Papa… cette serveuse ressemble à Maman, tu ne trouves pas ?

Il pleuvait doucement ce samedi matin lorsque Laurent Moreauun milliardaire de la tech et père célibataire épuisépoussa la porte dun petit café tranquille. À ses côtés, sa fille de quatre ans, Élodie, serrait ses petits doigts dans les siens.

Ces derniers temps, Laurent ne souriait plus guère. Pas depuis quAuréliesa femme, son étoileavait disparu deux ans plus tôt dans un accident sur lautoroute. Sans son rire, sans sa voix douce, le monde lui semblait terne. Seule Élodie gardait une lumière dans lobscurité.

Ils sinstallèrent dans un coin près de la fenêtre. Laurent parcourut le menu, les yeux lourds de fatigue, tandis quÉlodie fredonnait et pinçait lourlet de sa robe rose, la faisant voleter.

Puis sa voix, petite mais assurée, rompit le silence.

« Papa cette serveuse ressemble à Maman. »

Les mots lui glissèrent dabord sur lespritavant de lébranler.

« Quest-ce que tu as dit, ma chérie ? »

Élodie pointa du doigt. « Là-bas. »

Le regard de Laurent suivit le sien, et son cœur sarrêta.

À quelques pas, une femme riait avec un client, et pendant un instant, le passé se dressa devant lui. Ces yeux marron si tendres. Cette démarche légère et posée. Ces fossettes qui napparaissaient quavec un vrai sourire.

Cétait impossible. Il avait vu le corps dAurélie. Il sétait tenu devant sa tombe. Il avait signé les papiers.

Pourtant, la femme bougea, et le visage dAurélie bougea avec elle.

Son regard insista trop longtemps. La serveuse le remarqua, et son sourire seffaça. Une émotion fugacereconnaissance, peurtraversa ses traits avant quelle ne disparaisse derrière la porte battante de la cuisine.

Le pouls de Laurent semballa.

Était-ce elle ? Une cruelle ressemblance ? Une farce du destin ? Ou bien pire ?

« Reste là, Élo », murmura-t-il.

Il se leva. Un employé lui barra le chemin. « Monsieur, vous ne pouvez pas »

« Je dois juste parler à la serveuse, dit Laurent en levant une main. Cheveux noirs attachés. Chemise beige. »

Lhomme hésita, puis hocha la tête et séclipsa.

Les minutes sétirèrent.

La porte souvrit. De près, la ressemblance lui coupa le souffle une nouvelle fois.

« Puis-je vous aider ? » demanda-t-elle avec prudence.

Sa voix était plus grave que celle dAuréliemais ses yeux étaient les mêmes.

« Vous ressemblez étrangement à une personne que jai connue, parvint-il à dire. »

Elle esquissa un sourire poli. « Ça arrive. »

« Connaissez-vous le nom Aurélie Moreau ? »

Une fraction de seconde, son regard vacilla. « Non. Désolée. »

Il sortit une carte. « Si quelque chose vous revient, appelez-moi. »

Elle ne la prit pas. « Bonne journée, monsieur. » Et elle séloigna.

Pas avant quil ne remarque le léger tremblement de sa main. Ce tic quavait Aurélie de mordiller sa lèvre inférieure.

Cette nuit-là, le sommeil le fuit. Laurent sassit près du lit dÉlodie, écoutant sa respiration paisible, ressassant chaque instant vécu dans ce café.

Était-ce Aurélie ? Sinon, pourquoi cette femme avait-elle semblé effrayée ?

Il la chercha en ligne et ne trouva presque rien. Aucune photo. Aucune mention sur le site du café. Une seule piste : un prénom glané dans une conversation, « Claire ».

Claire. Ce nom lui resta en travers de la gorge.

Il engagea un détective privé. « Une femme nommée Claire, serveuse rue de Rivoli. Pas de nom de famille. Elle ressemble à ma femmecensée être morte. »

Trois jours plus tard, le téléphone sonna.

