« On va vendre ton appartement et vivre chez mes parents », répéta-t-il en franchissant la porte du balcon. « Maman et Papa ont tout préparé. Une chambre au premier étage, une salle de bain privée. Ce sera pratique. »
Juliette posa lentement le livre quelle lisait sur la table du balcon. Lair printanier était frais, agréable après un hiver étouffant. Elle regarda son mari, debout dans lencadrement de la porte. Antoine paraissait déterminé trop déterminé pour un samedi matin.
« Quest-ce que tu as dit ? » demanda-t-elle, espérant avoir mal entendu.
« On va vendre ton appartement et vivre chez mes parents », répéta-t-il en savançant vers elle. « Ils ont tout organisé. Une chambre à létage, une salle de bain rien que pour nous. Cest pratique. »
Juliette le fixa, cherchant à deviner sil plaisantait ou non. Trois ans de mariage lui avaient appris à décrypter ses humeurs, mais cette fois, elle était perdue.
« Antoine, cest lappartement de ma grand-mère. Elle me la légué. »
« Et alors ? Il faut des travaux, les charges sont trop élevées. Chez mes parents, il y a de la place pour tout le monde. Largent de la vente, on le placera. »
« Dans quel compte ? » précisa Juliette.
« Celui de la famille, bien sûr. Maman dit que cest la chose raisonnable à faire. Elle sy connaît en finances. »
Juliette se leva de sa chaise en rotin et sapprocha de la balustrade. Dans la cour, des enfants jouaient. Elle se souvint des étés passés ici, petite, chez sa grand-mère pendant les vacances.
« Ta mère a décidé à ma place ce que je devais faire de mon appartement ? »
« Ne commence pas, Juliette. On en parle calmement. »
« On en parle ? Tu me présentes un fait accompli. »
Antoine sapprocha pour lui prendre la main, mais elle se déroba.
« Écoute, cest logique. Pourquoi avoir deux logements ? Mes parents vieillissent, ils ont besoin daide. Et cet appartement quest-ce quil a de si spécial ? Un banal deux-pièces en banlieue. »
« Jy ai passé mon enfance, murmura-t-elle. Mamie me la laissé parce quelle savait que jy tenais. »
« La sentimentalité, cest mignon, mais pas très pratique. Maman a raison il faut penser à lavenir. »
« À *son* avenir ? »
Antoine fronça les sourcils. Il ne supportait pas quon critique ses parents, surtout sa mère. Élodie avait élevé seule ses dix premières années, avant de rencontrer Philippe. Depuis, il se sentait obligé de la défendre contre toute attaque.
« Juliette, ça suffit. La décision est prise. On voit lagent immobilier lundi. »
« Quelle décision ? Prises par qui ? »
« Par moi. Je suis le chef de famille. »
Juliette éclata dun rire amer.
« Le chef de famille ? Sérieusement ? Antoine, je croyais quon était égaux. »
« Les égaux ne saccrochent pas à des vieilleries. Ma mère a vendu son studio quand elle a épousé mon père. Ils sen sortent très bien. »
« Ta mère a vendu un 20 m² à Saint-Ouen pour emménager dans la maison de ton père. Ce nest pas la même chose. »
Antoine rougit. Il détestait quon lui rappelle les évidences quil préférait ignorer.
« Ne parle pas de mes parents comme ça ! »
« Je dis la vérité. Et voici une autre vérité : je ne vends PAS cet appartement. »
« On verra », gronda Antoine avant de quitter le balcon.
Juliette resta immobile. Le soleil montait, réchauffant son visage. Elle repensa à Mamie Lucie, qui avait travaillé toute sa vie comme infirmière pour soffrir cet appartement. « Ma chérie, lui disait-elle, une femme doit toujours avoir un chez-soi. Souviens-ten. »
Ce soir-là, Antoine ramena ses parents « pour le thé ». Juliette savait quil ne sagissait pas dune simple visite. Élodie entra la première, inspectant les lieux dun regard critique.
« Effectivement, personne na rien rénové ici depuis vingt ans, conclut-elle. Le papier peint sécaille, le parquet grince. Imaginez le budget pour tout remettre à neuf ! »
Philippe, silencieux, sinstalla dans le canapé. Il intervenait rarement dans les discussions de sa femme.
