimons ! Vous pouvez demander lannulation »
« Écoutez, jeune fille, ne vous mêlez pas de ma famille ! Nous réglerons nos problèmes sans vous. Au revoir ! »
Élodie haussa les épaules et partit. Mélanie claqua la porte.
Elle repensa aux absences étranges dÉtienne, à ses retards, à ces « voyages imprévus ». Elle avait senti le mensonge, comme toutes les femmes.
Ce soir-là, après le dîner, elle laffronta :
« Tu es amoureux ? »
« Oui. »
« Élodie est venue. Cest sérieux ? »
« Je suis un lâche. Je ne peux pas vivre sans elle. Laisse-moi partir, Mélanie. »
« Va. »
Elle comprit quaucun argument ne le ferait revenir.
Étienne partit. Mélanie se rendit à léglise. Le prêtre lécouta et murmura :
« Lamour est patient, ma fille. Vous avez le droit de rompre ce lien, car il a failli. Mais vous pouvez aussi pardonner et attendre. Les voies du Seigneur sont mystérieuses »
Deux mois plus tard, Mélanie découvrit quelle portait un enfant. Un signe, pensa-t-elle. Étienne reviendrait.
Son fils naquit. Sa mère suggéra de lappeler Stéphane la version française dÉtienne. « Peut-être quil reviendra »
Étienne ne négligea pas Claire et Lucas. Il leur offrait des cadeaux, les emmenait en vacances, envoyait de largent. Mélanie leur interdit de parler du bébé. En vain.
Claire tout révéla à son père lors dune visite. Étienne crut que Mélanie avait refait sa vie. Son cœur se serra.
Pendant ce temps, Élodie, alitée à la maternité, accoucha dune petite fille morte-née. Une seconde grossesse se termina par une fausse couche.
Étienne, rongé par la culpabilité, resta à ses côtés.
Mélanie, elle, revit Valéry, un ancien camarade de fac qui lavait jadis courtisée. Il navait jamais épousé personne. Il commença à lui rendre visite, apportant des cadeaux aux enfants, des fleurs à Mélanie.
« Viens si tu veux, mais jattends mon mari. Rien ne se passera entre nous. »
Valéry accepta : « Je te considérerai comme une sœur, alors. »
Chez Étienne, un rayon de soleil perça : Élodie donna naissance à une petite fille en pleine santé. On lappela Béatrice « la bénie ».
Élodie, submergée par la maternité, comprit enfin la douleur quelle avait infligée. Elle aurait voulu demander pardon à genoux.
Cinq ans plus tard, Élodie tomba gravement malade. Les médecins la renvoyèrent chez elle, condamnée.
« Emmène-moi chez Mélanie », supplia-t-elle.
Étienne la porta jusquà leur ancienne maison. Mélanie les accueillit.
« Laissez-nous », murmura Élodie.
Une fois seules, elle pleura :
« Pardonne-moi Prends Béatrice avec toi. Promets-moi de lélever avec Étienne. »
Mélanie lui prit la main.
« Ce nest pas Dieu qui punit, cest nous. Je tai pardonnée depuis longtemps. Restez ici, tous les deux. La maison est assez grande. »
Valéry, lui, se prit daffection pour Élodie. Il veillait sur elle, lui parlait avec tendresse. Sans sen rendre compte, il tomba amoureux.
Élodie, peu à peu, reprit goût à la vie.
Un jour, elle annonça :
« Nous partons, Valéry, Béatrice et moi. Merci pour tout. »
Étienne et Mélanie échangèrent un regard. Ils savaient.
Plus tôt, Étienne avait avoué à Mélanie :
« Je veux revenir. Pardonne-moi. »
Elle lavait serré dans ses bras.
Au moment des adieux, Élodie murmura à Étienne :
« Aime Mélanie. Plus que tout. »
Et ils se séparèrent, chacun trouvant enfin la paix.
**Leçon :** Lamour vrai survit aux tempêtes. Parfois, il faut perdre pour mieux retrouver.







