**Journal dun homme 15 octobre**
Élodie, je ten supplie, viens…
Maman, tu sais bien que je ne viendrai pas !
Ma chérie, il est très mal…
Arrête, je ne bougerai pas dici.
« Je les déteste ! » Élodie jeta son téléphone avec rage. Elle se dirigea vers le frigo, en ouvrit la porte dun geste sec et attrapa une bouteille de vin. Elle remplit un verre, hésita, puis le vida dans lévier. Affaissée sur une chaise, elle éclata en sanglots.
Dix ans. Dix ans quelle navait pas mis les pieds dans la maison familiale.
Tout avait commencé en terminale. Élodie était tombée amoureuse. Ses amies traînaient souvent en boîte ou aux soirées de la fac voisine. Un soir, cédant à leurs pressions, elle y était allée. Cest là quelle lavait rencontré, *Lui*. Il jouait dans un groupe, chantait comme un ange. Fils de diplomate, toutes les filles le suivaient comme un essaim. Pourquoi avait-il choisi Élodie ? Mystère. Pour la première fois, elle aimait. Elle courait à leurs rendez-vous, négligeant les études, mentant à ses parents.
Leur idylle fut brève. Elle tomba enceinte. Lui commença à léviter, puis disparut. Sa mère, en revanche, se pointa : un bon gynéco, un « problème » réglé. « Notre fils ne mérite pas une traînée comme toi », avait-elle craché.
Élodie mit du temps à lavouer à sa mère. Quand son ventre devint impossible à cacher, elle se confessa.
Salope ! Tu ne penses quà faire la fête ! hurlait son père. Quelle honte ! Comment je vais regarder les gens en face ? Dégage ! Je ne veux plus te voir !
Sa mère pleurait en silence. Elle navait jamais osé contredire ce tyran domestique qui écrasait toute volonté.
Élodie fourra quelques vêtements dans un sac et partit. Dabord, elle squatta chez des amis, mais personne ne la supporta longtemps. Après un prêt dune copine, elle partit pour Lyon, chez une tante dont sa mère parlait parfois. Son père, jaloux et possessif, lavait coupée de sa famille.
À Lyon, mauvaise surprise : la tante avait déménagé après son mariage. Perdue, affamée, Élodie erra vers la gare. Des vieilles vendaient des sandwiches aux voyageurs. Lestomac noué, elle tenta den voler un. Maladroite, elle se fit prendre. La vendeuse leva la main, mais, voyant son ventre, sarrêta net.
La bouche pleine, Élodie lui raconta tout. La femme, seule au monde, lhébergea.
Jusquà laccouchement, Élodie vendit des crêpes près de la gare. Elle rêvait déconomiser assez pour rentrer, espérant le pardon de son père.
Mais Lyon devint son foyer pour dix ans.
Elle eut une fille. La vendeuse devint « Mamie » pour lenfant. Pendant que la vieille soccupait du bébé, Élodie travailla. Dabord femme de ménage dans une épicerie, puis caissière remplaçante. Elle grimpa les échelons : responsable de caisse, gérante adjointe. Quand un hypermarché ouvrit à côté, elle y fut promue chef de rayon.
Après la naissance, elle avait appelé sa mère. Elle voulait revenir. Mais sa mère refusa : son père lavait rayée de sa vie.
Quand sa bienfaitrice mourut, lui léguant sa maison, Élodie rappela. Elle avait besoin daide pour sa fille. « Maman pourrait fuir ce tyran un temps », pensait-elle. Nouveau refus. Le contact séteignit.
Et aujourdhui, cet appel…
Dix ans à attendre un « Pardon. » ou un « Reviens. » Mais maintenant ? Pourquoi ? Que voulait-il entendre ? « Désolée, papa, jai eu tort » ?
La haine sétait émoussée avec les années. Mais la douleur restait. Lincompréhension, lhumiliation, la peur… Ça avait été si dur. Parfois, elle ne voulait plus vivre.
Et pourtant. Aujourdhui, elle était respectée. Sa maison était moderne, sa fille dans un lycée prestigieux. Son fiancé lui avait demandé sa main.
« Tout va bien, songea-t-elle. Serais-je devenue cette femme forte si mon père ne mavait pas laissée tomber ? Pardonner, tourner la page… Pour moi. Pour mon avenir. »
Elle appela son travail, expliqua la situation… et commença à préparer sa valise.
**Leçon du jour :**
Parfois, les blessures des autres font de nous qui nous sommes. Mais la vraie force, cest de choisir de guérirpas pour eux, pour soi.