« Bonsoir, Élodie, Philippe, dit Juliette. Un thé ? Un café ? »
« Un thé vert, sans sucre, répondit sa belle-mère. On surveille sa ligne. »
Juliette partit dans la cuisine. Antoine la suivit.
« Ne fais pas la tête, chuchota-t-il. Mes parents veulent nous aider. »
« À faire quoi ? À me priver de mon chez-moi ? »
« Ne dramatise pas. Ce nest pas comme si tu finissais à la rue. »
« Non, je vivrais chez tes parents. Sous leurs règles, leur emploi du temps. »
« Quest-ce quil y a de mal à avoir des règles ? Maman aime lordre, cest tout. »
Juliette versa le thé et disposa des biscuits sur un plateau. Ses mains tremblaient légèrement.
Dans le salon, Élodie avait déjà étalé des documents sur la table.
« Juliette, asseyez-vous, ordonna-t-elle. Nous devons discuter des détails. »
« Quels détails ? »
« La vente de lappartement, évidemment. Jai pris des renseignements. Un bien comme celui-ci peut rapporter une belle somme. Bien sûr, il faudra baisser le prix à cause de létat, mais ce sera correct. »
« Élodie, je ne vends PAS mon appartement. »
Sa belle-mère leva les sourcils.
« Pardon ? Antoine ma dit que vous étiez daccord. »
« Antoine a MENTI. »
« Juliette ! sexclama son mari. On en a parlé »
« Toi, tu as parlé. Moi, jai dit NON. »
Élodie se redressa, le visage durci.
« Ma petite, vous ne comprenez pas la situation. Antoine est mon fils unique. Je ne permettrai pas quune »
« Une QUOI ? » coupa Juliette. « Allez-y, finissez votre phrase. »
« Quune fille sortie de je ne sais où le manipule. »
« *Je* le manipule ? Ce nest pas *vous* qui essayez de me forcer à vendre mon seul bien ? »
Philippe toussota.
« Élodie, peut-être que »
« Tais-toi, Philippe ! aboya-t-elle. Je sais ce que je fais. Juliette, soyez raisonnable. Vous serez mieux chez nous. Une grande cuisine, un jardin, une piscine. Que demander de plus ? »
« Ma liberté », répondit Juliette.
« Votre liberté ? De quoi ? De votre famille ? »
« De votre CONTRÔLE. »
Élodie devint écarlate.
« *Moi*, contrôlante ? Je prends soin de mon fils, de son avenir ! »
« De son avenir ou du *vôtre* ? » rétorqua Juliette. « Pourquoi avez-vous besoin de largent de *mon* appartement ? »
Un silence tomba. Élodie et Philippe échangèrent un regard. Antoine semblait perdu.
« Quest-ce que tu insinues ? protesta-t-il. Juliette, tu dépasses les bornes ! »
« Je pose une question logique. Si tes parents sont si aisés, pourquoi veulent-ils mon argent ? »
« Ce nest pas le *tiens*, cest celui de la *famille* ! » sécria Élodie.
« NON, dit fermement Juliette. Lappartement est à *mon* nom. Cest *ma* propriété. »
« Égoïste ! » cracha sa belle-mère. « Antoine, tu vois à qui tu as affaire ? »
« Maman, calme-toi »
« Ne me dis pas ce que je dois faire ! Je tai élevé, jai tout sacrifié pour toi ! Et tu ramènes *ça* sous notre toit »
« Ça suffit, dit Juliette en se levant. Sortez de chez moi. »
« *Quoi* ? » Antoine semblait sidéré. « Juliette, tu ne peux pas mettre mes parents à la porte ! »
« Si, je le peux. Élodie, Philippe au revoir. »
Sa belle-mère se leva, tremblante de rage.
« Antoine, viens. Si ta femme ne respecte pas la famille, nous navons rien à faire ici. »
« Mais, Maman »
« Jai dit VIENS ! »
Antoine regarda Juliette, puis sa mère.
« Juliette, excuse-toi. Tu as tort. »
« De quoi ? De ne pas vouloir céder mon appartement ? »
« Davoir insulté ma mère ! »
« Cest *elle* qui ma insultée. Bien sûr, tu ne las pas remarqué. »
Antoine serra les poings.
« Tu sais quoi ? Peut-être que Maman a raison. Tu ne penses quà toi. »
« Et toi, tu ne penses quà ta mère. Peut-être que tu aurais dû lépouser ? »
Antoine blêmit. Élodie lattrapa par le bras.