« Laurent, dit le détective, je ne crois pas que votre femme soit morte dans cet accident. »

Un froid le traversa. « Expliquez-vous. »

« Les caméras montrent une autre personne au volant. Votre femme était bien passagère, mais les restes nont jamais été formellement identifiés. Les vêtements correspondaient, mais pas les empreintes dentaires. Et votre serveuse ? Claire sappelle en réalité Aurélie Lemaire. Elle a changé de nom six mois après laccident. »

La pièce parut basculer. Aurélie. Vivante. Cachée.

Pourquoi ?

Le lendemain matin, Laurent retourna seul au café. Quand elle laperçut, ses yeux sécarquillèrent, mais elle ne senfuit pas. Elle murmura quelque chose à une collègue, détacha son tablier et indiqua la porte arrière.

Derrière le café, sous un vieil arbre penché, ils sassirent sur une marche en béton.

« Je me demandais quand vous me retrouveriez, dit-elle tout bas. »

« Pourquoi ? Pourquoi disparaître ? »

« Je ne lai pas prévu, avoua-t-elle en fixant ses mains. Jétais censée être dans cette voiture. Mais Élodie avait de la fièvre, alors jai changé mon planning et suis partie plus tôt. Quand jai vu les infos, jai paniqué. Mon sac, ma vestetout indiquait que jy étais. »

« Alors le monde a cru que tu étais morte. »

« Moi aussi, jy ai cru un instant, dit-elle. Puis jai ressenti du soulagement. Ensuite de la honte. Les galas, les caméras, les sourires forcéscette vie métouffait. Je ne savais plus qui jétais, à part être ton épouse. »

Laurent ne répondit pas. Le vent apportait une odeur de café et de pluie.

« Jai assisté à ton enterrement, chuchota-t-elle. Je tai vu pleurer. Jai voulu courir vers toi, vers Élodie. Mais chaque heure passée rendait la vérité plus lourde. Je me suis dit que vous étiez mieux sans quelquun capable de fuir ainsi. »

« Je tai aimée, dit-il. Je taime encore. Élodie se souvient de toi. Elle ta vue et a dit que tu ressemblais à Maman. Que dois-je lui raconter ? »

« Dis-lui la vérité, murmura Aurélie, les larmes coulant librement. Dis-lui que Maman a fait une terrible erreur. »

« Viens le lui dire toi-même, insista Laurent. Reviens à la maison. »

Ce soir-là, il la ramena chez eux. Élodie leva les yeux de ses crayons, retint son souffle, puis courut à toutes jambes pour se jeter dans les bras dAurélie.

« Maman ? » murmura-t-elle.

« Oui, ma chérie, sanglota Aurélie en serrant ses boucles. Je suis là. »

Laurent resta sur le seuil, sentant quelque chose se briser et se réparer à la fois.

Les semaines suivantes, la vérité se déroula sans bruit. Laurent usa de ses relations pour régulariser discrètement la situation dAurélie. Pas de communiqués. Pas de gros titres. Juste des soirées pâtes, des tableaux de bons points et des histoires avant de dormir. Une seconde chance, simple et quotidienne.

Aurélie réapprenait à existerni comme la femme que le monde photographiait autrefois, ni comme lombre qui servait du café sous un faux nom, mais comme celle quelle choisissait dêtre.

Un soir, après quÉlodie eut enfin cédé au sommeil, Laurent demanda : « Pourquoi maintenant ? Pourquoi rester ? »

Aurélie soutint son regard, déterminée. « Parce que je me souviens qui je suis. »

Il haussa un sourcil.

« Je ne suis pas seulement Claire la serveuse, dit-elle, ni juste lépouse du milliardaire. Je suis la mère dÉlodie. Une femme qui sest perdueet qui a enfin trouvé le courage de rentrer. »

Laurent sourit, effleura son front dun baiser et entrelaça ses doigts avec les siens.

Cette fois, elle ne lâcha pas prise.

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Je vais longtemps te chanter, comme une douce mélodie…