Un homme débarrassait son débarras, jetant vieilleries et détritus. Il a accumulé un gros tas dans la cour.

Un homme nettoyait son débarras, jetant les vieilleries et les déchets. Il avait amassé un grand tas dans la cour quand il remarqua un petit livre sale, probablement oublié par des enfants. Il louvrit et se mit à lire. Ses yeux tombèrent sur ces mots : « Lhomme est-il né pour gratter la terre et mourir sans même avoir eu le temps de creuser sa propre tombe ? »

Ces lignes le frappèrent comme un coup de tonnerre. Nétait-ce pas exactement sa vie à lui ? Depuis sa jeunesse, rien que du travail. À la maison, au jardin, à réparer la clôture ou le portail. Au printemps, il fallait labourer, semer, entretenir. Lui et sa femme avaient même agrandi leur lopin de terre, sacrifiant leur jeunesse à cette tâche interminable.

Le foyer les avait réduits en esclaves. Avec lâge, leurs dos sétaient voûtés sous le poids des années. Ils navaient rien vu, rien vécu ! Jamais ils nétaient partis. Leur esprit sétait engourdi, leurs mains avaient pris la couleur de la terre, leurs regards ne quittaient plus le sol.

Et sa femme ? Elle lavait, cuisait, stérilisait, préparait confitures et conserves. Une éternelle obsession pour le pain quotidien. Gorki avait raison dans *La Mouette* : lhomme est un esclave, toujours soucieux de sa subsistance.

Ils navaient jamais lu, jamais touché à la culture. Ils peinaient à aligner deux mots. Une douleur lui serra le cœur. Toute sa vie lui sembla gâchée. Quelque part, il y avait des théâtres, des palmiers, des gens élégants parlant de choses raffinées, tandis que lui et sa femme étaient restés de simples paysans.

Leurs enfants suivraient le même chemin. Leur sort était déjà scellé.

Quavait-il connu de bon ? Jamais il navait porté de beaux vêtements. Il nétait jamais allé plus loin que la Bretagne. Paris ? Jamais. Une seule fois, il avait pris lavion. Le train, quelques rares fois.

Sa vie entière sétait résumée à la cour, au potager, aux bêtes et aux poules. Travail jusquaux vacances, et pendant les vacances, travail à la maison. Une femme toujours affairée.

Et puis, un jour, on rend lâme, « sans même avoir creusé sa tombe ». Quelle vérité !

Il lissa le livre crasseux, le porta dans lentrée et le posa sur la commode. Impossible de le jeter. Tout le monde devrait le lire, pour réfléchir à son propre esclavage.

Le jour sacheva. Assis dans la pénombre avec sa femme, sans allumer la lumière, il lui confia ses pensées sur lesclavage et la terre, sur cette vie gaspillée. Bientôt, la mort viendrait, et ils nauraient connu que les sillons des champs. Pourquoi sétaient-ils épuisés ainsi ? La vie ne nous est donnée quune fois, et ils lavaient gâchée.

Sa femme ne répondit rien. Elle se leva, apporta de leau pour les fleurs, puis ouvrit les tiroirs, en sortit des draps propres et fit le lit. Enfin, elle se tourna vers lui et dit : « Va te coucher. Assez de bavardages. »

Aucun des deux ne dormit. Il sentait quelle aussi était éveillée. Elle soupira, puis murmura : « Nous ne serons pas tous des Prjevalski ou des Colomb. Ceux-là, Dieu les a bénis. Ils ont une destinée. Aux autres, Il ordonne de se réjouir du travail et de la terre, délever des enfants, de récolter les pommes de terre. À quoi bon regarder vers les grands ? »

Elle ajouta, après un silence, quelle nétait pas une esclave. Elle avait fait ce quelle voulait, ce qui la rendait heureuse. Et elle navait rien à se reprocher.

Il se leva, enfilant sa vieille veste, et sortit dans la cour. Les étoiles brillaient, dorées, dans le ciel nocturne. Il alluma une cigarette et sassit sur les marches.

« Ma femme est si sage… Cinquante ans ensemble, et je ne le savais pas. »

Elle soccupait du foyer, nourrissait sa famille, maintenait la maison propre. Elle nétait pas une esclave ! Parce que Dieu lavait bénie pour cette tâche, pour les enfants, pour son mari, pour la famille. Parce que tout commence et finit dans le foyer. Quelle femme admirable ! Qui laurait cru ?

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