« Viens, mon fils. Ne perds pas ton temps avec les ingrats. »
Ils partirent en claquant la porte. Juliette resta seule au milieu du salon. Les documents quÉlodie avait apportés étaient étalés sur la table des annonces immobilières, des contacts dagences, même un projet de compromis de vente.
« Ils avaient tout prévu, réalisa-t-elle. Ils étaient sûrs que je céderais. »
Les jours suivants, le silence régna. Antoine dormait ostensiblement sur le canapé, partait tôt, rentrait tard. Quand elle essayait de parler, il répondait par monosyllabes.
Jeudi soir, en rentrant du travail, Juliette trouva un inconnu dans lappartement. Il parcourait les pièces, notant des chiffres.
« Qui êtes-vous ? Comment êtes-vous entré ? »
« Monsieur Lefèvre, expert immobilier, se présenta-t-il. Votre mari ma donné les clés pour estimer le bien. »
« Mon mari navait pas ce droit. Partez. »
« Mais jai presque fini »
« PARTEZ. Tout de suite. »
Lexpert haussa les épaules et sen alla. Juliette appela Antoine.
« Comment oses-tu faire estimer lappartement sans me prévenir ? »
« Je voulais connaître sa vraie valeur. Rien dillégal. »
« Antoine, cest *mon* bien. Tu nas pas à en disposer. »
« Tu es ma femme. Ce qui est à toi est à moi. »
« NON. Cest un bien propre, acquis avant le mariage. »
« Des formalités. On saime. »
« Lamour ne te donne pas le droit de voler. »
« *Voler* ? Tu maccuses de vol ? »
« Comment appelles-tu vouloir vendre un bien qui ne tappartient pas ? »
Antoine raccrocha. Il ne rentra pas ce soir-là. Juliette appela son ami Mathieu.
« Il est chez moi, avoua-t-il. Juliette, quest-ce qui se passe entre vous ? »
« Demande-lui. »
« Il dit que tu refuses tout compromis avec ses parents. »
« Je ne veux pas vendre. Cest un crime ? »
« Non, mais ne pourriez-vous pas trouver un terrain dentente ? »
« Quel compromis ? Vendre et devenir dépendante de sa mère ? »
Mathieu hésita.
« Je ne sais pas. Mais Antoine est bouleversé. Il dit que sa mère pleure. »
« Quelle pleure. Ce nest pas une raison pour me dépouiller. »
Samedi matin, on sonna à la porte. Juliette ouvrit une femme en tailleur se tenait sur le palier.
« Maître Dubois, avocate pour la famille Morel », se présenta-t-elle.
Morel le nom de jeune fille dÉlodie. À contrecœur, Juliette la fit entrer.
« Juliette, je suis venue parler de lappartement. »
« Il nest pas à vendre. »
« Je comprends votre position. Mais soyons objectives. Vous êtes mariée depuis trois ans. La famille Morel a beaucoup fait pour vous. »
« Par exemple ? »
« Le mariage payé par eux, des vacances en Grèce, des cadeaux »
« Des cadeaux, pas des investissements. Élodie attendait un retour ? »
Maître Dubois sourit.
« Elle est généreuse, mais elle peut attendre de la réciprocité. »
« Du CHANTAGE, alors ? »
« Pas du tout. Simplement un rappel quune famille, cest lentraide. »
« Lentraide, ce nest pas le PILLAGE. »
« Vous exagérez. Personne ne veut vous dépouiller. Largent servira aux besoins familiaux. »
« Quels besoins ? »
Lavocate hésita.
« Cest une affaire privée. »
« Si ça concerne mon appartement, cest MON affaire. »
« Juliette, ne compliquez pas les choses. Élodie propose un compromis. Une chambre indépendante chez eux, avec balcon. »
« Quelle GÉNÉROSITÉ. Une chambre contre un deux-pièces. »
« Et la vie en famille. »
« Avec une famille qui veut me SAIGNER. »
Maître Dubois soupira.
« Vous êtes trop radicale. Antoine pourrait demander le divorce. »
« Quil le demande. »
« Et réclamer la moitié des biens. »
« Lappartement est un bien propre. Il nest pas partageable. »
« Mais la chambre a été rénovée pendant le mariage. Avec largent dAntoine. »
Juliette éclata de rire.
