De la première rencontre à l’adieu : Une histoire d’amour à la française

*De la Rencontre à lAdieu*

Il y a cinq ans, Élodie se retrouva seule. Son mari, Jean-Claude, avait succombé à un long combat contre le cancer. Avant cela, leur fille unique, Camille, sétait mariée et avait quitté Lyon pour sinstaller à Bordeaux. Elle avait donné naissance dabord à un garçon, Théo, puis trois ans plus tard à une fille, Lila. Quand Jean-Claude était encore en bonne santé, Élodie leur rendait visite. Mais une fois quil tomba malade, elle ne put plus le quitter.

Camille venait parfois, laissant les enfants avec son mari. Elle estimait quils navaient pas besoin de voir leur grand-père souffrir. Aux funérailles, elle arriva seule. Et dès la cérémonie terminée, elle sapprêta à repartir.

Désolée, maman Théo et Lila ont besoin de moi. Mais viens chez nous, sil te plaît. Pourquoi rester seule ici ?

Et elle partit. Élodie se retrouva face au silence de lappartement. Elle se languissait désespérément de Jean-Claude. Malade, oui, mais au moins il était là. Et maintenant ? Personne navait plus besoin delle.

Neuf jours plus tard, elle décida de se rendre chez Camille. Mais sa fille et son gendre travaillaient toute la journée, et les petits, quelle voyait si rarement, se montraient distants. Élodie se sentait de trop. Après une semaine, elle annonça son départ.

Maman, reste encore un peu, proposa Camille, sans insister quand Élodie refusa.

Elle ne revint plus. Lannée dernière, cependant, ils firent une halte chez elle en revenant de vacances dans le sud. Théo, presque quatorze ans, ne quittait plus ses écouteurs ni sa tablette. Lila, avec ses mèches roses, passait ses journées à envoyer des messages en mâchant du chewing-gum.

Élodie tenta den parler à Camille. Ces habitudes nétaient-elles pas mauvaises pour des enfants ? Savait-elle ce quils regardaient, avec qui ils parlaient ?

Maman, tous les ados sont comme ça aujourdhui. Les interdire ne ferait quempirer les choses, répondit Camille en haussant les épaules.

Avant leur départ, Élodie insista.

Je me sens si seule Venez plus souvent. Les enfants ne me connaissent même plus. Je suis encore en forme, pourquoi ne pas les envoyer chez moi pendant les vacances ?

Maman, tu veux vraiment tembêter avec eux ?

Ce sont mes petits-enfants ! Quel embêtement ?

On verra, dit Camille. Mais en un an, elle ne les envoya jamais.

Alors Élodie prit le train pour Bordeaux. Pourquoi pas ? À la retraite, elle avait tout son temps. Les parents travaillaient, Théo et Lila se nourrissaient de pizzas et de sushis. Quelle nourriture ! Elle se mit à cuisiner. Dabord, tout le monde se réjouit des soupes, des crêpes et des tartes. Puis les enfants retournèrent à leurs livraisons. Un jour, le gendre la surprit en train de laver la vaisselle à la main.

On a un lave-vaisselle, vous nêtes pas obligée de vous épuiser, grogna-t-il.

Camille soupirait et rangeait les assiettes différemment. Théo se plaignit :

Mamie a tout remué dans mon placard, je ne retrouve plus rien !

Jai juste tout rangé, se défendit Élodie.

Maman, ne toccupe pas de leurs affaires, conseilla Camille.

Mamie, arrête les gâteaux, jai pris un kilo, gémit Lila.

Et la pizza, ça ne fait pas grossir ? rétorqua Élodie.

Bref, elle comprit quelle dérangeait. Le gendre proposa aussitôt de la conduire à la gare.

Élodie songea à Jean-Claude. Sil avait vécu Pourquoi lavait-il quittée si tôt ? Elle navait même plus personne à qui parler. Et si elle tombait malade ?

Autrefois, elle tricotait, brodait. Mais sa vue baissait, leffort lui donnait des migraines. Que faire à la retraite ? Cuisiner ? Mais pour qui ?

Une amie était morte peu après son mari. Une autre était submergée par ses petits-enfants.

***

Cétait lété indien, les derniers jours de douceur. Un soleil pâle éclairait les feuilles dorées qui crissaient sous les pas. Élodie emporta un sac de pain rassis et partit se promener au parc.

Assise sur un banc, elle émietta le pain pour les pigeons. Bientôt, une nuée doiseaux lentoura, même des moineaux sapprochèrent.

Elle les regarda, songeant à son sort. La jeunesse passe si vite, la vie est fragile, et la vieillesse arrive. Elle avait espéré vieillir avec Jean-Claude. Il était parti, et sa famille navait plus besoin delle

En voilà une assemblée, dit une voix près delle.

Un homme était assis à lautre bout du banc. Élodie, perdue dans ses pensées, ne lavait pas vu arriver. Soigné, à peu près son âge, peut-être un peu plus.

Je vous vois souvent ici, dit-il.

Elle ne le reconnaissait pas. Elle ne remarquait jamais personne lors de ses promenades solitaires.

Je suis seul aussi. Ma femme est morte il y a huit ans, et je ne my fais toujours pas, soupira-t-il.

*Comme sil lisait dans mes pensées.* Elle lobserva. Bien habillé, pantalon repassé, rasé de près.

Jaime lautomne. Ces derniers beaux jours Bientôt la pluie emportera tout, dit-il en levant le visage vers le soleil.

Vous avez de laide ? Vous êtes si bien tenu

Après le décès de ma femme, jai dû apprendre. Ce nest pas sorcier. Mon fils a sa famille, ma belle-fille est débordée. Vous pensez quun homme ne peut pas se débrouiller ? Je mappelle Gérard. Regardez ces moineaux, si vifs. Ils volent les miettes sous le bec des pigeons. Et vous, comment vous appelez-vous ?

Élodie.

Jolie

Оцените статью
De la première rencontre à l’adieu : Une histoire d’amour à la française
La vie, elle est comme ça