Tu vas à la campagne ? Alors reste-y !» rigola ma fille en louant notre appartement

**Journal d’Antoinette 12 octobre**

*Tu vas souvent à la maison de campagne ? Alors reste-y !* a lancé ma fille en riant, tout en préparant la location de lappartement.

Maman, tu te souviens où est mon pull bleu ? a crié Léa depuis sa chambre. Celui avec la capuche.

Antoinette sest détachée des vieilles photos quelle triait et a tendu loreille. Sa fille fouillait dans le placard, faisant tinter les cintres.

À la lessive, peut-être, a-t-elle répondu. Regarde sur le balcon.

Je lai trouvé ! a retenti une minute plus tard.

Antoinette est revenue aux photos. Là, Léa toute petite, dans les bras de feu son mari, Édouard, devant leur première voiture. Puis écolière, un bouquet à la main pour la rentrée. Et enfin, le jour du bac…

Maman, quest-ce que tu regardes ? Léa est sortie de sa chambre, enfilant ce fameux pull bleu.

Juste des vieilles photos trouvées dans la commode. Je me demande lesquelles garder.

Ma fille sest approchée et a plongé son regard dans la boîte.

Oh, cest nous à la campagne ! Elle a pris un cliché où tous trois posaient devant la tonnelle quÉdouard venait de construire. Papa était encore là. Ça fait des années…

Huit, a murmuré Antoinette. Huit en août.

Le temps passe vite, a soupiré Léa en reposant la photo. Maman, je voulais te parler.

Quelque chose dans sa voix a alerté Antoinette. En trente-quatre ans de maternité, elle avait appris à décoder chaque intonation. Ce ton prudent annonçait toujours une discussion désagréable.

De quoi, ma chérie ?

Léa sest dirigée vers la cuisine, sest assise. Antoinette la suivie.

Tu vois, jai une opportunité professionnelle, a commencé ma fille, évitant son regard. Un client propose un contrat bien payé pour développer une boutique en ligne.

Cest une bonne nouvelle, sest réjouie Antoinette. Cest ton domaine, linformatique.

Oui, mais… il faut que je travaille à distance. Ici, dans lappartement, ce sera difficile de me concentrer.

Pourquoi ? Je ne te dérange pas.

Maman, tu sais bien… La télé, les appels, les voisins qui mettent de la musique. Jai besoin de calme.

Antoinette a hoché la tête. Dans leur HLM, lisolation était misérable, et les voisins adoraient les décibels.

Que proposes-tu ?

Je pensais… Léa a hésité. Et si je louais un autre appartement ? Un endroit tranquille. Le salaire le permet.

Louer ? Et celui-ci, il nest plus à toi ?

Maman, tu déformes mes mots. Bien sûr quil est à moi. Mais jai besoin dun espace dédié. Au moins pour un an.

Antoinette la regardée, déconcertée. Elles avaient toujours vécu ensemble, même quand Léa sétait mariée cétait son époux qui avait emménagé ici. Le mariage navait duré quun an, et ma fille était restée.

Et moi, je resterai seule ici ?

Mais tu passes ton temps à la campagne ! sest animée Léa. De mai à octobre, tu y es presque tous les jours. Alors installe-toi là-bas !

Comment ça, « là-bas » ?

Tu ty installes, et on loue lappartement. On partagera les revenus, cest équitable.

Antoinette a senti une boule lui serrer la gorge.

Tu veux me mettre à la porte ?

Mais non ! sest défendue Léa. Personne ne te chasse. Cest une solution logique. Tu aimes la campagne, lappartement reste vide.

Et lhiver ? Il y fait froid.

Tu chaufferas la cheminée. Ou on installera un radiateur.

Léa, a murmuré Antoinette, tu proposes sérieusement à une femme de cinquante-neuf ans dhiverner à la campagne ?

Maman, tu es en forme ! Et beaucoup de retraités y vivent toute lannée. Lair pur, la tranquillité…

Et personne en cas de problème.

Les voisins sont là ! Les Martin, les Lefèvre… Eux aussi restent lhiver.

Antoinette a digéré ces mots en silence. Léa a poursuivi :

Réfléchis : quel intérêt de garder un deux-pièces inoccupé ? Les locations sont rentables dans notre quartier.

Et si ton contrat se termine ?

Il durera des années. Sinon, je trouverai autre chose.

Antoinette sest levée, sest approchée de la fenêtre. Dans la cour, des enfants jouaient, un chien aboyait, des voitures passaient. Le bruit familier de la ville, celui de toute une vie.

La campagne… Cétait autre chose. Une petite maison en bois à cinquante kilomètres de Lyon, un jardin, un potager. Un refuge, pas un foyer.

Y vivre toute lannée ?

Léa, et si je tombe malade ? Si jai besoin dune ambulance ?

Tu as ton téléphone. Et la voiture.

Je naime pas conduire. Jai le permis, mais ça me stresse.

Tu ty feras. Sinon, il y a le bus.

Antoinette sest retournée vers sa fille.

Tu as déjà tout décidé, nest-ce pas ?

Léa a rougi.

Non, je te propose juste une solution. Prends ton temps.

Quand veux-tu une réponse ?

Le projet commence le premier novembre. Donc dans trois semaines.

Antoinette a repris une photo : elle et Édouard, jeunes mariés, devant leur nouvel appartement. Vingt-deux ans, tout un avenir devant eux.

Tu te souviens comment on la obtenu, cet appartement ?

Bien sûr. Tu me las raconté cent fois.

Ton père a fait la queue huit ans. Il travaillait à lusine, faisait des heures sup, sinvestissait dans le syndicat. Tout pour ces deux pièces.

Maman, cétait une autre époque.

Oui. À lépoque, les parents accueillaient leurs enfants, ils ne les envoyaient pas à la campagne.

Ne dramatise pas. Je ne te jette pas à la rue. Cest un arrangement gagnant-gagnant.

*Gagnant-gagnant.* Antoinette a souri ironiquement. Quel gain y avait-il à grelotter lhiver dans une maison mal isolée ?

Daccord, je vais y réfléchir.

Super ! sest exclamée Léa. Tu verras, ça marchera. Et largent de la location sera partagé. Un bon complément à ta retraite.

Elle a embrassé sa mère avant de partir :

Je dine chez Amélie, ne mattends pas.

Le soir, seule à la cuisine avec son thé, Antoinette a pesé le pour et le contre.

La campagne était agréable, oui. Mais y vivre en permanence ?

Et puis, cette facilité avec laquelle Léa remodelait leur vie… Comme si sa mère était un meuble encombrant.

Elle sest souvenue des mots de Léa après la mort dÉdouard :

*Ne reste pas seule, maman. Viens vivre avec moi.*

Aujourdhui, la même Léa l« invitait » à partir.

Le lendemain, Antoinette est allée voir la maison de campagne. Le trajet en bus a duré une heure trente.

La maison était petite mais accueillante. Deux pièces, une cuisine, une véranda. La cheminée fonctionnait, le bois était stocké. Vivable, en théorie.

Antoinette ! la interpellée son voisin, Monsieur Martin. Tu restes longtemps ?

Peut-être pour de bon

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Tu vas à la campagne ? Alors reste-y !» rigola ma fille en louant notre appartement
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