« Vous parlez du papier peint à 500 euros ? Sérieusement ? »
« Toute amélioration dun bien pendant le mariage peut le rendre commun. »
« Essayez de le prouver au tribunal. »
Lavocate se leva.
« Juliette, réfléchissez. Vaut-il la peine de briser une famille pour de limmobilier ? »
« Ce nest pas moi qui la brise. »
Elle partit, laissant une carte sur la table. Juliette la déchira.
Lundi, au travail, sa collègue Camille laborda.
« Juliette, cest vrai que tu divorces ? »
« Qui ta dit ça ? »
« Antoine a posté sur les réseaux. Il dit que tu las mis à la porte et que tu préfères ton appartement à ta famille. »
Juliette ouvrit son téléphone. Un long texte dépeignait sa soi-disant avidité, son refus de vivre « dans lamour familial ».
« Jai suggéré quon vive chez mes parents, écrivait-il. Mais elle saccroche à un vieil appartement, détruisant notre mariage. »
Les commentaires le soutenaient, traitant Juliette de « matérialiste ».
Elle appela Antoine.
« Supprime ce post. »
« Pourquoi ? Jai dit la vérité. »
« Une MENSONGE. Je ne tai pas mis dehors. Tu es parti. »
« Après que tu aies insulté ma mère. »
« Antoine, supprime-le, ou jécris ma version. »
« Vas-y. On verra qui ils croient. »
Elle raccrocha. Le soir même, elle publia une réponse, expliquant les faits : la tentative de vente, les pressions, les menaces voilées.
Le scandale éclata. Leurs proches se divisèrent.
Une semaine plus tard, Antoine revint. Il avait lair épuisé.
« Juliette, parlons. »
« De quoi ? »
« De nous. De notre avenir. »
« On *en a* un ? »
Il sassit, la tête dans les mains.
« Je ne veux pas divorcer. Mais Maman »
« Qua-t-elle dit ? »
« Que si je ne te fais pas vendre, je serai déshérité. »
« Et cet héritage, cest quoi ? »
« La maison, les comptes, lentreprise de mon père. »
« Tu choisis entre moi et largent de tes parents ? »
« Ce nest pas si simple ! »
« Si. Soit tu maimes et respectes mes droits, soit tu aimes leur ARGENT. »
« Ne simplifie pas ! »
« Alors ne complique pas. Antoine, dis-moi la vérité : pourquoi ta mère veut vendre ? »
Il baissa les yeux.
« Ils ont des DETTES. »
« Des dettes ? Je croyais quils étaient riches ! »
« Ils létaient. Papa a fait un mauvais investissement. Tout est hypothéqué. »
Juliette sassit près de lui.
« Pourquoi ne pas me lavoir dit ? »
« Maman a interdit. Affaire de famille, disait-elle. »
« Et la solution, cest mon appartement ? »
« Ça leur donnerait du temps. Remettre les créanciers à distance. »
« Antoine, ce nest pas une solution. Cest boucher les TROUS. »
« Tu proposes quoi ? Quils perdent leur maison ? »
« Je propose lhonnêteté. Sils avaient été francs, on aurait pu chercher une solution *ensemble*. »
« Comme quoi ? »
« Louer lappartement, par exemple. Les loyers aideraient. »
« Maman nacceptera jamais de vivre avec *ton* argent. »
« Alors quelle trouve autre chose. »
Antoine se leva, agité.
« Tu ne comprends pas. Perdre la maison, elle ne le supportera pas. »
« Antoine, je suis désolée. Vraiment. Mais je ne dois pas payer pour leurs erreurs. »
« *Leurs* erreurs ? Ce sont mes parents ! »
« Pour moi, ce sont des ÉTRANGERS. Surtout après leur comportement. »
« Tu es rancunière ! »
« Je suis réaliste. Tes parents ont tenté de me MENTIR, de mintimider. Et je devrais leur donner mon bien ? »
« Pas à *eux*, à *nous* ! On est une famille ! »
« NON, Antoine. Une famille, cest la confiance et le respect. Pas les mensonges. »
Il attrapa sa veste.
« Tu sais quoi ? Maman avait raison. Tu es égoïste. »
« Et toi, tu nes quun fils à maman. Peut-être que *ça* est notre vrai problème. »
Il claqua la porte. Juliette resta seule. Il avait oublié son téléphone. Lécran salluma un message dÉlodie :
« Alors, mon fils ? Elle accepte ? »
Juliette ne lut pas la suite. Elle posa le téléphone dans lentrée et alla se coucher.
Le lendemain, les appels incessants la réveillèrent. Elle ny répondit pas. Vers midi, des coups violents ébranlèrent la porte.
« Juliette, ouvre ! Je sais que tu es là ! » hurlait Élodie.
Juliette entrouvrit, la chaîne de sécurité en place.
« Que voulez-vous ? »
« Le téléphone de mon fils ! Ne fais pas semblant de ne pas savoir où il est ! »
« Il est dans lentrée. Antoine la oublié hier. »
« Donne-le-moi ! »
« Quil vienne le chercher lui-même. »
« Il ne veut plus te voir ! »
« Moi non plus. »
Élodie devint pourpre.
« Comment oses-tu ! Jappelle la police ! »
« Allez-y. Expliquez-leur pourquoi vous frappez à *ma* porte. »
« Cest aussi celle de mon fils ! »
« Non. Il nest pas inscrit ici. »
Derrière elle, Philippe tenta dintervenir.
« Élodie, partons. Pas de scandale. »
« Tais-toi ! Cette fille a ruiné notre fils ! »
« *Ton* fils a ruiné sa vie en choisissant ta bourse plutôt que sa femme. »
À ce moment, les voisins, les vieux Bernard, apparurent sur le palier.
« Tout va bien ? » demanda Monsieur Bernard, méfiant.
« Tout va bien, répondit Juliette. Mes beaux-parents cherchent un téléphone. »
« *Anciens* beaux-parents, rectifia-t-elle. »
Élodie voulut riposter, mais Philippe lentraîna vers lascenseur.
« Viens, Élodie. Antoine réglera ça lui-même. »
Ils partirent. Les Bernard regardèrent Juliette avec compassion.
« Si vous avez besoin daide », murmura Madame Bernard.
« Merci, mais ça va. »
Ce soir-là, Antoine vint récupérer son téléphone et quelques affaires.
« Je viendrai chercher le reste plus tard, dit-il froidement. »
« Antoine, attends. Parlons du divorce. »
« De quoi parler ? Tu as fait ton choix. »
« Toi aussi. »
Il sarrêta sur le seuil.
« Tu sais, je croyais que tu maimais. »
« Je taimais. Mais cet amour est mort quand tu as voulu me VOLER. »
« Je nai rien volé ! Je voulais aider mes parents ! »
« À mes dépens. Cest du vol. »
Il partit. Juliette ferma la porte et sy adossa. La douleur était là, mais aussi un soulagement comme si un poids immense sétait envolé.
Le divorce fut rapide. Antoine ne réclama pas lappartement, comprenant linutilité de la démarche. Juliette ne demanda ni pension ni compensation.
Un mois plus tard, elle croisa Mathieu dans un café.
« Comment va Antoine ? » demanda-t-elle en remuant son sucre.
« Aucune idée. On ne se parle plus. »
« Moi, si, avoua Mathieu. Ils sont tous les trois entassés dans un studio à Clichy. La maison a été saisie pour dettes. »
Juliette hocha la tête. La nouvelle ne la surprenait pas.
« Élodie travaille comme vendeuse dans une parfumerie maintenant, continua-t-il. Et Antoine est devenu un simple employé. Plus un sou. »
« Je les plains, vraiment, dit Juliette, sincère. »
« Antoine demande de tes nouvelles parfois. Dit quil a eu tort. »
« Trop tard. »
Mathieu termina son café.
« Et toi, tu es heureuse ? »
Juliette sourit.
« Tu sais, jai refait le balcon. Une nouvelle chaise, des fleurs. Le matin, je my installe avec un livre en me disant que jai bien fait. »
« Aucun regret ? »
« Aucun. Lappartement de Mamie nest devenu *mon* chez-moi quune fois les mensonges partis. Maintenant, il ny a plus que moi. Et ça me suffit. Pour linstant, ça me suffit. »
Elle se leva, prit son sac.
« Je dois y aller. Les ouvriers viennent ce soir je change le papier peint de la chambre. Avec *mon* argent, dans *mon* appartement. Comme il se doit. »
Elle rentra chez elle dun pas léger, savourant le soleil printanier et sa liberté.







